jeudi 31 janvier 2019


Le ciel de l'eau
et l'eau du ciel
se sont rejoints.

Je m'y arrête
un instant.

C'est comme
quand on fait
la planche
en pleine mer
les yeux fermés.

Où est le haut ?
Où est le bas ?

Cela respire
simplement

Pour l'instant
quel autre besoin ?

Je t'ai rejoint
et tu m'as rejoint.



mercredi 30 janvier 2019


Il y a des départs 
qu'on ne voit pas,
des départs qui échappent 
à toute raison.

Pas d'organisation,
pas de préparation.

Bateaux au port,
vous ne partez pas
puisque vous revenez.

Je pars.
Mais c'est autre chose
que partir
pour aller d'un lieu
à un autre

Je pars et reste là
sans rien en dire,
parce que je n'en sais rien.

Mais je le vois bien,
(je ne rêve pas)

je pars








mardi 29 janvier 2019



Portrait de T. S. Eliot,

fusain et mine de plomb







Eh! l'oiseau, attends-moi.
Nul ne sait où tu vas.
Mais je vais avec toi
dans cet espace immense

Chacun a le sien.
Tu y déploies tes ailes.
Même enfermé,
je peux y déployer
les miennes.

Eh ! l'oiseau, attends-moi.
Je viens juste de comprendre
quelle liberté m'attendait.

A droite et à gauche
des ailes sont bien là.
Longtemps on m'a fait croire
que jamais le vent
ne pourrait me porter.

Mais aujourd'hui, l'oiseau
plus besoin de m'attendre,
puisque je vole à tes côtés
sans savoir pourquoi.

Eh ! l'oiseau,
danse avec moi.



lundi 28 janvier 2019


Reprendre le fil,
le couper ?

Pourquoi dit-on
passer un coup de fil ?

Et le fil d'une histoire ?
Il était une fois
deux fois, trois fois

et puis plus rien.

Si, reste le fil d'Ariane
pour sortir du labyrinthe.

l'histoire se déroule
le long d'un fil,
un fil de mots,
ceux qui font mal,
qui tuent à petit feu.

Et peu à peu la parole
passe sous les murs,
creuse un passage
où tout s'éclaire.

Coupe le lien
si tu le veux,
mais ne perds pas 
le fil




dimanche 27 janvier 2019


Qu'est-ce qui chante en moi ?
Un rond dans l'herbe,
un rond dans l'eau.

Par où suis-je passé ?

Je suis porté
par la douceur de l'herbe
par la douceur de l'eau.

Je dis au revoir
par la fenêtre,
mais il n'y a personne.

Il reste une flamme
à l'âtre
qui parle du temps
où l'on n'avait besoin
que d'une épaule
pour être bien,

d'un rond dans l'herbe
d'un rond dans l'eau,

pour exister.






samedi 26 janvier 2019


Sauver une chose du néant,
à quoi bon ?
Et pourtant,
cette plume
ce n'est rien.

Mais je l'ai vue
avant qu'elle soit froissée
par un pied maladroit
ou emportée par le vent.

Et là, elle révèle
ses constellations.
A la regarder,
c'est comme si
une porte s'ouvrait.

Ce n'est rien
mais le ciel y est,
un monde aussi.

Sauver une chose,
sauver un être
du néant.




vendredi 25 janvier 2019



L'amitié entre deux arbres,
tu y crois, toi ?

l'amitié, la moitié,
ce n'est pas la pitié.

Leurs branches se touchent.
Leurs racines aussi.
Mais ils sont libres
de la terre au ciel.

Peut-être avant
de se reconnaître,
beaucoup d'hivers
sont passés.

Peut-être
ce que tu as cru
n'était pas vrai ?

Est-ce qu'un arbre
a besoin d'un ami ?

Un peu de vent,
quelques oiseaux,
cela suffit.

Je suis sûr que non.

Il a besoin d'être rejoint
Il a besoin d'ouvrir les branches.
Il a besoin d'un signe
sur son tronc.






jeudi 24 janvier 2019



Je me mets à l'abri
et veille à l'intérieur.
Qu'est-ce qui germera ?

Permets-moi
d'être en retrait,
de ne plus voir dehors
ce torrent qui n'a plus
de couleurs.

je meurs un peu 
à ce qui déjà est mort.
Et là dans cette demeure,
j'ai besoin de retrouver
quelqu'un.

