mardi 30 juin 2020




Au lac de la Maix
l'eau ne change pas
qu'avec le ciel.

Elle change avec l'esprit,
avec le vent,
avec la nuit.

Elle change
parce qu'elle n'est pas
comme ceux
qui figent le ciel,

figent l'esprit
figent le vent
et ne croient plus
aux mystères 
de la nuit.

Au lac de la Maix,
l'eau change
et je change avec elle
sans avoir besoin
de savoir comment.








dimanche 28 juin 2020


Le flot de la lumière révèle toute chose tranquille.
le bol de thé fume et son ombre est nette et tranchante.
La chaleur du soleil repose sur une seule épaule.
Elle semble être une main amicale !
Une ligne blanche brille le long du crayon.
Quelques livres se reflètent
à la surface ambre du liquide.
Sur la page blanche
apparaît une écriture
mais aussi le grain du papier.
Quelles pensées pourraient bousculer
ce temps qui ne pèse pas ?
Tout est tranquille en cette seule réalité
parmi ces objets qui n'attendent rien.....
et pourtant !








samedi 27 juin 2020




Un dauphin s'est envolé
bien trop haut
et n'a pu poursuivre sa route.

les vagues chantaient
à l'approche de l'orage.
le dauphin a voulu
rejoindre le vent

et soudain le temps
s'est arrêté.

Il n'a pu replonger

Je respire au rivage des arbres.
et plonge à sa place
dans les grands fonds
des feuillages.





vendredi 26 juin 2020


"Prêts à éclore"

deux monotypes







L'orage menace
le long du canal.
le pêcheur regarde le ciel.
le héron guette le poisson
au bout du fil.

Et je marche envoûté
par le bruit du vent
dans les aulnes géants.

Dans les champs
les vaches paissent
à l'ombre des arbres
sans soleil.

Sous un pont
deux jeunes attendent
je ne sais quoi
le regard triste.

En moi, il se passe 
aussi je ne sais quoi.

Je suis un homme enceint.





jeudi 25 juin 2020





J'ai passé du temps
à te regarder, fleurette.
Je cherchais des mots
des images pour décrire
l'effet que tu me fais.

Et c'est vrai,
tu me fais de l'effet.
Posée là 
comme par miracle,
tu crèves l'écran.

Mais je n'ai rien trouvé.
Mes mots sont loqueteux,
mes images mitées.

Alors je te regarde,
je regarde ce miracle
veinée de violet

et je me tais
devant une fleurette
extra-terrestre.




mercredi 24 juin 2020





Etre simplement.
Une femme se penche
vers la terre
pour ramasser une plume.

Une autre s'est posée
à l'ombre
comme on abandonne sa folie
et un autre courant
murmure à son oreille.

Tout est simple.
L'enfant se repose
du repos de sa mère

Et le ruisseau
joue sa musique
pour effacer 
les fausses notes humaines.






mardi 23 juin 2020



Je fais un tour
dans le jardin
à l'heure la plus chaude.

Qu'est-ce que je cherche ?

La monnaie du pape
n'a pas encore séchée.
Elle irradie
parce qu'elle se laisse
traverser.

Toute matière est inerte.

Qu'est-ce qui me traverse
pour que cette inertie
arrête de me paralyser ?

Autre chose
qui n'est pas chose,
mélange invisible
de papillon, libellule et coquelicot.





lundi 22 juin 2020


Je marche à couvert
le long du ruisseau de l'Asnée.
Le bruit de l'eau
suffit pour ne pas penser.

Et dans la prairie
un parterre de fleurs
qui sont sur le point de faner
me rappelle
que tout est éphémère.

Alors qu'est-ce qu'il reste ?

Les éclats de vie
sont parfois bien acérés.

Reste la pauvreté,
le chant d'un ruisseau.
Il me traverse

Encore tant de moments
à serrer contre son cœur.
Encore tant de moments
pour être transpercé

et marcher pantelant.






dimanche 21 juin 2020




un champ d'orge,

le silence léger et vif,

la présence des arbres
de la nuit au matin,

l'espérance qui ne sait pas
pourquoi elle tient,

la main pour d'autres mains
qui se sentent bien,
paumes contre paumes,

prêt à mourir
si c'est pour vivre,

quitter pour toujours
ce que je ne suis pas,
ce que je n'ai jamais été,

ce que l'on m'a dit,
ce que l'on m'a fait,

pour rejoindre
ma vérité qui
est toujours là,

est maintenant,

ô dignité.





samedi 20 juin 2020




Entre la Meurthe
et la chartreuse de Bosserville,
je respire le vent
qui vient de loin.

Je respire l'espace
du champ d'orge
dont les vagues disparaissent
sur le rivage du chemin.

Je respire le ciel
qui sans rien me demander
écarte les barreaux
de la prison où 
ma pensée moisit.

je respire l'eau
qui me parle
de la clarté 
où peut se refléter
ce que je suis vraiment










vendredi 19 juin 2020




Par le soupirail
j'aperçois
un rideau 
qui flambe
Soupirs, soupirs 
du seul vrai désir !

le soupirail
ne montre pas
que du noir

Et dans le tram, 
encombré
par des gens masqués

et mes pensées tristes
sur tous ces hommes
qui courent après l'argent, 
ou qui ont peur
de le perdre,

un homme passe
devant moi
avec une chemise
sur laquelle est inscrite :

"Rien ne vaut la vie !"

