samedi 31 août 2019


Une volute sur un squelette ?
Serait-ce un squelette vivant,
un squelette prêt à danser ?

C'est peut-être
un vivant qui vit
mais en fait
qui est mort.

Est-ce possible ?

Je le promène
partout avec moi,
mon squelette.

Un sac d'os.

On dit souvent
qu'on ne fera pas 
de vieux os.
Mais les os vivent
plus longtemps
que nous.

Alors ce squelette et sa volute ?

Derrière mon apparence,
qu'est-ce qu'il y a ?

Derrière ma volonté
de faire bonne figure,

est-ce que je choisis la mort 
(et c'est souvent à petit feu )

ou la vie ?




1880-190

Portrait d'Elisabeth Catez (1880-1906)



vendredi 30 août 2019



Cette soif, quelle est-elle,
puisque rien ne l'étanche ?

Si elle était étanchée,
je n'aurais plus soif.

Etre étanche, étrange
pour un homme ?

Peut-être que je veux
continuer d'avoir soif
de soif.

Je ne veux pas la perdre cette soif
comme je ne veux pas perdre la faim.

Je ne veux pas être repu.

Je veux crier.
Je veux avoir soif
Je veux avoir faim.

Je veux continuer
à tendre la main.

Je ne suis pas clos.
Je ne suis pas achevé.






jeudi 29 août 2019


On ne s'est pas rencontré.

Où se rencontrera-t-on,
maintenant que tu 
n'es plus vraiment là ?

Où es-tu d'ailleurs ?

Je te parle autrement.
Et avec mes mots
je te rencontre peut-être.
Je t'emmène sur un chemin de forêt.
Je calme la folie dans ta tête.
Je te parle du silence
et tu me dis d'un air malicieux :
"Tais-toi !"

Je t'emmène dans une clairière.
Je t'aide à t'allonger
dans les hautes herbes.
Je caresse les cheveux
qu'il te reste.

Et nous fermons les yeux.
Ton cauchemar n'est plus là.
Tu t'es endormi.



mercredi 28 août 2019



A l'abri de la chaleur
je marche en forêt.

Je suis étonné par le silence.
Même les mésanges
et un pic-vert que j'aperçois
ne font pas de bruit.
Ils frôlent les feuillages.
Ils sont sans cesse en mouvement.

C'est comme si les arbres
veillaient sur le silence,
des poches de silence
qui peut-être
pourront servir un jour

On transfuse bien le sang.
Un jour peut-être
transfusera-t-on le silence,
sous ordonnance.

Vous êtes trop bruyant 
en vous-même, monsieur.
Je vous prescris
une poche de silence
à transfuser
de préférence le matin,
pendant une semaine.




Portrait de Vijayananda
encre de chine

"C’est toute la symbolique de l’histoire du Titanic, les êtres qui se trouvent à bord sont tellement emportés et absorbés par leurs projections qu’ils oublient qu’ils sont sur un bateau, ils dansent, ils boivent, ils fument….même les personnes de l’équipage sont à la fête. Et puis personne ne comprend rien, le navire heurte un bloc de Dame Nature et tout s’écroule. Pourquoi ? tout simplement parce qu’ils avaient oubliés qu’ils étaient sur un Océan, un Océan de Vie et que sur cet Océan il y a des choses qui vivent, qui remontent à la surface et qui parfois même restent présents sur elle."


mardi 27 août 2019



Des branches de begonias "maculata"
plongées dans l'eau
donnent racines.

Cela m'émerveille.
La science explique-t-elle
ce phénomène ?

Les cellules au niveau
de la brisure,
en contact avec l'eau
soudain se multiplient
pour former des racines.

Je cherche aussi
les éléments déclencheurs
dans ma vie

Est-ce que l'on n' est pas tous
des branches cassées
qui cherchons
la vraie vie *?

*"Quelle vie ! La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde"
Arthur Rimbaud





Portrait de la philosophe Simone Weil (1909-1943)

Encre de chine

"Dire que le monde ne vaut rien,
que cette vie ne vaut rien
et donner pour preuve le mal
est absurde,
car si cela ne vaut rien,
de quoi le mal nous prive-t-il ?"



lundi 26 août 2019


Je n'ai pas d'autre chose à faire.

Etre tourné,
fixé,
aimanté,
fasciné.

Il y a un monde derrière moi. 
Il y a toujours un monde derrière nous.

Pourquoi s'y accrocher ?
Je décroche.

Il y a de l'or.
Il y a du feu.
Et cela vit.
Trace d'étincelles
qui se poursuit
d'aube en aube.

Il y a des mains
qui ne lâchent pas,
ne se referment jamais.

Et c'est celles-là que je choisis.
Et c'est celles-là que je tiens !



dimanche 25 août 2019


Ce n'est pas une feuille quelconque.
C'est une feuille
qui se révèle singulière.
Elle est quelqu'une.

Elle ne se calque
sur aucune autre feuille.

