vendredi 31 janvier 2020


Simplement
un rond dans l'eau,
je suis un rond dans l'eau.

Et l'eau le sait-elle
que je suis en elle
et moi j'oublie
si souvent
que je suis un rond dans l'eau

et l'eau se referme
et la lettre aussi

et dans l'o
je me tais.
le silence
m'appelle.





lundi 27 janvier 2020


Il y a des mondes
qu'on ne touche pas,
qu'on ne prend pas,

des mondes
qu'il est impossible
d'envahir,

des mondes qui resteront
lointains
et c'est très bien.

Il n'y a peut-être
rien à saisir
quand l'on vit.

Seulement se dessaisir,
laisser partir,
se laisser
et laisser ses mains
s'ouvrir

Et les mondes lointains
viennent
et nous sourient.





Portrait au fusain de Kobe Bryant
(merci à Yann Hovadik)



dimanche 26 janvier 2020



Là-haut sur sa branche,
elle n'oublie rien,
ne rêve pas.

Elle est là.
Le ciel lui joue
sa symphonie.

Je ne veux rien.
Je ne sais rien.

Comme elle,
je m'arrête
sur une branche.

C'est quoi
toute cette folie
des hommes.

Rien.



samedi 25 janvier 2020


 Ce qui traverse
les branches de pin,
légèreté, nuage
de lait transparent,
une respiration,
qui le retiendra ?

Cela qui ne pèse pas,
qui aère,
cela descend
au moment même,

et je suis cela
avec ma respiration.
Je m'accueille
en branches de pin
légères
dans le ciel laiteux
d'hiver.


vendredi 24 janvier 2020



Ce qu'il à me dire
ce vieux platane
ne se dit pas.

Dans l'allée
il m'a interpellé

Quelle est la raison
de son appel ?

Il m'a vu
avant que
je le voie.

Il vit mieux
et plus fort que moi.

Tout mon respect,
maître platane.





jeudi 23 janvier 2020

Des yeux se ferment,
d'autres s'ouvrent.
Un ange laisse une plume
Constellation de signes.
Les gouttes ont une transparence
qui ne trompent pas.

Janvier 2019



mercredi 22 janvier 2020


Je me suis demandé
qui avait eu la patience
de poser les points blancs
sur les plumes noires
de la pintade.

Et en plus, 
sans qu'aucun point
ne se touche.

Je me suis même
demandé pourquoi
celui qui avait fait cela
pendant la nuit
avait joué à ce petit jeu.

Et je n'ai pas eu de réponse.

Je n'en n'avais pas besoin
puisque c'est joli.

J'ai tout de même pensé
que si l'homme
pensait joli
plutôt que de penser argent,

le monde serait plus beau.





mardi 21 janvier 2020

Un chien assis
me fait rêver.

Je suis en Russie.
La fenêtre est noire.

Mais pourquoi
n'apparaîtrait-il pas
un visage qui me sourirait ?

Il n'y aura personne,
je le sais.

Je peux rêver,
mais cela ne changera rien.

La fenêtre restera noire.
Il n'y aura pas de signe.

Pourtant ce chien assis
continue à me fasciner.

J'aimerais voir plus loin
que cette fenêtre noire.

Il doit bien y avoir
des portes quelque part.






lundi 20 janvier 2020



Se faire capacité.
Quel est cet or
qui vient du vide ?

Le coeur hors de l'eau,
hors du plomb
qui se digère
tout au fond,

je reste vide,
vide même du vide
dont je ne sais rien.

l'or vient,
un or qui ne vaut rien,

ou une once
de paix
que personne
ne peut dérober.




dimanche 19 janvier 2020


Le mur du cimetière
que je longe
en rentrant à la maison
est une frontière.

Je marche en équilibre
avec dans le coeur
les rires qui tintent
les sourires qui s'envolent.

Plus jamais seul.
L'herbe sèche refleurira
toute tournée vers le ciel.
J'espère pour elle.

Plus jamais seul,
même seul
puisque ce qui se tisse
est l'élan des gens

qui aiment.







samedi 18 janvier 2020


Dans l'effondrement
quelque chose se déchire,
comme un homme qui fait sauter
les boutons de sa chemise trop étroite.

