lundi 30 janvier 2023

 



Pour chaque feuille à peine née,
un rayon de lumière descend.
Arbre ou soleil, qui irradie ?

Tout vient à son heure.
La noirceur de l'arbre
était un leurre.

Même mort, il chantera encore.

Dos au mur,
le soleil ne me demande rien.
N'avoir que quelques branches
tremblantes d'hiver.
N'être que le frère de l'arbre frêle
au bord du canal.

Etre rempli de larmes
plus que de sève,
mais c'est pour hâter le jour
où le printemps
accorde à la nuit
la douceur qu'elle mérite.

Cette douceur honore le monde,
comme la main d'une mère 
sait ôter la fièvre.

Retourner au berceau d'avril
quand les mésanges disparaissent
dans la blancheur des fleurs.
Le drap a la fraîcheur
de la lumière qui baigne le berceau.

Je suis né en avril, entre tulipes et grésil,
et j'ai encore en pleine poitrine
le cri de délivrance de  l'arbre du canal.

Je n'ai que quelques branches
prêtes à fleurir
et seule la douceur apporte avec elle
ce que je cherche tant.


dimanche 29 janvier 2023

 




Parfois la mort

vient par autrui

sans qu'il le sache.

Mort sommeil

ou mort arrachement.


Mais le mur

contre lequel

on s'est heurté,

le mur sans failles

apparemment,

lisse et glacial,


soudain s'est levé.


L'autre n'a rien fait.

Il garde son mur

croyant être protégé.


Mais les murs ne protègent rien.

On s'y enferme seulement.


Mais pour celui qui s'est brisé

contre le mur,

pour celui qui est mort

de cet arrachement

ou effondrement,


le mur s'est levé.

cette mort l'a mené

à une vie plus haute,


une vie plus subtile,

plus délicate,


où l'on vit autrement.


Merci à ceux

qui derrière leurs murs

ne soupçonnent pas

cette vie si délicate

si étrange.




samedi 28 janvier 2023

 


Le hêtre pourpre

11 (dernière partie)



Plus de nuit

Il n'y a plus de gris,
lumière pressentie.
La pluie d'automne
cache de l'or.

Mille histoires
se sont perdues
dans les remous
de la rivière.

Tant de vanité
parmi l'évidence
d'une rose dont
il ne restera
aucun atour !

Il n'y a plus de nuit,
là où le poignard
s'est enfoncé,
où le poison
est devenu un élixir,
et où le linceul
s'ouvre sur un océan !



La chanson finit bien

Dans le berceau blanc
un enfant a les yeux du ciel
et du vent frais à la fenêtre.

En plein midi,
un homme s'égare
dans la forêt.
La nuit des branches
a caché les orées !

Mais le soir venu,
au cœur de la clairière,
un feu est allumé.

A la douceur de ses flammes,
tous ceux qui étaient là
se sont embrassés.

Ainsi se finit
une chanson d'amour !



Leur ouvrage

Ils ont essayé,
ils essayent encore.

C'est le duvet
qui a le plus de poids,

c'est le vide
qui reçoit les échos,

c'est le nuage
qui prend toutes les formes.

Ils ne prétendent plus rien
que l'espace d'un ciel
où le vent joue son chemin.

Ils essayent toujours,
glissent entre
les doigts du temps,
jouent parmi
des statues creuses
où se meurt
un rêve d'enfant !




Savoir ne suffit pas

Il n'y a plus
qu'à revenir
au premier mot
qui ne peut se dire,
puisque c'est lui
qui contient sans peine
toutes les paroles.

Mais les paroles
s'envolent.
Il reste un mot ouvert
privé d'oiseaux fous,

et à l'intérieur
il n'y a plus
que du silence !

Enfin :
il était temps !



Le porteur

Porteur d'eau,
porteur de rêve,
donne une caresse
aux angles droits,
ouvre les murs
qui tiennent
les rivières en prison.

Un jour ou l'autre
montera l'étoile
du désir d'orient.
Si la page est obscure,
le livre est flamboyant !