Elle ne disparaît pas
dans le feuillage.
Elle ne porte pas 
son identité de feuille
comme un drapeau.

C'est une feuille-signe
qui échappe
à l'insignifiance.

Elle est feuille
jusqu'au bout
des nervures.

Elle n'appartient à personne.
Elle va disparaître
avec le vent d'automne.

Elle m'interpelle
et je la nomme
pour qu'elle vive et rejoigne
le lieu intime
où je suis moi-même.






samedi 24 août 2019


C'est le voyageur errant.
Il n'a nulle part
où reposer sa tête.

Les yeux écarquillés,
sa seule science
est celle d'un pied
qui avance suivi
par un autre.

Il va du dehors
au dedans,
ne veut plus 
se laisser happer
par ce qui est
sans consistance.

Peu importe le nom
donné à l'étoile
entrevue.
C'est elle qu'il veut
épouser

pour retrouver
le seul visage
qui est le sien.






Portrait de la poétesse Kathleen Raine (1908-2003)

encre de chine


Où est la joie, quand ?
étant vieille je sais que 
la joie ici et maintenant, toujours,
en chaque lieu, est en nous
qui devons mourir, devons porter le deuil,
devons bientôt être passés.

Joie fragile, brève,
Bientôt, jadis, alors, nulle part-
Mais quelle beauté, quelle clarté
dans le soleil, dans la lumière de la vie.

Inutile de parler de la peine,
de l'absence, de l'abandon - les larmes coulent
De tous les yeux, offrandes
A la joie dont le coeur se souvient,
dont tous connaissent la privation.

Joie -
Ce matin sur le ciel clair
Les brindilles du sycomore sans feuilles
s'agitent doucement dans l'air glacé.

Si loin de la joie -
Heureuse cependant, car moi
qui suis moi-même l'ombre
sous mes yeux
dois enfin mourir.

Kathleen Raine, La Présence, poèmes 1984-1987

vendredi 23 août 2019


Le soleil perce la sapinière.
l'ombre n'y est pas si tenace.

Je marche avec un ami.
Je parle avec lui.
Les arbres brillent étrangement.
On parle de vide et de souffle.
On ne perd pas souffle sur le chemin.
Un zéphyr nous entoure.
C'est par une parole
que je l'ai vraiment senti.

Un zéphyr qui rendait tout léger,
qui simplifiait tout.

l'ombre de ma sapinière
n'est pas si tenace.

Je voudrais m'endormir ce soir
dans les bras du zéphir
d'un sommeil d'enfant
qui répare tout.






jeudi 22 août 2019


Quelques mésanges 
dans la forêt
n'arrêtent pas de fuir.

J'aimerai rester avec elles.
Mais elles sont déjà plus loin.

Je franchis des seuils.
Je m'enfonce dans les fourrés,
loin du monde
que l'on dit civilisé.

Mais rien n'est transmuté.

Je m'éloigne sans fuir.

Je franchis des portes
où le vent est déjà passé
et a tout emporté.

J'ai besoin de temps
pour être bien
avec mon temps
qui est unique.

Dans cette marche à l'obscur,
sur ce chemin qui mène
à se laisser emmener,

je ne vois rien.
Reste une brûlure
qui me pousse
à aller plus loin
à aller plus vrai.




mercredi 21 août 2019



Hyper connectée la feuille !
Le débit est de combien ?
C'est du câble
ou de la fibre ?

N'empêche que 
sans sa connexion,
il y a peu de chance
qu'elle survive bien longtemps.

Je suis connecté aussi
à mes écrans.
Mais si je me déconnecte,
j'ai peut-être une chance
de vivre mieux
et plus longtemps ?

Elle est où
ma vraie connexion ?
Il est où mon arbre ?


Ps : "Auprès de mon arbre, je vivais heureux" 





mardi 20 août 2019

Ne pas se résoudre.
Je ne me résous pas.

Je lance un défi
à la défiance

Par la fenêtre de l'escalier,
chaque matin,
lorsque l'aube ouvre 
la page du jour,
je m'émerveille.
Je recommence.
Confiance. 

Je veux faire sa fête
à la défaite.
Je me résous pas
à la mort lente,
la mort à petit feu,
l’anesthésie qui scie
les ailes du désir.

Et la vie vient à mon appel
parce que je crie
vraiment vers elle. 







