mercredi 31 juillet 2019


La lumière a aussi un poids.

Ce matin, elle était légère,
alors qu'il y a peu
elle écrasait, brûlante,
la tendresse des feuillages
qui venaient de sortir
de la pouponnière du printemps.

Je vois la lumière sans laquelle
je ne verrai rien.
Je baigne en elle.

Pourquoi quitter le bain ?

Et si la lumière n'est plus légère
est-ce parce que les hommes
deviennent trop lourds ?


mardi 30 juillet 2019


-La Terre-

Envolez-moi au-dessus des chandelles noires de la terre. 
Au dessus des cornes venimeuses de la terre.
Il n'y a de paix qu'au-dessus des serpents de la terre.
La terre est une grande bouche souillée :
ses hoquets, ses rires à gorge déployée,
sa toux, son haleine, ses ronflements quand elle dort
me triturent l'âme. Attirez-moi dehors !
Secouez-moi, empoignez-moi, et toi Terre chasse-moi.
Surnaturel, je me cramponne à ton drapeau de soie !
Que le grand vent me coule dans tes plis qui ondoient.
Je craque de discordes militaires avec moi-même.
Je suis comme une poulie, une voiture de dilemmes.
Et je ne pourrai dormir que dans vos évidences.
Je vous envie, phénix, faisan doré, condors.
Donnez-moi une couverture volante qui me porte
au-dessus du tonnerre, dehors au cristal de vos portes.

Max Jacob, "Sacrifice impérial"



Portrait de Max Jacob
gravure pointe sèche



J'ai levé les yeux.
la flamme noire du peuplier
vacillait dans le puits du ciel.

Imploration tranquille.
j'entendais ses feuilles
qui chantent avec le vent
qui court le long de la rivière.

Cela s'élargissait 
comme si  à deux mains
j'écartais les barreaux
de ma poitrine,
et que je sentais un oiseau
s'enfuir de cette cage.

Je le regarde maintenant.
je suis tous ses mouvements
et cela respire.

et avec douceur,
je lui chuchote :
"Ne reviens pas!"





lundi 29 juillet 2019

Les lieux qui ne sont pas des lieux
mais des portes,
vous les connaissez ?

Ô vous, fleurs de lisières
vous n'avez pas besoin d'oreilles.
Et déjà vous avez compris
mon chant.

Vous l'accueillez,
comme vous accueillez la lumière,
comme vous frémissez
sous le museau du faon.

C'est le chant insondable
où se mêlent la nuit
et sa crinière d'étoiles,
le chant qui prend le cœur
et le pose là, tout palpitant
à l'ombre des arbres.

Ô fleurs des lisières
vous accourrez,
vous me reconnaissez.
Je suis un prince 
maintenant à nu
qui perd son sang.



dimanche 28 juillet 2019


J'ai stoppé la voiture un peu brutalement.
C'était là.
Au milieu du ciel,
il n'y avait...
rien.

Les nuages s'étaient écartés.

Il avait dû pleuvoir
beaucoup de mots,
des brouettes de mots,
des tombereaux.

Et à la place,
il n'y avait plus rien...

dans mon ciel.







samedi 27 juillet 2019

A la butte Sainte Geneviève,
il n'y avait pas un chat,
ni même un oiseau.

Ma main n'était pas assez grande
pour caresser l'herbe jaunie.

J'ai pu déposer là
beaucoup d'innommable.
Je vois bien qu'il en reste encore un peu.

Cela fait comme une autre main.
Celle là est inconnue.
Elle me serre à la gorge.

Quand elle sera partie,
je pressens que sur le chemin
le silence aura encore grandi.

Et je pourrai regarder
avec des yeux clairs
ceux qui mentent par peur
de la réalité.





vendredi 26 juillet 2019


Au petit matin,
dans la touffeur,
une sauterelle élégante,
après son petit-déjeuner,
médite immobile sur un pétale.

Qu'est-ce qui me sépare d'elle
à part le fait qu'elle ne me prendra
jamais en photo ?

Est-ce la chaleur de la nuit ?
Tout me paraît étrange.
Ma pensée bute sur une sauterelle.
Qu'est ce que je connais d'elle ?
A-t-elle un cœur comme le mien ?

Je n'ai pas forcément besoin de réponses.
J'ai besoin de questions
pour me sentir dépassé,
aussi petit qu'elle.

Et avant tout cela,
sauterelle, je t'aime.
(Pour le moustique qui a tourné
au dessus de mon lit,
j'ai plus de mal !)




jeudi 25 juillet 2019


De quoi me parle
la fleur de buddleia au soleil ?

C'est une fleur
et il y en a des milliers d'autres.

Mais elle me parle.
Il y a comme une nostalgie
qui ne serait pas triste.

Nostalgie evoquée
par des choses ou des êtres
d'un indéfinissable encore plus beau.