C'est sans doute
un autre 
qu'on n'imagine pas,
celui qui vient
et qui veille bien avant
mon réveil.

Reste, je t'en supplie.
Tu viens me faire du bien.
Je te parle.
Je ne veux pas t'attrister
et que tu t'en ailles.

Permets moi d'être avec toi.
Le rideau est tiré.
Dehors, il n'y a plus rien.







                                                                           

mercredi 23 janvier 2019


 Tout est facultatif.

Le flocon est si léger.
Sur un vieux mur,
une forêt de neige
garde le secret.

Chut !
Cela regarde chacun.
Chacun conscient
Chacun vivant.

Je regarde déjà
comme loin
ce que je croyais être.

Je sors du coffre-fort.
Je ne suis plus fort.

Je vacille de vie.





mardi 22 janvier 2019




C'est fou ce qu'une main parle,
même si c'est une ombre.

C'est une main qui se tend,
une main ouverte.

Ce n'est pas un poing.

Elle se tend.
Elle dit qu'elle attend.
Demain, deux mains peut-être.

C'est une main qui se propose
et qui n'impose rien.

Au fait, pourquoi
on se serre la main ?

C'est ce que je disais.
Les mains veulent dire
quelque chose,
autre chose.

Si on serre la main,
ce n'est pas pour la prendre.

Enfin, certains veulent la prendre.
Ils l'écrasent.
Ou ils ne veulent pas la quitter,
même un tout petit peu.

Parfois on se serre la main
et on est soudainement bien,
comme si enfin
on avait été reconnu.

C'est souvent des mains chaudes, larges,
accueillantes qui jamais
ne font mal.



lundi 21 janvier 2019

Je voyage avec 
la glace et  la neige.
Pas de besoin
de ticket
ni de passeport.

Je m'y accroche aussi
Je me dis : c'est beau.

Comme cela je ne vois
plus un bref instant
cette marée noire
qui approche du rivage.

Je crois qu'on a tous
du mal à respirer.
On a même tous du mal
à voir les petits cristaux
qui s'allument au soleil.

Je t'en supplie,
va voir derrière mes mots.
Si tu lis autre chose,
on se rejoindra.



                                                                               
                                                                                   

dimanche 20 janvier 2019


Il y a longtemps,
très longtemps,
j'étais peut-être
comme la neige,
la neige silence
qui n'est jamais
en représentation.

La neige accepte
ce qu'elle est,
se forme, se dépose,
se transforme,
disparaît.

Est-ce que j'ai tout
accepté comme elle ?

Est-ce que je suis
flocon au vent ?

La neige ne tombe pas.
Elle caresse, elle élève,
elle apaise.

Je suis la neige
je suis la neige.
Un brin de soleil,
je pleure comme elle.









samedi 19 janvier 2019



La nuit obscure ou pas
est comme un manteau.

Invitation à tout remettre
en son sein.

Les pensées apparaissent.
Mais ce n'est pas là
que je regarde.
C'est au lieu
de leur disparition.

La lune n'a pas de sourire.
Son lait ne change rien.

La nuit est un manteau.
Je le sens sur mes épaules.

Une fois qu'il est porté,
il infuse du silence.

Ce qui était si fort, si obsédant
se dissout lentement.

La nuit peut arriver
aussi le jour,
avec un enfant
très pâle
qui porte un doigt
à ses lèvres.






vendredi 18 janvier 2019



J'aimerais ne rien te dire.
J'aimerais qu'il se passe
autre chose.

Qui a choisi
d'être dans 
la forêt obscure du monde ?

Je n'ai pas choisi
et pourtant je fixe
de toutes mes forces
l'orée de la forêt.

C'est plus qu'une aimantation.
C'est comme si j'étais attendu.

Alors cela passe sans mots
encore une fois

Et je reviens dans les bois
allumer quelques feux
où l'on peut voir
de vrais regards
qui font du bien.








jeudi 17 janvier 2019


Debout l'harassé.
On te marchera plus jamais
sur le paillasson.

Debout, tu te relèves.
Tu n'as pas vocation
à être cloué.

Décloue ton bec.
Décloue ta vie,
relève ton cri .

