lundi 31 juillet 2023

 


Les choses sont lourdes
les meubles de famille
ont des portes qui grincent.
C'est le cri de ceux qui les portent
les supportent pour ranger des verres
qui ne servent qu'une fois l'an.

Aimer les nomades.
Ils se nourrissent de nuages.
Ils dilatent leur cœur
de chevauchées sans fin
et brûlent les meubles
qui ne servent à rien.

Les choses sont lourdes.
Elles vont pourrir un jour.
Le cœur des nomades
ne sent pas le renfermé.







dimanche 30 juillet 2023

 


les brins d'herbe
ignorés
ont besoin du soleil.

Rester là.

L'or du monde
ne vaut rien.

Mais un brin de soleil
est le trésor.

C'est comme l'eau
pour le poisson.

Y être.




samedi 29 juillet 2023

 

Près de la maison forestière
Saint-Pierre,
à côté du Donon,
le temps s'est figé.

Dans le miroir de l'eau
un songe.

Au loin, la brume
rajoute au rêve

Même l'eau
a perdu la parole.

Les oiseaux ont décidé
d'une grasse matinée.

Miroir de l'eau,
miroir de la conscience.

Le limon s'est déposé
pendant la nuit.

Privé de temps
dans l'éternité
d'un regard,

il est pourtant
l'heure de rentrer
à la maison.



vendredi 28 juillet 2023

 


Une cabane dans les arbres
sur la butte Sainte Geneviève
au-dessus d'un océan
d'herbe sèches.

Des enfants viennent là
et s'y perchent.
Personne ne songe à dire
qu'ils sont un peu "perchés"

Et pourtant leur regard
va plus loin
que les frontières
ordinaires.

Ils rêvent de vaste
et de large
lieu intérieur
où il fait bon vivre.

Avec le temps
les mailles du filet
se resserrent.

Sans cesse 
chercher
les trouées.






jeudi 27 juillet 2023

 




De loin une biche
s'élance pour
rejoindre l'orée.

Fugace apparition.

Deux mondes se croisent
et ne se rencontrent pas.

Des avions  de chasse
passent dans le ciel.
Enormes machines
qui vrombissent
et dispersent leurs gaz.

Le monde de l'homme.

Si lourd, si pesant.

La biche si légère
 est déjà
à couvert.






mercredi 26 juillet 2023

 

En descendant la route
qui mène au hameau Saint Jean
près de Martincourt,
vison d'un arbre
en bonne santé.

Bien planté
en bord de route
avec quelques 
branches insolentes
à son sommet
il rayonne.

Il est au centre
de quelques chose.
En allemand :
etwas

Quelque chose
d'indicible
et qui fascine
le regard.





 



On t'appelle
le flambé.

Le zébré
aurait été
plus juste.

Mais fichtre !
Un nom
n'est qu'un
nom.

tu es
une merveille
un rescapé
de l'écocide
en cours.




mardi 25 juillet 2023

 


Lac de Pierre Percée.
Un morceau d'écorce
de bouleau
sur une petite plage
donne à voir
le visage de profil
d'une princesse noire

Et de vieilles souches
tourmentées
crient par tours
et détours
toute leur histoire.

La vie donne à voir.
Le mystère s'épaissit

et l'on ne sait rien
on ne possède rien
on ne veut rien.

Seules les vagues du lac 
chantent vraiment.










lundi 24 juillet 2023

 



Champ de tournesols
Dernier tableau
de Van Gogh

Tournées vers le soleil
fleurs soleil
assoiffées de lumière

avec la nuit
baissent la tête
et replient
leurs pétales.

Et Vang Gogh peint
le soleil de son âme
avec le trou noir
d'une âme empruntée
collée à son être

qui sans cesse défaille
cherche le noir
près de l'enfant
né avant lui

Autre Vincent
qui n'a bu
que la nuit

mort avant
d'avoir vécu.





dimanche 23 juillet 2023

 

Plateau battu par le vent
au dessus de Martincourt,
en pleine Petite Suisse Lorraine
qui n'a de Suisse
que le nom.

Les nuages filent
mais ils sont si nombreux
qu'on ne les voit pas filer.

Marche vacillante,
Yeux qui pleurent,
la tête tourne.

Elle tourne
d'espace et d'air.
Presque rien
qui n'arrête le regard.

Dilution du moi
et de ses pensées
emmenées 
dans un souffle
incessant.

Conjugaison
de n'être rien.

Pour qui l'homme
qui souvent
n'a d'homme
que le nom
se prend-il ?












samedi 22 juillet 2023

 


Lac de la Maix.
Friselis
sur l'eau verte.

Transparence.
Les poissons 
se faufilent
entre les pierres,
le soleil
entre les feuilles.

Sentinelles d'un vert
sombre, presque noir
sur la crête.

Le lac est bien gardé.
Son secret aussi.

Le voici :
le lac
n'a pas
besoin
de l'homme.

Le contraire
n'est pas vrai.

Les cloches
de la petite chapelle
ne sonnent plus
depuis longtemps

Un promeneur
a laissé une digitale
dans le sarcophage
de pierre.










vendredi 21 juillet 2023

 




La forêt refuge
la forêt retour
la forêt humus
la forêt aux racines
si profondes

un arbre en soi
un hêtre un charme
un sapin douglas
un pin cembro

un parfum
qui ouvre une porte

la fougère délicate
le chemin sablonneux
le grincement
des houpiers
par jour
de grand vent

la forêt salvatrice
la forêt où mourir
la forêt qui redonne
un visage
d'avant naissance

le visage
sans ajout inutile

la forêt conscience
une cascade
qui chante
le seul chant
qui mène au silence.








jeudi 20 juillet 2023

 

Tôt le matin
sur une route forestière
dans le massif du Donon.

