dimanche 30 avril 2023

 

On est attendu depuis si longtemps.

On voit simplement.
On voit l'amitié d'une prairie,
l'amitié calme, l'amitié ample.

Elle attend,
mais jamais on ne foulera
ses herbes hautes.

On a des signes de reconnaissance.
C'est immédiat.

La prairie prend avec elle toutes les peurs.
Elle seule sait poser sa chevelure
sur la ride de l'angoisse.

Avec elle, on dort déjà
avant de dormir,

On s'engloutit,

On a l'assurance d'être bercé,
d'être défait du dernier refus,
refus de poussière et de nuit
qui fond avec son chant secret

qui est aussi un chemin.

samedi 29 avril 2023

 


Les cigognes sont de retour.
Il fait trop chaud au Sahara.
Il fait trop chaud à Perpignan,
trop chaud à Clermont-Ferrant
trop chaud à Saint-Amant

Mais à Nancy,
il n'y a pas de soleil.
Il fait tout gris.
Les cheminées ne fument plus
et les bébés dorment
dans leur berceau.

Alors les cigognes hochent la tête
en regardant sur le canal
les péniches qui rejoignent le Rhin

Elles font claquer leur grand bec
pour que les hommes pensent un peu
à lever la tête et peut-être leur cœur.






vendredi 28 avril 2023

 



L'histoire d'un arbre
est dans son tronc.

Les coups de vent,
les coups du sort,
les coups de canif
les coups de froid,
tout est là
et s'entremêle.

Le visage de tout homme
est un peu semblable.
Un peu de clairvoyance
suffit pour reconnaître
ce qui ne peut être caché
même sous le maquillage.

Tu vois, tu entends mieux
l'autre quand tu comprends
que seul,  à deux
ou à plusieurs
il n'y a qu'un cœur.




jeudi 27 avril 2023

 



Le vert enchanté existe.
Je l'ai rencontré
au détour d'un chemin,
près de l'étang de Brin.

Il n'y avait pas
d'autre endroit
que celui-là

Et il n'y en aura 
jamais d'autre.

Parce que là,
par enchantement
tout est oublié,

et l'on sait
sans savoir
que demain sera bien

puisqu'aujourd'hui
l'était.




mercredi 26 avril 2023



Devenir fleurette
Devenir son silence
et s'endormir
à jamais réveillé
dans un ciel
de pâquerettes
qui clignotent
au rythme doux
du cœur cosmique.

Offrir sa vie
cloué au secret
qu'aucun mot
ne peut nommer
et mourir
de vie désirée,

de vie plus haute. 














mardi 25 avril 2023


La violette est timide.

Elle se cache sous les feuilles.

Proche de la terre,

elle n'ose se montrer.

Dans ce monde

grand-guignolesque

elle aime être ignorée.

Comme la marguerite

elle n'est pas tape-à-l'œil.


Sa douceur t'appelle.

Délaisse les vanités

où à travers les orbites

d'un crâne passe

un vide intersidéral.


Sois toi-même

simple, humble

et même délaissée

pour danser avec tes sœurs,

les étoiles et les fées.


 

lundi 24 avril 2023

 

"Dans la profondeur du cœur,
l’aube point lentement.
Dedans, nous la voyons déjà, dehors
vous ne voyez que la souffrance de la Terre.
Il n’y a qu’une souffrance :« Être au-dehors.»
Il n’est ténèbres qu’au-dehors,
au-dedans ce n’est pas possible.
Il n’y a de bruit qu’au-dehors,
mais au-dedans naît le silence.
Il n’y a de temps qu’au-dehors,
et c’est au-dedans qu’il s’arrête.
Il n’y a mort qu’au-dehors,
et c’est au-dedans qu’est la Vie.
L’âme ne s’égare qu’au-dehors,
au-dedans, son nid éternel."

Gîta Malasz




dimanche 23 avril 2023

 

Dimanche matin.