Debout l'ensommeillé,
debout l'ensorcelé.
Ouvre les yeux
même si on veut
te les fermer.

Vois clair en toi.
C'est pour ceux
qui viendront après toi.

Ils ont le droit
de ne pas porter
sans fin la malédiction,
ce paquet de fils emmêlés
qu'on se refile sans y penser

et qui attend 
d'être dénoué.




mercredi 16 janvier 2019

Il y a un repos étrange
dans le verger.

Au pied des arbres
les feuilles luisent

Ce sont elles
qui prennent
toutes les pensées.

En deçà des blessures
il y a le lieu sain,

le lieu où tout recommence,
le premier baiser,

le lieu où l'angoisse
devient une fête.

Et le verger est comme
l'annonce
de ce qui se passera

quand tout finira.






mardi 15 janvier 2019



Je me tourne vers ici.
La ligne d'horizon
m'a rejoint.

Je l'avais peut-être quittée !
Elle était toujours plus loin

Je la croyais inaccessible.
Mais elle était intime.

Elle était là
et je ne le savais pas.

Là ou ici,
en tout cas,
Elle n'était pas loin.

Maintenant, c'est comme
quand on retrouve
un véritable ami.

On peut reprendre la conversation
là où on l'a abandonnée.

Et même parfois
il est bon de se taire

et de lire dans un regard
la beauté d'un univers.



lundi 14 janvier 2019






Et déjà dehors,
il n'y a plus rien.
Tout ce fatras s'est envolé,
fatras qui se veut logique,
monument sec sans source,

Il n'y a plus rien
au vent d'ouest.
La giboulée nettoie
l'agilité des méninges.

Je respire un grand coup
comme un noyé
retrouve par miracle
son souffle.

Oh le bleu du ciel
est comme un corps
qu'on étreint.

Les valises s'ouvrent
les papiers emportés
se délavent sous la pluie.

Et il n'y a plus rien
qu'un peu d'air frais,

un peu d'air frais.







dimanche 13 janvier 2019


Antienne pour rappeler les créatures perdues

Revenez, revenez,

Oiseaux sauvages, revenez !

Alouette vers l'herbe,

Roitelet vers la haie,

Corneilles au faîte des arbres,

Hirondelles sur le toit,

Aigle vers son nid,

Corbeau vers sa pierre,

Oiseaux, tous, revenez !



Revenez, revenez,

les égarés, revenez,

lapin au terrier,

Renard à la tanière,

Souris sous les lambris,

Rat au grenier,

Bétail à l'étable,

Chien au foyer,

Animaux, tous revenez !



Revenez, revenez,

les errants, revenez,

Cormoran au rocher,

Mouettes loin de l'orage,

Bateaux vers le port,

Sains et saufs revenez !



Enfants, revenez

Le soir revenez,

Garçons et filles,

Des routes revenez,

Loin de la pluie,

Fils revenez,

de l'obscurité qui grandit,

Adolescents, revenez !



Revenez, revenez,

Toutes les âmes revenez,

Morts au cimetière,

Vivants vers les lampes,

Vieillards près du feu,

Filles loin du crépuscule,

Nouveaux-nés vers le sein

et le coeur vers son hâvre,

Tous les perdus, revenez !



Kathleen Raine 





    Parfois je prendrais bien les mots
    pour autre chose.

Ce serait une main
qui pourrait
atteindre la lumière
d'un ciel,

ou un regard 
qui saurait lire
les différents sourires
d'une flamme à l'âtre.

Les mots pèsent souvent,
comme s'ils étaient encore
recouverts de salive.

Il y a un lien entre
les mots et le corps.

Le corps veut autre chose.
Il est sans arrêt
en train d'écarter les barreaux.

les mots veulent
aussi de l'espace.

Sans cesse, ils se cherchent,
n'abandonnent pas.



         

samedi 12 janvier 2019

La lune comme fanal,

la nuit comme le désert
pour ne plus se voir,

le vent pour se glisser
sous les portes,

l'arbre comme une sentinelle
qui est simplement là
qui est et respire

les nuages pour les laisser
partir, ne rien retenir,
et se tenir le cœur en feu,

la maison qui ne protège rien
mais accueille autour de la table
les errants qui ont retrouvé
ce qui nourrit vraiment,

voilà, puisses-tu vivre cela
et oublier le reste.