samedi 27 avril 2024

 

Mon ami, espère la visite de l'Hôte tant que tu es en vie.
Plonge dans l'expérience tant que tu es en vie !
Pense...et réfléchis...tant que tu es en vie.
Ce que tu appelles "salut" appartient au temps d'avant la mort.

Si tu ne brises pas tes liens tant que tu es en vie.
Penses-tu que des fantômes s'en chargeront après ?

Cette idée que l'âme atteindra l'extase seulement parce que la chair est pourrie,
Tout cela est pur fantasme.
Ce qui est trouvé maintenant est trouvé alors.
Si tu ne trouves rien maintenant, tu termineras simplement avec un appartement dans la Cité des Morts.
Si tu fais l'amour avec le divin maintenant, dans la vie qui suit ton visage sera celui du désir satisfait.

Ainsi plonge dans la vérité, découvre qui est l'Enseignant
Et crois dans la Grande Résonance !

Voici ce que te dit Kabir : lorsque l'Hôte est recherché,
C'est l'intensité de la recherche de l'Hôte qui fait tout.
Regarde-moi et tu verras un esclave de cette intensité

Kabir





 


Pas assez liquide,
pas assez fontaine,
pas assez tendre,
l'homme est une pierre
qui se heurte au temps !
Celui qui le comprend
cherche à devenir pain
plutôt que la mort le brise !

l'enfant pleure souvent
parce qu'il voit
toutes ces pierres,
durs adultes
sur son chemin,
lui dont le cœur
est de la tendre mie !

Celui qui vieillit
à la recherche
de ce pain,
de cette fontaine,
qu'a-t-il à craindre ?
Rien ne le durcit !
Tout l'amène au pardon !





vendredi 26 avril 2024

 



« Adieu ! J'ai toujours eu des visions
pour la nuit, et pour le jour, les visions
qui s'effacent ne manquent pas ;
évanouissez-vous, Fantômes ! Hors de
mon esprit indolent, fondez-vous dans
les nuages et ne revenez jamais plus ! »

John Keats


Chanson du vieux goéland

J'ai repris mon vol,
quitté la grotte
sous le rocher,
j'ouvre les ailes !
Quel vertige
quand il n'y a
plus de retour possible !

Ne sois pas triste
jeune goéland
qui monte aussi
vers ton soleil,
je veillerai, loin
très loin ivre
de silence !

J'ai revu
l’inaccessible étoile
quand je ne
l'attendais plus !
Le filet s'est déchiré,
jamais plus ne serait
son prisonnier !

Déjà un autre espace
m'est apparu,
j'y respire une paix
qui enivre plus
que toutes les ivresses
trompeuses au goût
de terre obscure !

Ma vie ne m'appartient plus,
vie donnée en un instant !
Mes ailes frôlent
le houppier du hêtre pourpre
gardien de la porte secrète
sur la colline !

Celui qui en franchit le seuil
ne sait plus rien,
ne veut plus rien,
Un vent étrange
se charge de son voyage,
il s'est abandonné !

J'ai repris mon vol !
Que personne ne cherche
à retenir celui
qui ne sait plus rien,
ne veut plus rien,
dont le seul désir
est de vivre son secret !











jeudi 25 avril 2024

 


La lumière commençait à fléchir.
En passant à côté de la forêt de bouleaux,
j'ai pensé à la Russie, à Tchekhov.
Je n'aurais pas été surpris
de voir sortir du bois
deux demoiselles en jupe de crinoline
avec ombrelles blanches à la main.

Mais il n'y avait personne.
la forêt était elle-même
une apparition.

Je suis resté à distance.
Je n'ai pas marché entre les arbres.
J'aurais sans doute disparu
comme l'image qui m'était venue à l'esprit.

Il y a des seuils
que l'on ne peut pas franchir
comme il y a des paroles imprononçables 
ou des portes qu'on ne peut ouvrir.

La forêt de bouleaux
était dans un ailleurs
à jamais ailleurs.




mercredi 24 avril 2024

 


15h30,

Dans la rue qui
monte à la maison
les premiers coquelicots
bravent fièrement le grésil.

Fleurs si fragiles
qu'il est inutile de cueillir,
papillon rouge miracle,

d'une graine perdue
entre béton et bitume
a surgi une aérienne
boule de feu.

Un aveugle n'est pas
celui qui ne voit pas,
mais celui qui
ne reconnait pas.








mardi 23 avril 2024

 


-1-

C'est ici qu'a commencé un ciel sans détours, avec des arbres gorgés de lumière, une histoire d'où l'on ne revient pas, côte à côte avec les marcheurs nocturnes qui ne lèvent jamais les yeux. C'est ici que des ailes ont pris feu, et que le vin a coulé à flots sur une terre inconnue.