Parmi les cris
est la perle
du grands fonds
qui discrète diffuse
le lait de sa douceur !




Aborigène

Un aveugle chante
avec sa guitare.
Sa voix dans le noir
est oiseau d'argent.

Aucune cage
ne peut le retenir.

Quelques notes,
un coup d'aile,
et voilà l'océan
qui reprend sa chanson.

Plus haut encore,
et c'est la terre rouge
où il est né
qui l'appelle :

Plus de peur
pour mon enfant !”



Aurifère

Il a suffi
de l'alchimie
d'une nuit
pour que l'arbre
devienne de l'or.

Une autre nuit encore,
il ouvrira les yeux
sur un monde
sans questions.

Les nuages
auront emmené
les dernières heures
loin de l'arbre,

et il restera seul !



Tombé du ciel

Dahlia lotus rouge
aux pétales de sang,
tombé d'on ne sait
quel bouquet
sur le trottoir,
fleur encore
toute fraîche,
il n'y a pas
d'autre message
que tenir ce joyau
entre les mains
et le poser au bord
d'une fenêtre grise
en s'enfuyant !



 Tout est offert

Tout est offert,
ce sang qui court
dans l'arbre des veines,
et le regard par où
le monde approche
et la caresse de l'air
dans sa confiance bleue,

tout est offert,
se laisser faire,
même l'ombre
est un appel
d'une matrice
de lumière,
la rose de l'automne
ôte l'angoisse
sans donner son parfum,
et chaque grain de raisin
sur la treille
est une prière,

tout est offert !




Espace parallèle

Pour se rejoindre,
il y a un autre chemin
dans une forêt d'enfance
où dire est inutile.

Près des troncs
recouverts de lichens,
l'esprit est aussi vif
que l'eau claire
qui chante dans la bruyère.

Les pas s'ornent du silence
du sable rouge
et les pins cembro
au long cou
brossent avec calme
les derniers nuages dans le ciel !

Lorsqu'on a la même terre
pour se rejoindre,
il suffit d'un rêve pur
et de la lumière
que l'on aime !



Création d'une phrase

C'est en cet instant
dans la lumière
qui vient du Nord
avec le vent emmenant
la brume de l'aube
et où les arbres
entonnent le chant secret
de leurs robes enflammées,
qu'il se penche
vers son cahier,
et note une phrase
que personne n'a
encore prononcée !




Prise de refuge

Feuilles d'automne
éparses dans la rue
grise de pluie
sont un signal
des contrées blanches
où tout s'est endormi.

La vigne se recroqueville,
les arbres montrent
peu à peu leurs os sombres
qui craquent dans
le vent d'hiver !

On prend refuge
au son d'une sonate
sous une lampe
soleil d'intérieur,
laissant l'esprit
avec les nuages
dessiner des formes
qui disparaissent
à chaque seconde !



Coup d’œil

Il vient de penser :
Et si c'était le monde
qui le regardait,
ces fumées blanches,
ces arbres qui changent
dans la patience d'automne,
ces vitres noires,
ces montagnes qui suivent
à l'horizon
le chemin du vent !”

Et en écho, il entend :
Toi, où es-tu ?
Quel erreur y-a-t-il en toi ,
et quand s'apaisera-t-elle ?”

Tout devient si tranquille.
Il se laisse contempler
par les lueurs du ciel !!

Chaque feuille d'arbre
est devenue un œil !




Sans issue

L'impasse n'a pas
de murs.
On y entend
des chants d'oiseaux
qui confondent
l'aube et l'aurore.

Les sources jaillissent
et disparaissent,
mais sont
sans chemin.

On est seul
à comprendre
qu'on ne comprendra pas,

et que le vent
une fois de plus
effacera les mots
comme des traces de pas !




Traversée

                  Cette consolation
est sans remède,

elle est la porte,
la nuit sans fond
qui ne porte même plus
la trace d'une étoile.

Les mots sont du sable,
le sablier reste vide.

