lundi 28 février 2022

 

"Qui voit vraiment ?


Fusain





 



Un glaive de feu rose
traverse le ciel.
Es-tu là ?

Que vois-tu 
quand tu descends ton escalier?

Les pensées vont et viennent.
Le glaive coupe tout cela.
Seul le cœur voit.

Dans la cour de récréation,
on criait si fort :
"Tu ne m'attraperas pas !"

Je ris avec toi des pensées
qui veulent nous attraper.
Elles ne nous trouveront plus.

On est en soi comme un enfant
sans fièvre qui renaît.

On est en soi, au point
où tout se tait.
L'aube rose vit
d'une autre lumière.

On ne sait plus rien faire.
Le ciel est un feu,
le ciel est un éclair.

Voilà ce que l'on est.


dimanche 27 février 2022

 

Par à-coups
cela s'enfonce,

lentement.

Cela se disloque,
monde en loques

Mais cela
se relèvera,

un peu plus d'au-delà,
un peu  plus d'écoute,

un peu plus de gens
sans prétention,

de gens profonds
qui ne prêtent plus
attention
à la bête tapie
en chacun.






 



Les pigeons picorent les graviers.
Les graviers ont un goût amer.

On dit que les morts se reposent.
dans les cimetières.

Mais les morts ne sont plus là.

La guerre ne tue pas
que les corps.

Elle tue des caresses
des petites flammes
des mains chaudes
qui se serrent.

Les vivants parfois 
sont des morts.

On le voit
dans leur regard
éteint où l'on s'enfonce
comme dans un trou noir.

La vie quitte
ceux qui tuent.

Les tués sont vivants
pour toujours
dans le cœur
de ceux qui les aiment.









vendredi 25 février 2022

 


Démuni,
être ainsi,

ouvert
au ciel,

même
gris.

Au loin,
les armes,
le sang.

Ici, la vie
à nue,
dépourvue,

La vie
à genoux
qui supplie
les murailles
de l'homme.









jeudi 24 février 2022

 


Quelques crocus
éclatants
suffisent à dire
sans trop de mots
la folie de l'homme.


mercredi 23 février 2022




"L'homme au cigare"

Gouache.

Merci à Yann


 

 


Donner de la place.

Qui ne quitterait le filet,
l'entortillement,
les reflets que le vent
peut effacer.

Se disposer
S'éloigner du flux,
comme pour mieux voir
une cascade de mots
qui se forme on ne sait où.

Avoir toujours en mémoire
le croassement sec du corbeau
sur sa branche qui fait sortir
 l'homme tout tremblant 
du manège fou
de ses pensées intérieures.

Quoi ? Quoi ? Quoi ?
a dit le corbeau

Mais tu es où ?
aurait pu répondre le hibou.

On n'était pas là.
On était ailleurs
où il n'y a rien
que des nœuds.






mardi 22 février 2022

 





Lorsqu'il n'est plus rien resté,
c'était un ciel plein d'étoiles,

libre de tout lien,

avec partout
des maisons écroulées,

et nulle trace de morts,

seulement des fleurs
qui poussent sans effort
parmi les ruines,

et des nomades
qui vont plus loin,

avec dans le regard
la lumière de l'enfant,

qui en son royaume
n'a besoin de rien !










 


Volontiers je m'approcherai de l'Amour,
si de l'intérieur je pouvais l'atteindre,
Mais nul ne saurait chanter ceci avec moi,
qui se mêle beaucoup aux créatures.

L'amour nu qui n'épargne rien
dans son trépas sauvage,
séparé de tout accident
retrouve sa pureté essentielle.

Dans le pur abandon de l'amour,
nul bien crée ne subsiste :
amour dépouille de toute forme
ceux qu'il accueille dans sa simplicité.

Libres de tout mode,
étrangers à toute image :
telle vie mènent ici-bas
les pauvres d'esprit.

Ce n'est point tout de s'exiler,
de mendier son pain et le reste :
les pauvres d'esprit doivent être sans idées
dans la vaste simplicité,

qui n'a ni fin ni commencement,
ni forme, ni mode, ni raison, ni sens,
ni opinion, ni pensée, ni intention, ni science :
qui est sans orbe et sans limite.

Cette simplicité déserte et sauvage
qu'habitent dans l'unité les pauvres d'esprit :
ils n'y trouvent rien, sinon le silence libre
qui répond toujours à l'Eternité.

Ceci est dit en un court poème,
mais le chemin est long, je le sais bien,
et mainte souffrance endure
qui le veut parcourir entièrement.

Hadewijch d'Anvers



                                                  Peinture, peintre inconnu


lundi 21 février 2022

 



Vache solitaire,
nul ne voit ton regard,
toi qui sait regarder
l'intrus dans ta prairie.

S'il y a quelqu'un de trop,
c'est bien le promeneur.

Entre tes deux gardiens,
des frênes encore jeunes,
tu clôtures l'entrée
de ton paysage.

Cette tache blanche
le long de ton museau
est ton innocence.

Celui qui passe par là
s'agite beaucoup trop.

Toi, tu ne cherches pas
le mystère d'être.

Tu es le mystère,
ruminant calmement
le brouillard de l'hiver.





dimanche 20 février 2022

 


En chacun plus grand que lui,
espérance, sans espoir.

Le monde assombri
rend la lumière
si intense.

L'hiver finit.
Les canons
commencent.

Ne pas perdre confiance,
saut dans l'inconnu.

