mardi 31 octobre 2023

 


Dépouillement.
Pensées, idées,
points de vue au vent.

Nudité
avant d'être né,
pendant, après

Vide
où tout se tait.
Rien.

Silence
au delà
du silence.

Ombres, traces
sur le mur
qui s'effacent.

Et le cœur
trompé
détrompé
qui ne vit plus
que pour le Cœur.









lundi 30 octobre 2023

 


J’étais morte pour la Beauté – mais à peine
M’avait-on couchée dans la Tombe
Qu’un Autre – mort pour la Vérité
Était déposé dans la Chambre d’à côté –

Tout bas il m’a demandé « Pourquoi es-tu morte ? »
« Pour la Beauté », ai-je répliqué
« Et moi – pour la Vérité – C’est Pareil –
Nous sommes frère et sœur », a-t-Il ajouté –

Alors, comme Parents qui se retrouvent la Nuit –
Nous avons bavardé d’une Chambre à l’autre –
Puis la Mousse a gagné nos lèvres –
Et recouvert – nos noms –

I DIED for beauty, but was scarce
Adjusted in the tomb,
When one who died for truth was lain
In an adjoining room.

He questioned softly why I failed?
“For beauty,” I replied.
“And I for truth,—the two are one;
We brethren are,” he said.

And so, as kinsmen met a night,
We talked between the rooms,
Until the moss had reached our lips,
And covered up our names.

Emily Dickinson (1830-1890)


Erable du Japon sur le balcon









dimanche 29 octobre 2023

 



Simplement
un rond dans l'eau,
être un rond dans l'eau.

Et l'eau le sait-elle
que l'on est en elle ?

On oublie
si souvent
que l'on est 
un rond dans l'eau

et l'eau se referme
et la lettre aussi

et dans l'o
on se tait.

le silence
appelle.





samedi 28 octobre 2023

 


Quelques lumières
dans la cabine d'une péniche
ouvrent la nuit
qui n'est plus si sombre.

Il y a là-bas
un peu de chaleur,
des passagers
qui se savent en voyage.

Il y a là-bas des vivants
avec leurs colliers
de peine et de joie.

Je ne suis pas si loin de toi
et ce qui nous sépare
peut être franchi
par delà les eaux noires.

Ainsi font les étoiles
qui forment des constellations.

Ainsi pense Roberto* le poète
qui écrit que penser à quelqu'un
revient à le sauver.

Ainsi tisse sa toile
une drôle d'araignée
qui n'attrape que 
les larmes de la rosée.


*Roberto Juarroz





"Je pense qu’en ce moment
personne peut-être ne pense à moi dans l’univers,
que moi seul je me pense,
et si maintenant je mourais,
personne ni moi ne me penserait.

Et ici commence l’abîme,
comme lorsque je m’endors.
Je suis mon propre soutien et me l’ôte.

Je contribue à tapisser d’absence toute chose.

C’est pour cela peut-être
que penser à un homme
revient à le sauver."

Roberto Juarroz (1925-1995)



vendredi 27 octobre 2023

Liège du 23/10 au 25/10

Chez Didi
à la friterie
Y a pas de chichi !

Un monsieur
aux yeux bleus
finit son cornet
et nous dit :
cela me suffit,
j'vais passer
une bonne après midi.

Didi lui sourit
puis nous raconte sa vie

et va rejoindre
ses petits-enfants
attablés à la terrasse.

Pour eux,
tout est gratuit !












 

lundi 23 octobre 2023

 


Je ne saurais me voir sans devenir impur ;
Toujours quelque propre recherche ;
Que ce regard me soit dur !
Ah ! que votre bonté l'empêche !
Comme le basilic tue avec ses regards,
Ainsi notre regard nous tue ;
Amour perce-moi de tes dards ;
Et que je me perde de vue...


Madame Guyon


dimanche 22 octobre 2023



 Un peu de vie,

un peu de mort

entremêlés.

On n'oublie jamais

ceux que l'on aime

et tous ceux

que l'on a aimé.




 


CANTATE DE LA NUDITÉ  (partie 2)


Veux tu savoir comment je dépouillai l'esprit? 

C'est lorsque je cessai de distinguer, 

Hormis, en moi, la divinité une. 

Or, je n'ai pu le. taire et j'ai dû l'avouer : 

Je suis réduit à rien.


Qui s'est dépouillé de l'esprit ne peut plus avoir de souci.


Depuis que me voilà perdu dans cet abîme, 

J'ai cessé de parler, je suis muet,

Oui, la divinité m'a englouti. 

Je suis dépossédé,

Et c'est pourquoi les ténèbres m'ont réjoui.

Depuis le temps où j'ai rejoint mon origine, 

J'ai cessé de vieillir et j'ai dû rajeunir. 

Ainsi toute ma force a disparu. 

Et elle est morte.


Qui s'est dépouillé de l'esprit ne peut plus avoir de souci.