Silence impressionnant.
Pas un oiseau.
Chaque brin d'herbe
brille de la pluie
d'orage de la veille.

Légère brume 
dans les combes.

Forêt impénétrable,
si dense
qu'aucun chemin
n'y est tracé.

Autre respiration
comme si
chaque inspiration
était vitale

et que cette vie
coulait
de la tête aux pieds.

Envie de n'être
que ce souffle.

Souffle qui donne
naissance
au "fils du vent"

Le vent vivant.












dimanche 16 juillet 2023


Un chaise abandonnée,
qui se détériore
doucement.

Lente dégradation,
inéluctable
si personne
n'intervient.

Un artisan a façonné
la courbure
du dos de la chaise
lentement,
avec amour.

Quelques gestes,
un chiffon,
de la cire.

Elle peut 
redevenir
belle.

Ainsi
de beaucoup
d'êtres.

Quelques gestes,
un regard,
une parole.




 

samedi 15 juillet 2023

 

Lumière d'orage.
Des gouttes s'écrasent au sol.
Odeur de pluie.
Moiteur
traversée
par la fraîcheur
du vent.

Respiration lourde.
Corps lourd.
Grondement encore
lointain.
Eclair blanc
qui vibre.

Marcher.
Ecarter les nuages
Ecarter l'oppression.
Retrouver l'air
du petit matin
en pleine forêt
tout chargé
des parfums
de la nuit.

Retrouver
un corps
léger
et traversé
des énergies
de l'aube.









vendredi 14 juillet 2023

 



Un peu de ciel
s'il vous plait,
même si c'est dans la boue,

un peu de ciel
même sans étoiles,

un peu de ciel
pour s'endormir
dans l'herbe froide
avec une caresse immense
qui aurait pouvoir
de rendre à l'âme
la brise du premier jour !

Un peu de ciel
avant le ciel
qui comprend
ce que l'homme
ne comprend pas.

Un peu de ciel,
s'il vous plait.



jeudi 13 juillet 2023

 



Le repos est au pied de l'arbre.
On s'enracine avec lui.

Si lui a trouvé une place,
pourquoi ne trouverait-on pas la nôtre ?

On croit la pierre immobile
mais elle n'a qu'un désir,
rejoindre le centre de la terre.

L'arbre lui aussi ne bouge
que sous le souffle du vent.
Mais personne ne voit
le travail incessant
de ses racines.

On est tourmenté
par un désir obscur
à l'image de l'arbre
ou de la pierre.

On met des obstacles
partout sur le seul chemin
qui apporterait
une paix véritable.



mercredi 12 juillet 2023

 


La présence d'un oiseau
blanc ou noir,
peu importe la couleur,
est totale,
sans faille.

Il est...
l'oiseau

Pas de place
pour autre chose
qu'être...
l'oiseau.

Et le passant
qui l'aperçoit

voit qu'il peut être
l'homme,

rien que l'homme
aussi présent
qu'un oiseau
dans la pureté du ciel.












mardi 11 juillet 2023

 

Portrait de Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz, poète

pastel sec









"Il m’advient quelquefois, au milieu de la nuit, d’être éveillé par le silence le plus accompli de l’Univers. C’est comme si, tout à coup, les multitudes célestes, apercevant dans ma pensée le terme assigné à leur course, s’arrêtaient au-dessus de ma tête pour me considérer en retenant leur souffle. Ainsi qu’aux lointains jours de mon enfance, toute mon âme se tend alors vers la grande voix qui se prépare à m’appeler du fond des espaces créés. Mais mon attente est vaine. La paix qui m’environne n’est si parfaite que parce qu’elle n’a plus de nom à me donner. Elle est en moi et je suis en elle, et dans ce Lieu comme nous innomé où s’est accomplie notre union, il n’est pas jusqu’au mot le plus universel, Ici, qui n’ait perdu à jamais son sens ; car rien n’est demeuré hors de nous où nous puissions encore situer un Là-bas, et l’espace total où respire la pensée nous apparaît non pas comme le contenant, mais comme l’intérieur illuminé du beau cristal Cosmos tombé des mains de Dieu. Jadis, quand l’esprit du silence parfait me saisissait, je levais les yeux vers les soleils ; aujourd’hui, ma vue descend avec leur regard dans mon être. Car leur secret est là, et non pas en eux-mêmes. Le lieu d’où ils me contemplent est celui-là même où je me tiens, et au reproche aimant peint sur le visage de l’univers je reconnais la mélancolie de ma propre conscience. L’immensité engendrée par l’infinitude des mouvements circonscrits est impuissante à combler le vide de mon âme ; il n’est point de hauteur accessible à l’extension du Nombre dont les instants ne soient comptés par le battement de mon cœur. Que m’importe donc toute cette distance du rien au rien ! Certes, je suis tombé d’un lieu fort élevé ; mais c’est un autre espace qui a mesuré la chute où j’ai entraîné le monde. Le lieu réel, le lieu seul situé est en moi, et voilà pourquoi l’Univers, ma conscience, veille, veille cette nuit, et me regarde. Ô mon Père ! mon mal n’a pas nom ignorance, mais oubli. Reconduis ton enfant aux sources de la Mémoire. Ordonne-lui de remonter le cours de son propre sang. Le mouvement de ma chute a créé l’espace-temps, cette eau qui dans l’immobile Illimité sur moi s’est refermée et pour laquelle il n’est pas en ma puissance d’imaginer un récipient. Que mon ascension projette donc l’Autre Espace, le vrai, l’originel, le sanctifié, et que l’univers que voici, le Fils de ma Douleur dont le regard nocturne est sur mon âme, avec moi s’élève vers la Patrie, dans le joyeux courant d’influences bruissantes de la béatitude dorée." O.V. de L. Milosz