Et à la maison,
encore par hasard
je tombe sur un chant
de Shabbat que j'aime tant

On est vendredi soir.







jeudi 18 juin 2020

" En une fois, je me suis sentie plongée dans le bonheur et je voyais. C'est toujours du reste la même chose, cependant elle semble toujours nouvelle.  Et tout était bonheur en moi. Et je me rappelle que je regardais quelques arbres d'un square, et qu'il faisait sombre ce jour-là. Et cette idée me venait : c'est comme si je disais que ce paysage terne et insigni­fiant que je vois, c'est une apothéose d'un printemps lumineux, tellement je me sens comme transportée dans d'autres régions. Je ne sais pas si on voit, mais on voit cependant les rues et les mai­sons. Mais on regarde sans voir, et il serait impossible d'exprimer ce que l'on ressent, sinon en disant que l'on sent qu'on n’existe plus. Et je crois que c'est l'unique chose que l'on sache constater, je dirais, et qui donne, pour ma part, un surcroît de bonheur, si cela était possible. On perçoit sans doute que la contemplation dans laquelle on se trouve, ne vient pas le moins du monde de soi, de son intelligence, de son entendement, de sa volonté. Rien de soi n'y contribue.  On sent en soi ce bonheur, et on regarde, et je crois qu'on regarderait toute l'éternité sans pouvoir s'en détacher. C'est comme si on écoutait et comme si on ne savait plus rien écouter d'autre. Et je me rappelle que je me disais un moment donné (mais on ne se rappelle presque rien par après) : ce serait impossible de trouver un mot pour exprimer le bonheur où je suis. Et que je me disais : «On pourrait dire que tout est tel­lement incompréhensible, et cependant plus réel que tout ce que l'on voit de ses yeux humains. En un moment, on a une com­préhension telle, et avec une telle clarté et facilité totale — mais cette compréhension est un ravissement, et rien de soi-même ne saurait intervenir. Car ici on regarde, on comprend, on aime ; mais tout cela en même temps et sans l'ombre d'un raisonnement."

Jeanne Schmitz-Rouly (1891-1979), Journal Spirituel, § 46






Un pas en avant

vers le soleil levant,

un simple pas
hors du sommeil,

cela suffit
pour quitter la nuit !

Un pas même timide
sur le chemin

c'est toujours mieux
que de fermer les yeux

devant un monde
qui attend sa naissance !




mercredi 17 juin 2020






Prends ton chemin,
comme lorsque
l'on se lève
après une longue fièvre,

ton chemin que 
tu ne connais pas
et peu importe
puisque tu marches

debout avec
tes oiseaux
compagnons

les tiens
pas ceux
d'un autre.

tu n'auras pas
à chercher la force.
Elle viendra
à chaque pas
librement.

Prends ton chemin
épousé soudain
parmi les ruines
de l'ancien.

Derrière,
il n'y a plus rien,

il n'y a plus rien.



mardi 16 juin 2020



le sacré coeur
gardé par des acanthes
réveille mon regard
au sortir de la ruelle.

Ces fleurs m'impressionnent.
Elles paraissent austères
mais elles sont
d'une étrange beauté.

Elles gardent
le sacré coeur
qui est en chacun,
car il n'y en a pas qu'un
mais des milliards
qui continuent de battre

mon sacré coeur
ton sacré coeur
de vivant.






lundi 15 juin 2020



Le corbeau méprisé
en son royaume
savoure l'espace
qui s'offre à lui.

Personne ne lui 
prendra sa liberté.
Certains lui lancent des pierres
D'autres le clouent
aux portes des granges.

Mais que peuvent-ils blesser ?
Que peuvent-ils attraper ?

Il se tient sous un autre regard,
celui où ses ailes
peuvent se déployer,
celui où il est bon
d'être simplement
corbeau en sa vérité.









Dans la profondeur du cœur,
l’aube point lentement.
Dedans, nous la voyons déjà, dehors
vous ne voyez que la souffrance de la Terre.
Il n’y a qu’une souffrance :« Être au-dehors.»
Il n’est ténèbres qu’au-dehors,
au-dedans ce n’est pas possible.
Il n’y a de bruit qu’au-dehors,
mais au-dedans naît le silence.
Il n’y a de temps qu’au-dehors,
et c’est au-dedans qu’il s’arrête.
Il n’y a mort qu’au-dehors,
et c’est au-dedans qu’est la Vie.
L’âme ne s’égare qu’au-dehors,
au-dedans, son nid éternel.
Le vase est encore opaque.
Si, dedans, le sept est incandescent,
sa paroi devient transparente.
Sa gloire traverse la paroi.
Il n’y a plus ni mort, ni bruit, ni souffrance.

Gitta Malasz