dimanche 31 décembre 2023

 

En guise de vœux un poème de Diane Ackerman

photo prise près d'Heillecourt

Au nom du point du jour
et des paupières du matin
et de la lune voyageuse
et de la nuit lorsqu’elle se retire,

Je jure que je ne déshonorerai pas
mon âme par de la haine,
mais que je m’offrirai humblement
comme gardienne de la nature,
comme soignante de la misère,
comme messagère de la merveille,
comme architecte de la paix.

Au nom du soleil et de ses miroirs
et du jour qui l’étreint
et des voiles de nuages étirés dessus
et du plus fort de la nuit
et de l’homme et de la femme
et des plantes qui font éclater les graines
et des saisons suprêmes
de la luciole et de la pomme,

J’honorerai toute vie
– où que ce soit et sous toute forme
où elle demeure – sur ma maison la Terre
et dans les manoirs des étoiles.

Diane Ackerman



 


Hommage aux oiseaux 2

gravure pointe sèche

"Les nuages peuvent briller
avec le ciel gris.
Attendre, tenir,
Boire l'air pur du jardin.
Etre vivant.

Le soleil est étrange
quand il est intérieur.
C'est comme
s'il connaissait
tous les recoins.

Quelques graines
de tournesol
dans une assiette.
Traces de pattes
sur la nappe.

Les mésanges
restent invisibles.

Pour avoir des ailes,
peut-être faut-il l'être ?

Ne rien imaginer.
C'est un repos
où l'on voit mieux
qui l'on est réellement.

La douceur vient.
Se reposer
en plus vaste que soi."



samedi 30 décembre 2023

 


Au cœur de la fragilité,
le repos des grands fonds,

au cœur de l'humiliation
l'humilité de l'accueil
de ce qui est,

au cœur du déchirement,
l'unité insondable,

au cœur de la déception
le détachement paisible,

dernières roses
sur le chemin du haut-du-Lièvre,

dernier adieu
à la vie qui n'est plus,

premier bonjour
à la vie qui vient,

la vie consciencieusement
neuve,

la vie patiente, douce
et silencieuse.




vendredi 29 décembre 2023

 


Démuni,
être ainsi,

ouvert
au ciel,

même
gris.

Au loin,
les armes,
le sang.

Ici, la vie
à nue,
dépourvue,

La vie
à genoux
qui supplie
les murailles
de l'homme.








jeudi 28 décembre 2023

 


Penser que l'on cherche autre chose,
autre chose que des arbres,
un reflet, de la lumière.

Essayer de voir,
de voir vraiment
au-delà.

Inversion.

Comme si le visible
pouvait s'effacer
au profit d'autre chose.

Mais on ne sait pas quoi.

Comme si ce que l'on voyait
devait revêtir
une importance primordiale,

pour que le vu
ne soit pas du déjà vu.

On meurt d'avoir trop vu
ou de croire voir.

Mais on a encore rien vu.

C'est semblable
pour la parole.

Où une parole neuve ?




mercredi 27 décembre 2023

 


Un moment de forêt pour redevenir arbre bien enraciné, pour cette confiance d'être qui passe par la mort en hiver, pour les dernières feuilles d'or qui épousent le vent, pour l'eau pure sur les herbes qui reflètent le ciel, un moment en forêt pour remercier de n'être pas un mort vivant mais un humble vivant qui embrasse la terre.












 



En hommage aux oiseaux (1)

gravure pointe sèche



mardi 26 décembre 2023

 


LE REGRET DE LA TERRE

Un jour, quand nous dirons « C’était le temps du soleil,
Vous souvenez-vous, il éclairait la moindre ramille,
Et aussi bien la femme âgée que la jeune fille étonnée,
Il savait donner leur couleur aux objets dès qu’il se posait.
Il suivait le cheval coureur et s’arrêtait avec lui,
C’était le temps inoubliable où nous étions sur la Terre,
Où cela faisait du bruit de faire tomber quelque chose,
Nous regardions alentour avec nos yeux connaisseurs,
Nos oreilles comprenaient toutes les nuances de l’air
Et Iorsque le pas de l’ami s’avançait nous le savions,
Nous ramassions aussi bien une fleur qu’un caillou poli,
Le temps où nous ne pouvions attraper la fumée,
Ah! c’est tout ce que nos mains sauraient saisir maintenant. »

Jules Supervielle













lundi 25 décembre 2023

 



Parcourir l'Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l'argile

Peu à peu

S'affranchir des sols et des racines

Gravir lentement le fût

Envahir la charpente

Se greffer aux branchages

Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l'espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit



Evoquer ensuite
Au cœur d'une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l'asphalte Éloigné des jardins
Orphelin des forêts

Un arbre

Au tronc rêche

Aux branches taries

Aux feuilles longuement éteintes

S'unir à cette soif
Rejoindre cette retraite
Ecouter ces appels

Sentir sous l'écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies

Cheminer d'arbre en arbre
Explorant l'éphémère
Aller d'arbre en arbre
Dépistant la durée.