Sentier des vergers

sur le coteau de Malzéville.


C'est aussi bien que

la porte de ce jardin

 soit fermée.

Accroissement du mystère.


Dans l'herbe drue

le chat disparaît

pour ne laisser

que son regard

d'eau dormante.


La fleur d'un magnolia

s'ébroue d'une averse nocturne

si lentement que personne

ne s'en aperçoit.


le coq malgré la clôture

sursaute au moindre bruit.

L'éclair roux arrive si vite

que ses ergots ne serviront à rien.










samedi 22 avril 2023

 


Quel fil encore
est à couper ?

fil qui retient
le cerf-volant,

fil à la patte,

fil emmêlé,

fil aux nœuds
qui semblent
impossible
à dénouer,

fil d'un petit secret
où l'on est 
son propre bourreau
mais aussi une victime
qui se complait
sous le couperet,

fil de guirlande
qui brille si fort
pour que personne
n'aille regarder
les ossements
des rêves inachevés,

fil boa ou anaconda
qui enserre sa proie
lentement,

fil d'habitude
où l'on patauge
jour après jour
jusqu'aux sables mouvants,

quel fil encore
est à couper ?



vendredi 21 avril 2023

 



Que sont les pensées des hommes
devant les fleurs ?

Tu restes devant elles.
Tu sais bien
qu'il n'y a plus rien à dire.

C'est comme si c'était elles
qui te détachaient de tout le créé.

Elles sont habitées
bien plus que toi
d'infini.

Muettes,
elles te montrent
tout ce qui a été vain
dans ta vie. 






jeudi 20 avril 2023

 


Dans le parc des eaux bleues
une vieille serre
rouille lentement.

Inéluctable dégradation.

L'entropie est cosmique

Et pourtant comme le saumon
qui remonte jusqu'à la source
à contre-courant,

tu résistes.

Tu transforme
les plis de l'amertume
que l'on voit
sur le visage
de certains vieillards

en un battement d'ailes.



mercredi 19 avril 2023


Trois tableaux de l'exposition "Répétition" à Metz


Il y a ce qui se répète

se répète, se répète,

sans fin

mais à chaque fois

ce qui est répété

s'améliore, se polit,

s'assouplit, se colore

de nouvelles nuances

et devient un joyau

dans un temps

qui ne compte pas.


Et puis il y a ce 

ce qui se répète,

se répète, se répète,

sans fin,

mais à chaque fois

ce qui est répété

abrutit, alourdit,

opacifie, détruit

et devient un poison

empli d'amertume

dans un temps qui compte 

les secondes de l'ennui.




 

mardi 18 avril 2023



Au seul refuge,
au seul lieu
où respirer est une naissance,
au seul battement
d'un cœur qui bat
avec le sien,
sois.

Au seul regard
qui est une promesse,
aux seules mains
qui ne pèsent rien
et traversent les ténèbres,
sois.

Au seul sourire
qui est un horizon,
au seul ami qui tient
sa porte toujours ouverte,
sois.

A la seule joie
qui a des ailes
pour traverser les mers,
au seul ciel qui accourt
quand la nuit crie trop fort,
sois.

A la seule présence
qui a la clef d'une prison
où l'on s'est enfermé,
à la seule caresse
qui donne et ne prend rien,
sois.

Au seul désir
qui est vraiment le sien,
Au seul chant de la rivière
qui apporte au matin
son or et ses diamants,
sois

Au seul silence
qui éloigne de la mort,
à la seule paix
que rien ne peut arracher,

sois. 


lundi 17 avril 2023

 



C'est un instant
hors du temps.

Trois petits canards
au jardin de l'eau
batifolent
sous le regard inquiet
de leur maman.

Trouée soudaine.

Émerveillement.

Trois petites boules 
de plume
et la vie continue.

Et la vie continuera.

