samedi 28 janvier 2023

 


Le hêtre pourpre

11 (dernière partie)



Plus de nuit

Il n'y a plus de gris,
lumière pressentie.
La pluie d'automne
cache de l'or.

Mille histoires
se sont perdues
dans les remous
de la rivière.

Tant de vanité
parmi l'évidence
d'une rose dont
il ne restera
aucun atour !

Il n'y a plus de nuit,
là où le poignard
s'est enfoncé,
où le poison
est devenu un élixir,
et où le linceul
s'ouvre sur un océan !



La chanson finit bien

Dans le berceau blanc
un enfant a les yeux du ciel
et du vent frais à la fenêtre.

En plein midi,
un homme s'égare
dans la forêt.
La nuit des branches
a caché les orées !

Mais le soir venu,
au cœur de la clairière,
un feu est allumé.

A la douceur de ses flammes,
tous ceux qui étaient là
se sont embrassés.

Ainsi se finit
une chanson d'amour !



Leur ouvrage

Ils ont essayé,
ils essayent encore.

C'est le duvet
qui a le plus de poids,

c'est le vide
qui reçoit les échos,

c'est le nuage
qui prend toutes les formes.

Ils ne prétendent plus rien
que l'espace d'un ciel
où le vent joue son chemin.

Ils essayent toujours,
glissent entre
les doigts du temps,
jouent parmi
des statues creuses
où se meurt
un rêve d'enfant !




Savoir ne suffit pas

Il n'y a plus
qu'à revenir
au premier mot
qui ne peut se dire,
puisque c'est lui
qui contient sans peine
toutes les paroles.

Mais les paroles
s'envolent.
Il reste un mot ouvert
privé d'oiseaux fous,

et à l'intérieur
il n'y a plus
que du silence !

Enfin :
il était temps !



Le porteur

Porteur d'eau,
porteur de rêve,
donne une caresse
aux angles droits,
ouvre les murs
qui tiennent
les rivières en prison.

Un jour ou l'autre
montera l'étoile
du désir d'orient.
Si la page est obscure,
le livre est flamboyant !

Parmi les cris
est la perle
du grands fonds
qui discrète diffuse
le lait de sa douceur !




Aborigène

Un aveugle chante
avec sa guitare.
Sa voix dans le noir
est oiseau d'argent.

Aucune cage
ne peut le retenir.

Quelques notes,
un coup d'aile,
et voilà l'océan
qui reprend sa chanson.

Plus haut encore,
et c'est la terre rouge
où il est né
qui l'appelle :

Plus de peur
pour mon enfant !”



Aurifère

Il a suffi
de l'alchimie
d'une nuit
pour que l'arbre
devienne de l'or.

Une autre nuit encore,
il ouvrira les yeux
sur un monde
sans questions.

Les nuages
auront emmené
les dernières heures
loin de l'arbre,

et il restera seul !



Tombé du ciel

Dahlia lotus rouge
aux pétales de sang,
tombé d'on ne sait
quel bouquet
sur le trottoir,
fleur encore
toute fraîche,
il n'y a pas
d'autre message
que tenir ce joyau
entre les mains
et le poser au bord
d'une fenêtre grise
en s'enfuyant !



 Tout est offert

Tout est offert,
ce sang qui court
dans l'arbre des veines,
et le regard par où
le monde approche
et la caresse de l'air
dans sa confiance bleue,

tout est offert,
se laisser faire,
même l'ombre
est un appel
d'une matrice
de lumière,
la rose de l'automne
ôte l'angoisse
sans donner son parfum,
et chaque grain de raisin
sur la treille
est une prière,

tout est offert !




Espace parallèle

Pour se rejoindre,
il y a un autre chemin
dans une forêt d'enfance
où dire est inutile.

Près des troncs
recouverts de lichens,
l'esprit est aussi vif
que l'eau claire
qui chante dans la bruyère.

Les pas s'ornent du silence
du sable rouge
et les pins cembro
au long cou
brossent avec calme
les derniers nuages dans le ciel !

Lorsqu'on a la même terre
pour se rejoindre,
il suffit d'un rêve pur
et de la lumière
que l'on aime !



Création d'une phrase

C'est en cet instant
dans la lumière
qui vient du Nord
avec le vent emmenant
la brume de l'aube
et où les arbres
entonnent le chant secret
de leurs robes enflammées,
qu'il se penche
vers son cahier,
et note une phrase
que personne n'a
encore prononcée !




Prise de refuge

Feuilles d'automne
éparses dans la rue
grise de pluie
sont un signal
des contrées blanches
où tout s'est endormi.

La vigne se recroqueville,
les arbres montrent
peu à peu leurs os sombres
qui craquent dans
le vent d'hiver !

On prend refuge
au son d'une sonate
sous une lampe
soleil d'intérieur,
laissant l'esprit
avec les nuages
dessiner des formes
qui disparaissent
à chaque seconde !



Coup d’œil

Il vient de penser :
Et si c'était le monde
qui le regardait,
ces fumées blanches,
ces arbres qui changent
dans la patience d'automne,
ces vitres noires,
ces montagnes qui suivent
à l'horizon
le chemin du vent !”

Et en écho, il entend :
Toi, où es-tu ?
Quel erreur y-a-t-il en toi ,
et quand s'apaisera-t-elle ?”

Tout devient si tranquille.
Il se laisse contempler
par les lueurs du ciel !!

Chaque feuille d'arbre
est devenue un œil !




Sans issue

L'impasse n'a pas
de murs.
On y entend
des chants d'oiseaux
qui confondent
l'aube et l'aurore.

Les sources jaillissent
et disparaissent,
mais sont
sans chemin.

On est seul
à comprendre
qu'on ne comprendra pas,

et que le vent
une fois de plus
effacera les mots
comme des traces de pas !




Traversée

                  Cette consolation
est sans remède,

elle est la porte,
la nuit sans fond
qui ne porte même plus
la trace d'une étoile.

Les mots sont du sable,
le sablier reste vide.

Cette consolation
ne s'écrit pas.

Elle est l'arbre abattu,
avec le mystère
d'un surgeon,

la maison éventrée
où un homme mystérieux
garde le feu à l'âtre





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