Andrée Chedid










dimanche 24 décembre 2023

 


"Tes idoles à toi, c'est tout ce qui empêche cette naissance éternelle de s'accomplir en toi, d'une façon véritable et immédiate, aussi bon et aussi saint que cela paraisse (…). Car ce qui t'est le plus proche, voilà ton ennemi : cette multiplicité d'images, qui cachent en toi le Verbe, et s'étendent sur lui, empêche cette naissance en toi, sans que pourtant cette paix te soit entièrement enlevée. Cette paix ne peut, il est vrai, toujours régner en toi. Mais c'est par elle, pourtant, que tu deviendras mère spirituelle de cette naissance. Une telle mère doit souvent établir en elle ce plein silence, afin de s'habituer à le faire ; l'habitude lui en donnera une certaine maîtrise, car ce qui n'est rien pour un homme exercé, paraît tout à fait impossible au novice inexercé. C'est en effet l'habitude qui donne la maîtrise."
Jean Tauler





samedi 23 décembre 2023

 


A l'approche de la Naissance ta naissance et la mienne s'entremêlent. l'eau bouillonne les anges la frôlent de leurs ailes Sortons, allons voir si le messager a une bonne nouvelle. Elle dit que ton cœur est vierge et pur, que tu peux le garder tel. Et que sur la paille de ton être s'offre une vie nouvelle. A toi et à moi il ne tient qu'à ouvrir son âme et ses bras pour accueillir le Soleil qui brille en tout être humain.











 



 Moi : O sage, qu’est-ce donc que la cotte de mailles de David [7] ?

Le Sage : Cette cotte de mailles, ce sont les liens divers que l’on a serrés autour de toi. […]

- Moi : Mais y a-t-il un moyen par lequel on puisse être débarrassé de cette cotte de maille ?

Le Sage : Par l’Epée [8].

Moi : Et où peut-on s’emparer de cette Epée ?

Le Sage : Dans notre pays il y a un exécuteur ; cette Epée est dans sa main. On a fixé comme règle que lorsqu’une cotte de maille a rendu les services qu’elle avait à rendre pendant un certain temps, et que ce temps est arrivé à expiration, cet exécuteur la frappe de son Epée, et le coup est tel que tous les anneaux se brisent et s’éparpillent.

Moi : Pour celui qui a revêtu cette cotte, y a-t-il des différences dans la manière de recevoir le coup ?

Le Sage : Certes, il y a des différences. Pour les uns, le choc est tel qu’eussent-ils vécu un siècle, et eussent-ils passé toute leur vie à méditer la nature de cette souffrance qui peut être la plus intolérable, et quelle que soit la souffrance que leur imagination ait pu se représenter, jamais leur pensée ne serait arrivée à concevoir la violence du coup que fait subir cette Epée. Pour d’autres en revanche, le coup est supporté plus aisément.

Moi : O Sage, Je t’en prie, que dois-je faire pour que cette souffrance me soit rendue aisée ?

Le Sage : Trouve la Source de la Vie. De cette Source fais couler l’eau à flots sur ta tête, jusqu’à ce que cette cotte de mailles (au lieu de t’enserrer à l’étroit) devienne un simple vêtement qui flotte avec souplesse autour de ta personne. Alors tu seras invulnérable au coup porté par cette Epée. C’est qu’en effet cette Eau assouplit cette cotte de mailles [9] et lorsque celle-ci a été parfaitement assouplie, le choc de l’Epée ne fait plus souffrir.

Moi : O Sage, cette Source de la Vie, où est-elle ?

Le Sage : Dans les Ténèbres. Si tu veux partir à la Quête de cette source, chausse les mêmes sandales que Khezr (Khadir) le prophète [10] , et progresse sur la route de l’abandon confiant, jusqu’à ce que tu arrives à la région des Ténèbres.

Moi : De quel côté est le chemin ?

Le Sage : De quelque côté que tu ailles, si tu es un vrai pèlerin, tu accompliras le voyage.

Moi : Qu’est-ce que signale la région des Ténèbres ?