-2-

Il était temps de perdre la tête, triste geôle à moisissures, et que les hirondelles sur leur fil reprennent leurs volutes où l'espace jubile. Il était temps d'échapper à ces os desséchés qui ne se relèveraient jamais.

-3-

Le jugement est déjà venu et la voix était douce comme du miel : "Cette terre est la tienne. Sur la pelouse calcaire de cette colline est un orchis si pur qu'il peut être un diadème"

-4-

Les plaintes ont été emportées par le vent, comme de la paille. Les mains trouvaient douceur à l'écorce rugueuse. Les mains parlaient aux herbes folles, et le regard était celui d'un otage au grand jour, renversé par la lumière et la tendresse folle des pétales

-5-

Même les visages qui se ferment possédaient une perle ou un germe que révélerait peut-être un jour le cygne qui marque avec de l'or son passage sur l'eau noire !

-6-


Il y avait tout en cet instant, ce que personne ne dit jamais à personne, la feuille vert tendre d'un érable, ou la robe luisante d'un grain de cassis, hors du sang et de la souffrance.

-7-

Tout se tenait dans cette reconnaissance, une innocence essentielle, du lichens phosphorescent à la dent de tigre fossile, du regard de l'enfant battu qui ne comprend pas à celui grand ouvert du poulain sur ses pattes frêles. Tout attirait vers l'énigme !
-8-

Et il voulait être là, homme seulement, parmi d'autres hommes, sans défense, sans violence, sur le fil fragile qui passe d'abîme en abîme, et donnant sa main, et donnant sa vie !










lundi 22 avril 2024

 









Où s'être perdu,

nuages échevelées ?


dites-le
dans la grande clarté
qui se prolonge !

Où se cacher
maintenant,

Les fausses promesses
retournent au silence !


le jour même abrupt,
bosse au front,
coup de bâton,
m'ont réveillé
ici, dans le jardin !

Ne plus rien attendre
puisque tout déjà
a été donné.

Il n'y a rien à faire
qu'accepter
et offrir sa seule tendresse,


nudité qui ne protège plus rien,


tout a été donné,
tout a été ôté,


la moindre feuille frémit !


Mais si une seule personne

comprenait derrière les mots,

entrevoyant l'espace,

si une seule goûtait

à ce qui vit aussi en elle

et que reflètent les arbres mouvants,

sensibles aux souffles invisibles !


dimanche 21 avril 2024

 


Pour plus tard.


Lorsqu'il n'est plus rien resté,
c'était un ciel plein d'étoiles,

libre de tout lien,

avec partout
des maisons écroulées,

et nulle trace de morts,

seulement des fleurs
qui poussent sans effort
parmi les ruines,

et des nomades
qui vont plus loin,

avec dans le regard
la lumière de l'enfant,

qui en son royaume
n'a besoin de rien !










samedi 20 avril 2024

 



Avoir recours
à la forêt,
aux plumes
des fougères,
à l'or d'un reflet
d'une rivière
qui s'endort
à l'ombre verte
des futaies !

Les cailloux du chemin
ont le pouvoir de réveiller
le marcheur :

« tu es déjà plus loin,
ne t'arrête jamais ! »

Et le vent est là,
il ouvre un pays
où les arbres ruissellent,
où chaque feuille a son chant,
où l'écorce est un livre
qu'on lit avec les mains !

S'échapper
avec la buse
sur sa meule,
dans l'ondulation brûlante
de l'air du plein midi !

Habiter l'herbe des prairies,
noyée de mauves et de coquelicots,
avec la vache placide
qui du mouvement de sa queue
bat la mesure de son
orchestre de mouches !

Humer les grumes
dans les fossés,
les premiers bolets
qui suintent
sous les sapinières,
gouter la liqueur
de la fraise des bois
mélangée de poussière !

Oublier peu à peu
près du merisier
ou du blé qui devient blond
la folie de l'homme.

Etre l'alouette
qui saura s'envoler
avant le passage
du monstre de la moisson !


Il n'y a de vie
qu'en cette tendresse !
Les fleurs sauvages,
belles pour rien,
parlent
de qui l'on est.

Personne ne pourra plus
faire oublier le secret
qu'elles  confient 
chaque soir.


Toi aussi,
essaye de retrouver
le livre qui s'ouvre
quand leurs pétales
se referment !

Il y a un poème
à l'intérieur
qui jamais ne s'écrit
et qui te dit : « Je t'aime ! »


vendredi 19 avril 2024

 




Il a rêvé de la maison
de sa grand-mère,
un vent léger
dans les cheveux
près du grand cerisier
qui donnait de petites cerises
noires et parfumées !


Il a revu les cages à lapin
poussiéreuses,
l'escalier si raide
qui monte au grenier,
et les hautes orties
au fond du jardin,
au pied des noisetiers.

Il cherchait toujours
un soleil au fond
du trou qu'il creusait
près du perron ensoleillé.