Cette consolation
ne s'écrit pas.

Elle est l'arbre abattu,
avec le mystère
d'un surgeon,

la maison éventrée
où un homme mystérieux
garde le feu à l'âtre





vendredi 27 janvier 2023

 Le hêtre pourpre, partie 10


Au guet

Le jour à peine
et les rêves
qui s'éveillent,
il n'a rien
entre les mains.

Les arbres s'éteignent
avant le brasier
de l'automne.
L'immeuble d'en face
contient mille dormeurs.

Il est seul
à voir ses fenêtres
comme les hublots
d'un paquebot-fantôme
dans la brume !




Au parc

Un coq noir
dans un sapin
pousse un cri.

Des canards
endormis
lèvent la tête.

Cris d'enfants
dans le parc,
intensément,
cris vivants !

Quelques vieux
sur un banc
annoncent
l'automne
au passant.

La rivière
emmène
des plumes légères
la lumière
s'apaise.

Les pensées ?
Nuages
dans l'étang !




Coïncidence

C'est ici qu'il
ne quittera plus
ce qu'il a rejoint.

Tout correspond
point par point.

Il est ce qu'il est,

dans le jour nu,
au dédale de la nuit,
à l'aube qui respire !

C'est ici qu'il
a rencontré
son seul secret,

qu'il n'y a plus
que vivre où
toute pierre se brise !



Le temps abandonné

C'est l'autre temps
qui vient,
sable d'étoiles,
or qu'on ne saisit pas.

Le cœur est
sur les lèvres,
et la douceur
donne au regard
des fontaines de lumière.

Ici, l'on peut naître.
L'enfant a l'assurance
de porter son rêve.

Les arbres ont un chemin,
les nuages des crinières
qui s'évadent des miroirs.

C'est l'autre temps
abandonné du temps,
qui toujours aurait dû être,
et vient chaque matin,
vagabond sur le seuil
des maisons endormies !



Douce tornade

Il n'y a en ce présent
que la pauvreté
et son ferment.
Tout est ouvert.

Par les portes
passe et repasse un parfum,
des chants lointains,
oiseaux qui n'ont plus besoin
de l'abri d'un rocher.

Les rideaux de velours
gisent dans la poussière.
Par la fenêtre
vient un paysage,
avec les nuages
en cavalcade.

Tout est arraché
et la maison respire.

Les veines de l'univers
parcourent ses murs
où s'échangent des sourires !



En retrait

Lorsque tout s'échappe,

quelqu'un qui part
et ne se retourne pas,

quelques feuilles sèches
sur le trottoir,
un dahlia soleil
bien trop lourd
qui penche vers la terre,

lorsque tout s'évapore,
en un instant,
une vie pétale de rose
entre les herbes,
grappe de raisin
avant l'hiver,

lorsque se taire
contient tout
ce que l'on a à dire,
et que seul un éclair
pourrait montrer
la croix où se tient l'être,

alors soudain le ciel s'avance
et demande une danse
à celle qui s'est tue !



Manque

Murmures qui se tiennent là,
mots qui ne se formulent pas
Seuls, avec le soir,
les nuages gardent un peu
trace de la lumière.

Sous la lampe
un espace s'est ouvert.
Il n'y a plus d'attente.
Le vide s'offre
comme une page blanche.

S'y dépose la vérité
avec la patience d'un enfant
au bord du sommeil,
rosée ou étoile filante
ne demeurent jamais !

Accepter l'inachevé d'un poème,
se taire, ne plus avoir peur du noir,
est-ce cela grandir ?



La lune sait

Une ligne d'arbres
à l'horizon,
commence la prière !

Ce n'est pas assez !”
chantent leurs branches.

Des parents affolés
par le ciel qui va
plus haut que la cheminée,
courent mettent
à l'abri leurs enfants.

Mais une petite main
écarte le rideau
pour sourire à la lune
qui, certains soirs,
chuchote son secret :

Toi aussi, tu es immense,
n'écoute pas les morts
qui prétendent savoir
qui tu es !”