Lueur du soleil couchant
sur un mur,
Eclaircie à la mesure
du passage d'une porte
toujours ouverte
mais que l'on ferme
sans savoir vraiment pourquoi.

Je cherche encore des mots
mais un échange de regards suffirait,
une main que l'on serre
et que l'on trouve chaude et accueillante.

Je cherche encore des mots
alors que les flammes
dans la cheminée
ont déjà tout raconté.



vendredi 17 janvier 2020


Il n'y a qu'elle,
La Moselle 
au long cours
en partance
pour l'océan.

Nécessité parfois
de l'arrachement.

Comme si l'oppression
était le signal
qu'on ne répond pas
qu'on s'enlise.

La Moselle
en ses méandres
ne s'enlise pas

Plus question de
il faut, je ne dois pas.

Mais être Moselle,
rejoindre son flux 
et ses eaux
toujours nouvelles.



mercredi 15 janvier 2020


Revenir sans cesse
au lieu sans lieu
au temps sans temps,
et y puiser
juste assez 
pour vivre son jour.





mardi 14 janvier 2020

C'est le ciel du chemin,
le chemin qui ne finit pas
pour le pays
où l'on n'arrive jamais,

puisqu'il est là,
coeur ouvert,
mains ouvertes,

avec de la gratitude
et la marche
où chaque pas redit
les racines.



lundi 13 janvier 2020



Ce n'est pas de l'ordre du savoir.
Peut-être même
n'y a-t-il rien à savoir.

Seulement passer
sans savoir justement
comment cela se passe.

Les pas se font
sans réfléchir.

L'autre rive
est à chaque pas.
Elle n'est pas lointaine.
Elle est là
toujours inattendue,

loin des ornières
qui jusqu'à la fin
chuchoteront
que c'est impossible.





Portrait de Modigliani âgé

(peinture à l'huile)





dimanche 12 janvier 2020


Au loin sur une barque,
deux pêcheurs sont là
immobiles
comme un symbole
de fragilité.

Un vent froid me transperce.
L'eau grise du lac
se confond avec le gris du ciel.

La ligne d'arbres au loin
sert de frontière.
Et la barque renforce
l'immensité qui se dévoile.

Mais la barque ne chavire pas.
Les pêcheurs sont debout.
Le ciel et l'eau ne les engloutissent pas.

Rester debout.




samedi 11 janvier 2020

Les passages
cherchent
des passagers.

Marcher,
Respirer,
Vivre,

autrement.

Janvier 2018




vendredi 10 janvier 2020

Je laisse les mots s'ouvrir.
Je ne sais pas comment ils font ni où ils vont.

Qu'ils aient seulement
la douceur des châtons.

Quelque chose cherche en moi,
parmi des pans de rochers
qui s'effondrent.

Je laisse les mots chercher
une danse.
Serait-ce ma danse ?

Vie des chatons
dans leur vase
à la lumière du matin.
Vie plus intense.
Épousailles des moments
et des choses les plus ordinaires.

Qu'est-ce qui se renoue ?
Cela m'échappe completement.

Après l'averse, les arbres nus
deviennent d'argent
sous la pâleur du soleil.

Et je me dis que 
tout ce qui m'entoure
a une parole à délivrer.






jeudi 9 janvier 2020

Ce n'est ni le matin
ni le soir.
C'est l'heure éclaircie,
l'heure où l'on ouvre le rideau,
l'heure où l'on lave les vitres.

Je crois que l'on mobilise
beaucoup d'énergie à voir.
C'est pourquoi un aveugle
développe d'autres sens
que l'on délaisse.

Je vois ma vie.
Elle revient comme cela
par la fenêtre.
Il me semble voir tout.
C'est peut être une erreur.
Je vois les taches sur la vitre.
De bien belles taches
Mais je vois aussi la lumière
qui la traverse.

C'est l'heure éclaircie
avec le souvenir de tous les cris
et de tout ce qui déchire.

