dimanche 31 mai 2020



C'est une lueur sur l'étang
et le temps est arrêté.

Etre là.
Que les voix se taisent
Que tout s'apaise.

Il y a une conspiration
contre l'être.

Peut-être n'y a-t-il
besoin de rien ?

L'affolement
est général.

Et là
au bord de l'étang,
je vois que l'eau
ne participe pas à cette folie.

C'est sur elle
qu'il faut compter.







samedi 30 mai 2020


Le dragon des étoiles

montotype





Rien n'est mérité.
Une trouée soudaine
éclaire la journée.

Le seul trésor à offrir
n'est parfois
qu'une toile d'araignée.

Mais dans l'élan
de n'être rien
la toile se déchire,
la trame se desserre.

Et au travers
passe une lumière
que personne ne peut
emprisonner




vendredi 29 mai 2020


J’étais morte pour la Beauté – mais à peine
M’avait-on couchée dans la Tombe
Qu’un Autre – mort pour la Vérité
Etait déposé dans la Chambre d’à côté –

Tout bas il m’a demandé « Pourquoi es-tu morte ? »
« Pour la Beauté », ai-je répliqué
« Et moi – pour la Vérité – C’est Pareil –
Nous sommes frère et sœur », a-t-Il ajouté –

Alors, comme Parents qui se retrouvent la Nuit –
Nous avons bavardé d’une Chambre à l’autre –
Puis la Mousse a gagné nos lèvres –
Et recouvert – nos noms –

Emily Dickinson








Petite nature morte

peinture à l'huile


jeudi 28 mai 2020

Petit hymne à la forêt

Avec un léger souffle de vent
les feuilles chantent
et dans la montée
je découvre
une forêt vivante.

Une forêt est un océan.
Je nage dans les feuillages
entre les branches
et les troncs où frétillent
des ombres poissons.

Je plonge plus profond
ferme les yeux
pour que le chant des branches
me traverse.

La forêt est vivante.
Elle ôte par son souffle
les lambeaux d'âme morte
du promeneur.







mercredi 27 mai 2020

Les bancs restent vides.
Le parc Blondlot
est fermé au public.
mais la lumière
y rentre à flots.

Qui peut interdire
à la lumière
de rentrer.

Même derrière
un rideau noir
la lumière ne s'en va pas.
Elle attend.

Il y a des cache-cache pour rire
et des cache-cache
à pleurer.

Pourtant le noir
n'a jamais rien guéri.

Je n'ai rien d'autre
à écrire.




mardi 26 mai 2020

Au bord du champ,
coquelicot,
je ne vois plus
que ton rouge.

Je n'ai plus de mémoire.
On m'a dit
que tu étais
un coquelicot.

Mais c'est dérisoire.
Je vois ton rouge.
Il me rentre
dans l'âme.

Il me percute.
Ce n'est pas du 
rouge sang.

C'est du rouge-vie-ardente





lundi 25 mai 2020

Au bord du ruisseau de l'Asnée,
l'eau chante
sous les ombrages.

Je ne suis plus
dans ma ville.

Je monte vers
le pays que j'aime

le pays simple
des gens simples.

Les enfants rieurs
jouent au bord de l'eau.

Les vergers n'ont pas
de grillages.

le ruisseau ôte
note après note
les peines,

avec les rayons
du soleil danseur
entre les branches.







"Le grand peuplier"

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dimanche 24 mai 2020

Dans un jardin de village
le simple chant
d'une fontaine,
la constellation
des centaurées,
étoiles végétales,
envahissent tout.

Il n'y a à nouveau
plus personne.
Une confiance s'installe
le chant de l'eau
ne tarira pas.

C'est quoi,
c'est à qui
ces pensées
quand cet espace
est reconnu.








"Lueurs"

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samedi 23 mai 2020



C'est un instant
hors du temps.

Trois petits canards
au jardin de l'eau
batifolent
sous le regard inquiet
de leur maman.

Trouée soudaine.

Émerveillement.

Trois petites boules 
de plume
et la vie continue.

Et la vie continuera.

Trois petits canards
ont plus de poids
que ceux qui 
se croient importants.





"Vision"

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vendredi 22 mai 2020

"Vision"

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Une ombre
plane sur la source..

Pas de main mise.

la source n'appartient
à personne.

Elle coule pour tous.
est accessible à tous.

Elle n'écarte personne.
Elle chante seulement.

Et lorsqu'on s'approche d'elle
son chant envahit tout,

et il n'y a plus besoin
de parole.




jeudi 21 mai 2020

Série "Forêts"

monotypes








Le vert enchanté existe.
Je l'ai rencontré
au détour d'un chemin,
près de l'étang de Brin.

Il n'y avait pas
d'autre endroit
que celui-là

Et il n'y en aura 
jamais d'autre.

Parce que là,
par enchantement
tout est oublié,

et l'on sait
sans savoir
que demain sera bien

puisqu'aujourd'hui
l'était.




"Forêt"

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mercredi 20 mai 2020


Pas de roses
sans épines.

Pas de sapin
non plus !

J'ai levé les yeux
rue Giorné Viard.
C'était la première fois
que je voyais
un sapin fleuri.

Si la rose et le sapin
se sont mariés.