On voudrait y être
et on voudrait que cela dure.
Mais sur terre, les fleurs sont éphémères.

Avec l'hiver qui arrive,
il n'y aura plus de papillons
sur le buddleia.




mercredi 24 juillet 2019


Je sais que c'est une tourterelle
(je préfère ce terme à pigeonne),
car deux ou trois pigeons
sont venus faire les beaux
auprès d'elle.

Elle me surveille
du coin de l’œil.
Peut-être pense-t-elle
que je suis un pigeon ?

C'est vrai que cela
m'arrive de me
faire plumer
(je préfère ce terme à pigeonner).

Je me repose un peu du soleil.
Lui n'a pas l'air fatigué.
Une maman sur le banc d'à côté
est sans arrêt en train de sermonner
son fils qui joue avec d'autres.

Pourquoi est-elle si énervée ?
Les pigeons cherchent des miettes.
Je vais reprendre ma route
avec le son de la voix de cette mère.

Un son froid, métallique.








 Père et fils

gravure pointe sèche




mardi 23 juillet 2019


Canicule II

Pastel gras, encre à lino sur papier japonais froissé


Sur le boulevard
les peupliers m'impressionnent.
On dirait des gardiens.

Je ne sais pas bien ce qu'ils gardent.
Mais je les regarde.

Ils me font un peu peur.
Ils sont trop vivants.
Et même si le vent souffle à peine,
ils frémissent dans la lumière.

Ils me regardent à leur manière.
Ce sont de bons gardiens
comme des anges gardiens..
Si je pense à eux,
je n'irai pas où il n'y a rien.

Je sais qu'on a voulu les couper.
Ils faisaient trop de racines.
Est-ce un problème ?

Peupliers du boulevard,
veillez sur moi !




Canicule

pastel gras



lundi 22 juillet 2019



Je monte au Haut-du-Lièvre
par la forêt et dans la chaleur.

J'ai l'impression de voir
pour la première fois
les vieilles marches en pierre.

Peut-être est-ce la première fois ?
Des hommes à genoux
ont calé ces vieilles pierres,
il y a longtemps.

Et le passant passe,
écrase la pierre,
oublie le labeur, la sueur.

Je monte, je descends.
Parfois c'est en descendant
que l'on monte
et inversement.

Je suis monté pour rien,
pour sortir de la maison,
et en y revenant,
j'ai compris que même
les pierres parlent.



dimanche 21 juillet 2019


Je pense, c'est sûr.
Je pense que c'est mieux
de penser le calme
et que avec tout ce qui s'agite
dans ma tête,
même si c'est encore là,
c'est mieux de prendre un peu de distance.
Les bateaux échouent sur des bancs de sable.
J'échoue sur un banc en bois.

Je ne cherche pas à ne plus penser.
Encore un effort qui ne mène à rien.

Alors je vais penser,
panser des blessures.
Pourquoi pas ?

C'est le bon moment.
Si je regarde honnêtement,
je suis loin de ressembler à une eau calme.
Alors cela pense, cela pense,
cela n'arrête pas de penser,
un peu comme des autos
dans une rue passante.

Mais je suis sur un banc.
Je regarde passer tout cela.
Beaucoup de bruit pour rien.

Je pense et je sens aussi.
je sens que cela résiste.
Je ne suis plus un enfant
et je n'ai plus de mère,
mais c'est de cet ordre,

s'abandonner au creux originel.




L'arbre des sept sabbats

linogravure




La paix



samedi 20 juillet 2019


Je suis un pêcheur
qui ne pêche plus
et un poisson rouge
qui ne mord plus 
à l'hameçon.

J'ai aussi un bout de ciel
pour croire qu'il est
encore possible
d'y étendre ses ailes.

Je vis à l'envers du monde
où l'on prend les reflets
pour la réalité.

Les miroirs sont trompeurs.
Le tain est en argent
et on ne voit plus que soi.

La rivière, elle
est toujours en mouvement.

Elle nage vers la mer
et m'emporte même
si je reste immobile.

Je vais me laisser être
sans me laisser aller.




vendredi 19 juillet 2019

Il y a les pensées qui s'entrechoquent, les points de vue, le jugement péremptoire, l'organisation des éléments,
toute cette machinerie à percer,

et soudain la corneille
se précipite vers la fenêtre
l'évite de justesse et disparaît.

C'est l'éclair du vrai monde.

C'est comme cette feuille de bégonia bambou
où sont disposées délicatement
des lunules blanches,
que penser ?

Cette feuille échappe à tout.

En plein centre de la vitre,
l'éclaircie dans le ciel gris est un vertige,
les stries sur la coquille Saint-Jacques
n'ont besoin d'aucune parole.