- Le Sage : L’obscurité dont on prend conscience. Car toi-même, tu es dans les Ténèbres. Mais tu n’en as pas conscience. Lorsque celui qui prend ce chemin se voit soi-même comme étant dans les Ténèbres, c’est qu’il a compris qu’il était auparavant d’ores et déjà dans la Nuit, et que jamais la clarté du jour n’a encore atteint son regard. Le premier pas des vrais pèlerins, le voilà. C’est à partir de là seulement qu’il devient possible de s’élever. Si donc quelqu’un parvient à cette station, à partir de là, oui, il peut se faire qu’il progresse. Le chercheur de la source de la Vie dans les Ténèbres passe par toutes sortes de stupeur et de détresse. Mais s’il est digne de trouver cette Source, finalement après les Ténèbres il contemplera la Lumière. Alors il ne faut pas qu’il prenne la fuite devant cette Lumière, car cette Lumière est une splendeur qui du haut du Ciel descend sur la Source de la Vie. S’il a accompli le voyage et s’il se baigne dans cette Source, il est désormais invulnérable au coup de l’Epée. Ces vers (de Sanâ’î) :

Laisse-toi meurtrir par l’Epée de l’amour

Pour trouver la vie de l’éternité,

Car de l’Epée de l’ange de la mort,

Nul ne fait signe que l’on ressuscite.

Celui qui se baigne en cette Source, jamais plus ne sera souillé. Celui qui a trouvé le sens de la Vraie Réalité, celui-là est arrivé à cette Source. Lorsqu’il émerge de la Source, il a atteint l’Aptitude qui le rend pareil au baume dont tu distilles une goutte dans le creux de ta main en la tenant face au soleil, et qui alors transpasse au revers de ta main. Si tu es Khezr, à travers la montagne du Qâf, sans peine, toi aussi, tu peux passer [11].

… Lorsque j’eus raconté ces événements au cher ami qui m’en avait prié, il s’écria : " Tu es bien cela, un faucon qui a été pris dans le filet et qui maintenant donne la chasse au gibier. Et bien attrape-moi ; aux cordes de la selle du chasseur, je ne serai pas une mauvaise proie. "

" Oui, c’est moi ce faucon dont les chasseurs du monde

Ont besoin à tout instant.

Mon gibier, ce sont les gazelles aux yeux noirs,

Car la Sagesse est pareille aux larmes qui filtrent entre les paupières.

Devant moi est mise en fuite la lettre des mots

Près de moi, on glane le sens caché."


l 'Archange Empourpré de Sohrawardî (extrait)












vendredi 22 décembre 2023

 



Retourner au berceau d'avril
quand les mésanges disparaissent
dans la blancheur des fleurs.
Le drap a la fraîcheur
de la lumière qui baigne le berceau.

Je suis né en avril, entre tulipes et grésil,
et j'ai encore en pleine poitrine
le cri de délivrance de  l'arbre du canal.

Je n'ai que quelques branches
prêtes à fleurir
et seule la douceur apporte avec elle
ce que je cherche tant.




jeudi 21 décembre 2023

 


Vide le kiosque à musique
Vides les arbres.

Les notes ne s'accrochent plus
aux feuilles.

Les masques fleurissent
aux portes de l'hiver.
Les sourires
se cachent
dans les regards.

La neige tombera,
ne cachera pas
longtemps la misère.

Passe le chemin du rire.
Toutes les frontières
se resserrent.

Un enfant passe.
Lui seul espère,
fait résonner le kiosque
par un refrain.

Partout, toujours
il y aura
de la lumière.







mercredi 20 décembre 2023

 



Au loin la ville s'affaire. Marcher dans l'allée au dessus de la ville au dessus des voix sourd aux rumeur sourd aux histoires Marcher l'âme nue sans rien à tenir,
ni apparence, ni réputation, heureux d'être oublié. au loin des hommes vocifèrent veulent avoir raison au prix de leur âme, sont esclaves d'un moi qui tombera comme vielle robe bonne pour le feu. Et là-haut toujours rayonne le ciel joueur. le soleil attend en plein cœur.







mardi 19 décembre 2023




Par temps gris et pluvieux
une feuille morte
garde cœur.

 On garde cœur
et aussi couleur
et aussi bonheur
de ne plus l'attendre.

Si même sous la pluie
on ne perd pas cœur,
comment est-ce possible ?

Comment est-ce possible ?
C'est parce qu'on dit oui.

Et pourquoi on dit oui ?
parce que on ne sait pas,
parce que c'est fou,

parce qu'il n'y a pas
de raison de garder cœur

et c'est tout.




 

lundi 18 décembre 2023

 



Rien ne change.
La lumière est toujours neuve
Elle court comme la rivière
éternelle, elle aussi

Rien ne change.
C'est toujours le même promeneur
qui fait le vide dans sa tête
recherche le pays perdu
mais retrouvé
à chaque pas.

L'étang n'a pas bougé
il laisse passage au ciel
et le ciel est aussi vide
que l'eau sans fureur.

Les arbres n'ont rien à faire
de l'histoire des hommes.
La lumière est pour eux
et secrètement ils chantent

A chaque pas
rien ne change
et tout est neuf.

L'avidité n'est pas de mise.
Le promeneur s'incline
devant une telle magnificence.