Or donc, celui qui disparait 

Et qui trouve sa nuit,

Est tout aussi riche, étant exempt de misères.
 
Ainsi les feux d'amour

M'ont soudain consumé.   
 
Et j'en suis mort.


Qui s'est dépouillé de l'esprit ne peut plus avoir de souci."


Jean Tauler

Traduit par J. Chuzeville. 







samedi 21 octobre 2023

 


CANTATE DE LA NUDITÉ  (partie 1)


Je chanterai ce chant nouveau : la nudité. 

La pureté réelle est vide de pensée; 

La pensée, elle doit se tenir à l'écart. 

C'est ainsi, moi que j'ai perdu ce qui est moi. 

Je suis réduit à rien.


Qui s'est dépouillé de l'esprit ne peut plus avoir de souci.


Ce qui m'est étranger cesse de me leurrer. 

Et j'aime autant être pauvre que riche. 

Point d'image qui me contente : 

Il m'a fallu me vider moi-même. 

Je suis réduit à rien.


Qui s'est dépouillé de l'esprit ne peut plus avoir de souci.



Veux-tu savoir comment je me passai d'images? 

C'est lorsqu'en moi j'embrassai l'unité, 

Car telle est l'unité réelle. 

Et la douleur pas plus que l'amour ne m'émeut. 

Je suis réduit à rien.


Qui s'est dépouillé de l'esprit ne peut plus avoir de souci.



Jean Tauler



jeudi 19 octobre 2023

 


 L'enfant regarde la ville,
les voitures qui défilent.
Les piétons masqués,
l'air désabusé.

Il manque un arbre,
un cracheur de feu
un violoniste aveugle.

L'enfant attend
affalé sur la rambarde
qu'une étoile ou un oiseau
dansent devant ses yeux.



mercredi 18 octobre 2023

 

Nancy, sept heures du matin
La ville s'éveille
dans le rose.

Un rose étrange si loin
de la couleur du sang
qui coule à flots
en Orient.

Hommes inhumains
quand naîtrez vous enfin ?




mardi 17 octobre 2023

 


Un voile sur les choses, 
un voile sur les êtres
se déposent.

Ecarter
doucement
le voile.

Et voir les choses
voir les êtres
comme libérés
d'un poids.

Même la pierre
peut devenir légère.

Pour ce qui se cherche ainsi,
les mots sont un voile.






lundi 16 octobre 2023

 





Corps, repose-toi
ou plutôt allège-toi,
là, maintenant
devant ce paysage qui te dit 
qui tu es vraiment.

Dépose les mots inutiles,
les pensées qui ne pensent pas.

Eveille-toi soudain
 comme quelqu'un
qui dort profondément
et goûte la lumière
comme s'il avait été
toujours aveugle.




dimanche 15 octobre 2023



Les lignes du bois,
les lignes du temps.

Rien n'arrête ce mouvement.

Même le bois mort
parle du vivant.

Texture
comme une lecture.

L'arbre immobile
reste mobile
intérieurement.

les cernes de l'arbre
sont comme
les pages d'un livre.

Elles défilent
avec ses hivers
et ses déserts.

Les cernes de l'homme
sont ses respirations

A chacune d'elles
l'homme n'est déjà plus
le même.







Sculpture planches de bois. Parc de Champ le Boeuf

 

samedi 14 octobre 2023

 

Une feuille morte
trouvé dans la forêt
près de Gondrecourt,
blanc, noir,
rouge, jaune et vert,

une feuille morte
au couleurs vives
qui attirent le regard.

Le vent l'emporte.
Il reste encore
un peu de lumière
avant la grisaille
de l'hiver.





vendredi 13 octobre 2023

 


17h30.
Le clocher
de l'église
Saint Epvre
ne percera pas
le ciel.

Il pointe
seulement
ce que l'on est
lorsque le voile
de ce que
l'on croit être
disparaît.




jeudi 12 octobre 2023

 


-Tu te souviendras-

Les feuilles d'or
ont une parole pour toi.
Elles ne s'imprègnent pas
que du soleil.

L'hiver viendra sûrement.
Un coup de vent.
Les branches rayeront l'espace
l'or sera loin.

Mais toi,
tu resteras les yeux ouverts :
la lumière t'aime
la lumière t'aime.

Dans la neige et le froid,
tu porteras ton feu.
Tu allumeras d'autres soleils
sans savoir comment
et c'est très bien.

Quand l'arbre se dépouille
il n'est pas dit que la vie
s'en va avec les feuilles.
Il y a une sève souterraine.

Un jour éclatera un autre monde.
Des cloches encore lointaines
sonneront au bord
d'un fleuve sans rives.

Et tu te souviendras
des éclats de lumière
qui ont parsemé ta vie
que l'eau emporte maintenant.



mercredi 11 octobre 2023

 


Etang de Messein.

Personne sur le banc.
Plus personne
n'a le temps.

Pourtant
tout tourne à vide

Avide
le monde
court
après du vent.

Et si l'on s'asseyait
un moment ?