Il comprenait
en un instant
le dahlia et la mésange,
le chevreuil dans l'allée,
la couleuvre noire
qui  glisse sous le cresson
du ruisselet.

Et sans angoisse,
il pouvait se taire
et n'être que regard !




jeudi 18 avril 2024

 



Mercredi 17 avril, 15h15
Parc de la Cure d'Air

Partout des boutons d'or,
des petits soleils
que les nuages noirs
et la grêle ne peuvent effacer.

Partout des jaillissements
en lieu et place
des enterrements,

partout des cris
qui déchainent
les prisonniers

loin des liens
où s'enserre l'homme
jusqu'à l'étouffement

Partout, partout
des boutons d'or
qui éclatent
à la face grimaçante
des démons.





mercredi 17 avril 2024

 


Espérance


 "Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance. Et je n'en reviens pas. Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout. Cette petite fille espérance. immortelle. Car mes trois vertus, dit Dieu. Les trois vertus mes créatures. Mes filles mes enfants sont elles-mêmes comme mes autres créatures. De la race des hommes. La Foi est une Épouse fidèle. La Charité est une Mère. Une mère ardente, pleine de cœur. Ou une sœur aînée qui est comme une mère. L'Espérance est une petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière. Qui joue encore avec le bonhomme Janvier. Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne couverts de givre peint. Et avec son bœuf et son âne en bois d'Allemagne. Peints. Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas. Puisqu'elles sont en bois. C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. Cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus. [...] Mais l'espérance ne va pas de soi. L'espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bien heureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce.[...] La petite espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route inter- minable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance s'avance. Entre ses deux grandes sœurs. Celle qui est mariée. Et celle qui est mère. Et l'on n'a d'attention que pour les deux grandes sœurs. La première et la dernière. Qui vont au plus pressé. Au temps présent. À l'instant momentané qui passe. On ne voit que les deux grandes sœurs, n'a de regard que pour les deux grandes sœurs. Celle qui est à droite et celle qui est à gauche. Et on ne voit quasiment pas celle qui est au milieu. La petite, celle qui va encore à l'école. Et qui marche. Perdue entre les jupes de ses sœurs. Et on croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main. Au milieu. Entre les deux. Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut. Les aveugles qui ne voient pas au contraire. Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs. Et que sans elle, elles ne seraient rien. Que deux femmes déjà âgées. Deux femmes d'un certain âge. Fripées par la vie. C'est elle, cette petite, qui entraîne tout. Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle, elle voit ce qui sera. La Charité n'aime que ce qui est. Et elle elle aime ce qui sera. La Foi voit ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité. L'Espérance voit ce qui sera. Dans le temps et dans l'éternité. Pour ainsi dire le futur de l'éternité même. La Charité aime ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité. Dieu et le prochain. Comme la Foi voit. Dieu et la création. Mais l'Espérance aime ce qui sera. Dans le temps et dans l'éternité. Pour ainsi dire dans le futur de l'éternité. L'Espérance voit ce qui n'est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n'est pas encore et qui sera dans le futur du temps et de l'éternité. Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé. Sur la route montante. Traînée, pendue aux bras de ses deux grandes sœurs, Qui la tiennent par la main, la petite espérance s'avance. Et au milieu entre ses deux grandes sœurs elle a l'air de se laisser traîner. Comme une enfant qui n'aurait pas la force de marcher. Et qu'on traînerait sur cette route malgré elle. Et en réalité c'est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traîne. Et qui fait marcher tout le monde. Et qui le traîne. Car on ne travaille jamais que pour les enfants. Et les deux grandes ne marchent que pour la petite. "

Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912




mardi 16 avril 2024

 


Toujours à l'aube
face au soleil
la palombe se poste.

Constante, fidèle
elle assiste
au lever du soleil.

Toujours 
à son poste,
inondée de lumière
elle veille silencieuse

La nuit recule
dans son repaire
et enroule
ses tentacules

Si un jour
dans le ventre univers
advint une naissance,

c'est la lumière
qui jaillit en premier.

La nuit, elle,
ne sait que mourir.





lundi 15 avril 2024

 

Au bon endroit,
la graine.

Et le vent aussi
qui l'emportera.

Y être aussi,
même déchiré
où bat encore
le pouls de la nuit.

Au bon endroit,
attendre
d'être reprisé.

Retrouvé.
Accueilli.

dimanche 14 avril 2024

 

18h, Pont-à-Mousson


En bord de Moselle

avec au loin

l'abbaye des Prémontrés,

un vent remonte la vallée.


L'eau respire et frissonne

en même temps.

Changement incessant.

Le temps de fermer les yeux,

les friselis se transforment.


Un pigeon s'approche.

Lui aussi espère,

pauvre et mendiant.


Sur le retour

un chat surpris

ouvre grand

ses yeux verts.


Lui aussi va

disparaître.










Les pèlerins d'Emmaüs

aquarelles