Trois petits canards
ont plus de poids
que ceux qui 
se croient importants.




dimanche 16 avril 2023

 

Marcher et encore marcher.

Suivre le mouvement

des nuages qui ne se posent

aucune question.


Regarder le blé en herbe

jusqu'à en avoir

le regard vert.


Marcher et respirer

dans l'espace où

la main de l'homme

n'a pas tracé de lignes

trop régulières.


Accueillir la fraîcheur de l'air

comme si elle envahissait

tout l'être à nouveau

sans âge et sans histoire.


Marcher et se déplier

comme une feuille

de marronnier,


et se promettre

à soi-même,

dans le silence

de la brisure,

de vivre

comme un vivant

revenu de la mort.






samedi 15 avril 2023

 

Sur le chemin

les fleurs d'aubépines

naissent avec le matin.


A peine écloses, elles cherchent

à être transpercées 

par le soleil.


Leurs étamines à pointe d'or

frémissent sous les nuages.


Et quand le soir descend,

elles protègent leurs étoiles

jusqu'au premier coup de vent

qui emporte leurs pétales

avec les oiseaux

qui se cachent pour chanter.






vendredi 14 avril 2023

 



Ce n'est qu'un peu

de douceur

au bord de la rivière

Le soir est un miroir,

les reflets des ombres.


La rivière ne raconte jamais

d'histoire.

Les oiseaux se perchent

au sommet des arbres.

Dans leurs yeux

l'eau s'écoule.


Une femme solitaire

a fermé la porte

à son ami 

qui gardait son cœur pur

pour qu'elle vive.


Leurs âmes sur la berge

n'ont pour mémoire

que l'océan où un jour

elles se retrouveront.



jeudi 13 avril 2023

 

Immobile
comme l'arbre
contente toi d'être

et sois
le bourgeon,
la fleur,
le fruit

et la feuille
qui en tombant
n'oublie pas
l'arbre 
d'où elle vient.







mercredi 12 avril 2023

 


Viens, ce qui crie encore la nuit a besoin de drap frais pour simplement dormir, mais d'un autre sommeil, un sommeil de pétales qui se poseraient sur chaque brûlure.
Viens renforcer les murs de ce jardin aux abeilles paisibles. L'épaisseur de l'herbe est un onguent mystérieux sur les bleus qui sont bien loin de celui du ciel.
Viens, même si le pommier ne donne pas encore de fruits. C'est à toi de jouer des souffles qui attisent la braise.
Viens, réserve-toi une chambre haute pour ton cri, dont on ne saura jamais rien, parce qu'il ne se pense pas, mais est là, bien vivant.
Viens au bord de cet horizon qui se déchire. Tu as des graines plein les poches à semer avec le soleil !





 


Plateau de Villers-les-Nancy

Monotype. 1er tirage




mardi 11 avril 2023

 


Rien n'effraye la jeune merlette.
Elle prend la pose et disparaît
Ce n'est pas comme le foulque
qui se jette à l'eau
au moindre craquement
de branche mortes.

Les tulipes, elles,
montent la garde
pour un temps de printemps
somme toute assez bref.

Ce n'est pas comme le ciel
dont personne jamais
ne mesurera l'étendue.

Une vie d'homme,
à peine un reflet.

C'est pourquoi
un cœur en paix suffit.

Tout le reste, néant.







lundi 10 avril 2023

 

Lundi de Pâques. Pendant que les gens finissent les restes du repas d'hier, les rues sont désertes. Promenade au cimetière de Préville. Un lézard se dore au soleil pâle. Personne ne cueille les fleurs de pissenlit pour en faire des bouquets. Les petites lanternes des cymbalaires illuminent les murs et les ficaires clignotent comme des étoiles. L'écorce du platane vaut bien un tableau de Paul Klee. Quant à la jonquille, elle se mire dans un rétroviseur brisé. le pyrrhocore aptère fait la sieste comme seul un gendarme sait la faire. Regagner ses pénates et se taire