C'est l'heure où l'on se retrouve un peu.
On voit ce qui a manqué.
On se dit qu'il est toujours temps.

Alors vient le désir de vivre.







mercredi 8 janvier 2020


Reprendre le fil,
le couper ?

Pourquoi dit-on
passer un coup de fil ?

Et le fil d'une histoire ?
Il était une fois
deux fois, trois fois

et puis plus rien.

Si, reste le fil d'Ariane
pour sortir du labyrinthe.

l'histoire se déroule
le long d'un fil,
un fil de mots,
ceux qui font mal,
qui tuent à petit feu.

Et peu à peu la parole
passe sous les murs,
creuse un passage
où tout s'éclaire.

Coupe le lien
si tu le veux,
mais ne perds pas 
le fil

Janvier 2019










René Char âgé
(portrait au fusain)

"Dans la moelle épinière du Temps d'où irradie l'amour,
nous célébrons de l'amour la fête éminente,
minuit blanchi par ses douze douleurs"
La Nuit Talismanique




mardi 7 janvier 2020







Lorsque je vois le lézard,
je pense aussi à l'escargot,
à la biche qui s'enfuit
dans les taillis,
à la mésange bleue
sur le perchoir à graines.

De quoi, de qui
ont-il peur ?

J'ai peur aussi.
J'ai peur souvent.

Je cherche un rayon de soleil favorable
pour commencer à être.

A la moindre alerte
je file dans ma lézarde.

Qui m'apprendra à rester là ?




lundi 6 janvier 2020



Je lève les yeux vers le ciel
mais avec le temps qui passe,
je touche terre.

Je touche la terre.
J'aime bien parfois
en prendre dans une main,
la broyer, la malaxer
ou quand elle est sèche
et devient poussière
la jeter au vent.

Je suis ciel et terre
et maître de rien.

Je cherche ma terre.
C'est peut-être le ciel

J'ai cherché le ciel.
C'est peut-être
de mieux habiter la terre.


dimanche 5 janvier 2020



Les peupliers appellent.

Tu marches sans rien voir.
Tu n'écoutes que tes histoires
qui n'en finissent pas.

Et soudain les peupliers
dans la limpidité de l'air
appellent.

Tu lèves soudain la tête.
Il n'y a qu'eux.
Il n'y a que toi.

Et vous vous taisez ensemble.

Même si c'est un instant,
même si les histoires reprennent,

Vous vous êtes vus.
Vous vous êtes accueillis,

comme si chacun était retourné
à la maison,

sa maison apaisée.

Même les arbres
ont un chemin.





samedi 4 janvier 2020


Dis-moi, où es-tu ?
Je vois des étoiles
déjà mortes.
Je vois leur lumière
qui n'existe plus.
Existes-tu encore ?

Le soleil disparaît.
Tu as disparu.

Et pourtant tu es là.
Quels sont ces visages
qui se glissent
entre conscience
et absence.

Qu'étaient-ils
Que voulaient-ils me dire
et que je n'ai pas compris.

La nuit vient.
La nuit où même 
les étoiles ne sont pas réelles.

Avec le soleil qui disparait,
je deviens la nuit.
Je me tais.
Je me quitte.

Je prononce le mot rien.
Mais il est inutile.




vendredi 3 janvier 2020


-Voir-
Je veux voir
ce qui est oublié,
boule de mousse,
hérisson vert
sur un vieux mur.
Sans un regard,
elle mène sa vie,
mousse discrète
qui s'accroche
à la pierre.
Je veux chanter
ce qui n'est rien,
la fleur du caniveau,
le rouge-queue
qui picore et a peur
de l'homme brusque.
Je veux chanter
parce que je veux vivre.
Les étoiles se déguisent.
Quelques unes sont cachées
dans un regard d'enfant.
Même ce vieux mur
et cette mousse
peuvent brûler
d'une flamme étrange
pour qui veut voir.
Il n'y a pas
que des blessures.
Il y aussi la laine chaude
des choses, inanimées
de n'être pas vues.
Elles viennent
vers tous ceux
qui ouvrent le regard
comme on enlève
la pierre sur la source
et en silence
elles apaisent leur cri.