Secouer la tête comme une salière,
qu'il n'y reste rien !
Hébétude de l'innocence,
comme un grand coup de vent,
ou bien trois mots de Plotin,
"le beau est originaire",
cela suffit !

La pluie se remet à tomber.
Les corneilles se mettent à couvert.
La flamme du bûcher des vanités est claire.
Elle danse au centre de ceux qui sont dépossédés.
Comme le limon des eaux courantes,
il y a des pensées à déposer.

Prise au piège d'un bocal, la main s'en échappe
quand elle lâche ce qu'elle voulait attraper.

Il n'y a rien à attraper.

Insaisissable monde;
C'est ainsi que naît l'amour pour les oiseaux.
Ils échappent toujours
C'est ainsi que jouent les enfants,
"tu ne m'attraperas pas !"

Ils sont dans le courant,
le bateau de papier aussi.

Il est déjà temps de passer à autre chose,
d'ouvrir la fenêtre, de sentir l'air
comme on met un pied dans l'eau.

Vivre appelle.






jeudi 18 juillet 2019


Le temps de fermer les yeux,
le temps de les ouvrir
à nouveau,

il n'y a plus rien.

Qu'est-ce qui me tourmente ?






mercredi 17 juillet 2019



Les reflets s'éloignent, disparaissent,
reviennent et repartent.
Illusions.

Sur la place déserte,
la fontaine coule,
 mais il n'y a personne.

Un pigeon s'approche de mes pieds
à la recherche d'une miette.

La fontaine coule.
les reflets ressemblent
à des bateaux sur l'eau.

Les illusions s'éloignent.
La lumière sur la place
est aussi pure
que celle d'après l'averse.

Dans cette mise à nu
je goûte de vivre.

Et c'est une vie offerte,
une vie différente.



mardi 16 juillet 2019


Dans l'arbre
une jambe attend
peut-être
de toucher terre.

Toucher la terre.
Y être.

Dans l'arbre,
un voleur de cerises
est presque au ciel.

Et je passe
sans attente.


lundi 15 juillet 2019


Où va le papillon ?
Et quel est
son peintre en ailes ?

J'écris une lettre.
Où ira-t-elle ?

Le cocon est vide.
le papillon est au soleil.

Je n'ouvrirai plus
les portes qui se ferment.

les papillons n'aiment
pas les cimetières.

j'écris une lettre
qui s'envole,

avec des mots
que l'on me souffle
à l'oreille.



dimanche 14 juillet 2019


La rivière est un chemin.
Entre les arbres
elle apparaît
comme un morceau de ciel.

On m'a dit où
mène le chemin.
Mais cela ne suffit pas.

Les mots dans ta bouche
d'ou viennent-ils ?

As-tu suivi vraiment
le chemin de l'eau
jusqu'à la mer ?

Si tu veux,
allons-y ensemble.

Et jetons nos mots
dans la mer
pour qu'ils prennent
un autre sens.







samedi 13 juillet 2019



C'est peut-être
dans l'impossibilité
que tout se tient.

Impossible d'être
l'aube changeante
chaque matin.

Impossible
de glisser
le long des nuages
plissés.

Impossible d'aimer
vraiment
tout un chacun.

Mais ce n'est pas triste.
On peut offrir cela
comme on offre une fleur
à un enfant.

Et si c'était comme cela,
uniquement comme cela,

que tout devenait possible.





vendredi 12 juillet 2019


Quelques herbes
et peu d'eau 
réparent le monde.

le monde est cassé
l'homme est cassé.

Ensemble
ils se réparent
avec de l'herbe
et de l'eau.

Et l'épervier
qui disparaît
sans bouger les ailes
porté par le vent.






jeudi 11 juillet 2019


Ce que je suis vraiment,

un champ d'avoine,

le silence léger et vif,

la présence des arbres
de la nuit au matin,

ce que je suis vraiment,

l'espérance qui ne sait pas
pourquoi elle tient,

la main pour d'autres mains
qui se sentent bien,
paumes contre paumes,

ce que je suis vraiment,

prêt à mourir
si c'est pour vivre,

quitter pour toujours
ce que je ne suis pas,
ce que je n'ai jamais été,

ce que l'on m'a dit,
ce que l'on m'a fait,

ce que je suis vraiment,

est toujours là,

est maintenant,

ô dignité.


mercredi 10 juillet 2019



Dans le parc, pour un moment,
je retrouve de l'espace et du vide.

Une pelouse déserte,
un banc sans personne,
l'ombre de l'arbre
avec des papillons de lumière.

C'est trop plein
cette lutte contre moi-même,
un moi-même
qui n'est pas moi

et qui donne de la peine.
Pourquoi ?

Je veux de l'espace et du vide.
Je veux être une oasis.

Et ce serait bien.
Tu viendrais t'y rafraîchir
sans que je fasse rien.

Peut-être même
que je comprendrai enfin
le pourquoi du pourquoi.