L'invincible
petite espérance.

Surabondance
invisible
qui perce
la nuit,

la nuit du regard aveugle.











samedi 19 février 2022

 





On parle tout seul.

On parle aux arbres,

On parle au givre.

On parle aux rochers

et aux cieux.

On parle à un ami

de chair et d'os.

On parle brisé

et on se relève.

On parle à nu.

On parle à vif

avec ses ténèbres.


On parle à feu

On parle à sang

On parle blessé

On parle blessant.


On parle mer

pour qu'elle emporte

pour qu'elle donne

sa caresse.


On parle nuit

pour que le jour se lève.

On ne fuit pas,

On ne fuit plus.

On regarde en face

toute sa parole.







vendredi 18 février 2022

 

"Pélerinage"

Gouache sur papier kraft, plié à la japonaise

Dès que tu avances sur le chemin, le chemin apparaît.

 

Djalâl ad-Dîn Rûmi















     



    Entre deux averses
    grandissent
    les promesses.

    Fleurs de rien
    et du cosmos.

    Personne
    ne s'étonne

    et les armes
    tonnent.

    Tristesse.

    Boire un peu
    de leur joie,
    couleurs,
    calice
    où les cœurs
    se rénovent.






    jeudi 17 février 2022

     




    Entre les branches
    une fauvette à tête noire
    se pose un instant
    et repart aussitôt.

    C'est une étincelle.
    Elle n'a pas de chemin.
    Elle papillonne
    au soleil couchant.

    Elle n'a besoin de rien.
    Elle mange ce qu'elle trouve,
    boit les gouttes de l'arbre
    perlée d'une averse.

    Elle vit.

    Vit-on ?




    mercredi 16 février 2022

     



    Dépouillement.
    L'arbre dépouillé,
    tout entier
    veille

    dans le maintenant.

    Rien d'autre.
    Dressé, donné,
    abandonné
    à ce qui est.

    Etre de l'arbre.

    Etre tout court,
    sans hiver, sans printemps.

    Il en est de même
    pour tout être,

    sans oripeaux,
    paumes ouvertes,
    livré à la vie.









    mardi 15 février 2022

     


    Que regarde-t-il
    ce nuage illuminé,
    ce visage d'eau
    qui se tourne
    vers l'orée du ciel ?

    Il n'y a rien,
    la paix seulement
    qui se glisse
    dans le lit de la terre
    et la nudité de l'arbre.

    Et si en toi
    cette paix gagne,
    elle n'écrase rien,
    enveloppe tes ombres
    de son châle clair
    comme vont les nuages,

    qui toujours meurent
    sans qu'on s'en aperçoive.









    lundi 14 février 2022

     

    Je suis coulé.
    Au fond silence
    Peuple éteint.
    Nuit étoilée
    en place et qui s'étend.

    Tombé en tombe
    relevé d'une seule
    respiration.

    Personne ne sait
    puisqu'en deçà
    de tout langage.

    Silence d'eau
    Silence larmes
    où l'on est
    l'enfant bordé
    et qui a vu
    dans le regard de sa mère
    la source intarissable.








    dimanche 13 février 2022

     

    Un petit saut en arrière,

    cinquante ou soixante ans.

    Le village maintenant

    est presque désert.


    Les devantures bientôt

    deviendront objet

    d'archéologie.


    Partout des traces.

    Des traces d'être

    qui ont été

    et ne sont plus.


    Et la conscience

    de tout cela

    comme un soleil

    oublié.



    jeudi 10 février 2022

     


    Cette lumière soudaine
    juste au pied
    de la maison,
    pourquoi ?

    C'est comme si le ciel
    sortait de son bain
    dans une nudité
    éblouissante





    mercredi 9 février 2022

     



    Venue du soir


    A peine des reflets
    et les cheveux de l'eau,
    ondulations
    vie

    et le vent
    à l'encoignure
    d'une fenêtre
    qui hurle,

    retrouver
    les draps 
    du sommeil,

    oublier le corps
    et sa cisaille

    tourner une page,

    du blanc....












    mardi 8 février 2022

     Ramures dans le grand vent

    quel chant laissez-vous échapper ?


    Qu'est-ce qui ainsi est emporté au loin, 

    plus loin que les nœuds humains ?


    Grands vents, faites la place maintenant

    pour les germes du printemps qui vient ?





    lundi 7 février 2022

     


    Quand l'intérieur
    est comme l'extérieur,

    ce n'est plus déchiré.

    On est pris
    dans le frémissement
    des bourgeons.

    On pressent
    le mystère des écorces.

    Heureuse la douceur
    qui est le pont
    entre deux mondes.

    Heureuse la clarté
    et la paix 
    qu'on ne conquiert pas
    soi-même.






     


    Mâ Ananda Mayi

    Fusain




    dimanche 6 février 2022

     



    Effraction de lumière.
    Sauter par dessus la rivière.
    Aller à cette source
    dont le soleil
    n'est même pas un point.

    Tout s'y fera, là.




    mercredi 2 février 2022

     

    Où va-t-on ?
    Bonne question.

    Belles apparences.
    Le monde flambe.

    Bruits de bottes.
    Bourses folles.

    Les signes sont là.
    Les aveugles s'entrechoquent.

    Se retirer un moment
    du tourbillon
    qui était là avant,
    qui sera là après.

    Où vas-tu ?
    Que choisis-tu ?

    Pas cela.