Portrait de Katherine Mansfield (1888-1923)

encre de chine


"Par la santé, je veux dire la capacité de mener une vie pleine, adulte, vivante, agissante, au contact étroit de ce que j'aime - la terre et ses merveilles - la mer - le soleil. De tout ce que nous voulons dire quand nous parlons du monde extérieur. Je veux y pénétrer, en être une part, y vivre, apprendre ce qu'il enseigne, perdre tout ce qui, en moi, est superficiel et acquis, devenir un être humain conscient et sincère. Je veux comprendre les autres en me comprenant moi-même. Je veux réaliser tout ce que je suis capable de devenir pour pouvoir être... (et ici je me suis arrêtée d'écrire, j'ai attendu, attendu encore inutilement - une seule expression dit ce qu'il faut dire) une enfant du soleil. Il semble que ce soit mentir  que de dire même un seul mot du désir d'aider les autres, de porter une lumière et d'autres aspirations semblables. Que ceci suffise. Etre une enfant du soleil"  Journal, 14 octobre 1922







lundi 19 août 2019


Portrait de Mâ Andanda Moyi

encre de chine

"L'instant passé ne revient pas. 
Le temps doit être utilisé et il ne l'est vraiment 
que lorsqu'il est consacré à rechercher "Qui suis-je ?"



C'est une histoire
de vie ou de mort.
Cela se dit dans les films
mais aussi dans la réalité.

Il y a des morts
qui amènent la vie
et des vies
qui amènent la mort.

Il y a même
des morts-vivants
et peu de 
vivants-vivants.

Est-ce que je vis ?
Est-ce si sûr que cela
que je vis ?

C'est une histoire de vie ou de mort.
Je ne vais pas m'allonger
avant l'heure.
Je ne vais pas m'endormir
devant un mauvais film.







dimanche 18 août 2019


A l'orée de la forêt
trône une chaise.

Mais le promeneur n'ira pas
s'y asseoir.
Un pied est cassé.

Seul un oiseau léger
pourrait s'y poser.

Léger, léger.
Pas inconsistant.
Léger et simple,
prêt à être soulevé par le vent.

La chaise reste seule
en haut de la colline
face à la ville assoupie.

Je ne suis pas un oiseau.
Je ne me sens pas léger.
l'amertume me bitume 
et me plombe les ailes.

Il n'y a que mon regard
qui lève les yeux au ciel.
Je risque pas de décoller
avec mon fardeau dans le dos.

Il n'y a personne sur la chaise.
Il n'y a personne sur la chaise.
je m'oublie moi-même.





samedi 17 août 2019


"Nous sommes liés de plus près à l'invisible qu'au visible."

Novalis

https://www.espritsnomades.net/litterature/novalis-la-fleur-bleue-et-l-eternite/




Il n'y a que cela.
Un peu de ceci, un peu de cela.
Mais cela ne suffit pas.
Je ferme les persiennes.
Il n'y a que ce monde
noir et blanc.
Mon oeil voit 
mais ne voit pas.
Il tue fige, lacère
pétrifie amer.

Parfois le vent
fait bouger une persienne.
Inondation de lumière.
Tiens ! Je n'avais jamais vu
autant de poussière.
J'étouffe. Ce n'est pas possible.
Il n'y a pas que cette vie.
Ici, cela sent le moisi.

Alors je pousse mon cri
je pousse ma vie
à la rambarde
dans un flot de larmes.
Alarme. Cela ne peut plus durer
Les persiennes ne doivent plus
se refermer.
J'entrouvre la fenêtre.
Des oiseaux d'ailleurs viennent.
Leurs chant les précèdent.
Je vois de plus en plus clair.
Qu'est-ce qui m'éclaire ?
C'est une autre vie,
un autre soleil.




vendredi 16 août 2019



Je ne vois rien venir
Je sais seulement
que c'est à cette fenêtre
que je dois me tenir

Tenir sans se tendre.
Se reposer de toutes ses forces.
Abandonner les lubies
les folies, les pacotilles
papillons sans couleurs
qui creusent les rides

Je me tiens à la fenêtre.
C'est la fenêtre qui me tient
Même si elle ne montre rien
elle ouvre une porte.

Je vois plus loin.
Plus de bout du nez
et plus de nombril.

S'absenter de soi sans fuir.
Par la fenêtre,
il y a du là-bas
tout près d'ici

où la vie vit.




"Car c'est en même temps
et au même instant
que l'amour est à l'oeuvre
et qu'il est au repos
dans son bien-aimé,
les œuvres et le repos
se consolidant mutuellement.
Plus sublime est l'amour,
plus grand est le repos
et plus grand est le repos,
plus intime est l'amour,
car ils vivent l'un dans l'autre.
Celui qui n'aime pas ne se repose pas
et celui qui ne se repose pas n'aime pas. "

Ruusbroec, extrait des "Noces éternelles"





jeudi 15 août 2019



Matin clair à l'ombre
d'une clarinette.
Personne ne danse.
Seules les fleurs
n'ont pas perdu
leurs couleurs.

Je chante avec toi,
joueur solitaire.
Notes et mots s'emmêlent,
se mêlent de vivre
au bord de la guerre
et de son étouffoir.

A l'ombre d'un soleil
trop radieux
pour être honnête,
je joue une chanson 
irrépressible,
que rien ni personne
n'arrête.


Le clarinettiste
semble être une ombre,
mais à l'intérieur
une flamme s'élève.
Elle brûle, tranquille
les filets de la mort.