J'épouserai
ma vie
avec ses épines.



mardi 19 mai 2020



Un simple chêne dans la forêt
et je comprends mieux
pourquoi les arbres dansent
même quand il n'y a pas de vent.

C'est comme si ses branches
tournaient autour d'un axe
pour mieux atteindre le ciel.

J'aimerais revenir de nuit
à son pied
et fixant les étoiles
je le regarderais danser.

Peut-être même
aurais-je la surprise
de m'apercevoir
que ce sont les étoiles
qui dansent autour de lui.









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lundi 18 mai 2020

La source aussi coule
sur les feuilles
des arbres
et on entend le flot
du vent.

En marchant,
je te bénis obscurité
de m'avoir rendu
assoiffé de la source.

Je la regarde couler
sur les arbres
mais aussi sur les herbes
les pierres.
J'enfonce mes doigts
dans le bois vermoulu du vieux banc.

Il fait bon avec la source.

La largesse du paysage
a emmené au loin
les nœuds qui veulent 
toujours tout resserrer.





dimanche 17 mai 2020


"Sacrifice"

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Rien n’est mort, rien n’est faux, rien n’est noir, rien n’est triste.
Personne n’est puni, personne n’est banni.
Tous les cercles qui sont dans le cercle infini
N’ont que de l’idéal dans leurs circonférences.

Astres, mondes, soleils, étoiles, apparences,
Masques d’ombre ou de feu, faces des visions,
Globes, humanités, terres, créations,
Univers où jamais on ne voit rien qui dorme,
Points d’intersection du nombre et de la forme,
Chocs de l’éclair puissance et du rayon beauté,
Rencontres de la vie avec l’éternité,
Ô fumée, écoutez ! Et vous, écoutez, âmes,
Qui seules resterez étant souffles et flammes,
Esprits purs qui mourez et naissez tour à tour :
Dieu n’a qu’un front : Lumière ! et n’a qu’un nom : Amour ! -


Gérard de Nerval (1808-1855)




Blessure.
Qui m'a blessé ?

Il n'y a personne.

J'abandonne le mal
que je me fais,
loin, loin
par dessus le grillage.

Si je ne suis rien,
je serai la rose.

Et qui serait blessé
à la vue d'une rose ?

Tu as bien raison
de vouloir m'oublier
puisque je m'oublie
peu à peu moi-même.





"Citrus et coquelicots"

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samedi 16 mai 2020



-1-

C'est ici qu'a commencé un ciel sans détours, avec des arbres gorgés de lumière, une histoire d'où l'on ne revient pas, côte à côte avec les marcheurs nocturnes qui ne lèvent jamais les yeux. C'est ici que des ailes ont pris feu, et que le vin a coulé à flots sur une terre inconnue.

-2-

Il était temps de perdre la tête, triste geôle à moisissures, et que les hirondelles sur leur fil reprennent leurs volutes où l'espace jubile. Il était temps d'échapper à ces os desséchés qui ne se relèveraient jamais.

-3-

Le jugement est déjà venu et la voix était douce comme du miel : "Cette terre est la tienne. Sur la pelouse calcaire de cette colline est un orchis si pur qu'il peut être un diadème"


-4-

Les plaintes ont été emportées par le vent, comme de la paille. Les mains trouvaient douceur à l'écorce rugueuse. Les mains parlaient aux herbes folles, et le regard était celui d'un otage au grand jour, renversé par la lumière et la tendresse folle des pétales

-5-

Même les visages qui se ferment possédaient une perle ou un germe que révélerait peut-être un jour le cygne qui marque avec de l'or son passage sur l'eau noire !

-6-
Il y avait tout en cet instant, ce que personne ne dit jamais à personne, la feuille vert tendre d'un érable, ou la robe luisante d'un grain de cassis, hors du sang et de la souffrance.


-7-

Tout se tenait dans cette reconnaissance, une innocence essentielle, du lichens phosphorescent à la dent de tigre fossile, du regard de l'enfant battu qui ne comprend pas à celui grand ouvert du poulain sur ses pattes frêles. Tout attirait vers l'énigme !
-8-

Et il voulait être là, homme seulement, parmi d'autres hommes, sans défense, sans violence, sur le fil fragile qui passe d'abîme en abîme, et donnant sa main, et donnant sa vie !

juin 2013








"Offrande"

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vendredi 15 mai 2020


Le coquelicot
vient juste
de se déplier.

Visage
encore chifonné
du nouveau-né.

Dès la naissance
des plis
apparaissent.

Je rejoins
doucement
le lieu sans pli

où l'on n'a plus
à être 
froissé.





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jeudi 14 mai 2020

Verger abandonné,
accueillez la peine,
accueillez le cri !

l'herbe sauvage
a une compréhension
qui dépasse toutes
les compréhensions humaines;

Rûmi l'a tant chanté :

"Écoute le ney raconter une histoire, il se lamente de la séparation: Depuis qu’on m’a coupé de la jonchaie, ma plainte fait gémir l’homme et la femme. Je veux un cœur déchiré par la séparation pour y verser la douleur du désir. Quiconque demeure loin de sa source aspire à l’instant où il lui sera à nouveau uni"




Monotypes et encre

"Pélerinage à la montagne"