dimanche 30 juin 2019


Je suis un poisson,
un poisson qui a peur de l'eau.

Je suis un poisson
qui a peur de se noyer.

Je suis un poisson
aux nageoires transparentes
qui ne sait plus nager.

Qui m'enlèvera la peur ?

Qui m'apprendra
l'aisance du dauphin,
la grâce de la méduse,
l'agilité de la sardine ?

Je cherche le grand fonds
dans la nuit
et la peur suinte
de mes écailles.








samedi 29 juin 2019


Trouveront-t-elles leur place ?

Seules les fleurs
ne se font pas de place au soleil.

Rien à conquérir.

Cette histoire de place,
en chacun,
cela prend de la place.

Je me place.
Je me déplace.
On me remplace.

Mais en chacun,
parmi tout ce qui se passe,
et entre les places,

un rêve,

le meilleur de soi ?




vendredi 28 juin 2019




Une alouette mouette de la terre
chante dans la tempête
de la moisson qui approche.

J'essaye d'être un simple épi
prêt à suivre la levée du vent.
J'ondule sous la caresse du vivant.

La plaine est en mouvement
comme le sang.
Un cœur bat au cœur 
de tous les chants.

Je plonge dans les vagues
de l'avoine,
m'enroule dans le ciel
percé d'étoiles.
La buse me donne ses ailes
dans un feulement.

Je ne sais plus si la terre
tourne ou le soleil.
Je ne connais plus le nom
donné par mes parents.

Partout des rivières
se mêlent à la danse
des feuilles et des épis,
roulent des cailloux
qui chantent sous l'eau.

Je ne pèse plus rien.



jeudi 27 juin 2019



Seul refuge,
cette maison attend.
Les oiseaux se sont rassemblés
au bord des fenêtres.
Ils restent invisibles.

Seul refuge,
je traverse l'eau noire.
Ce n'est plus moi
qui mène le combat.
Le cœur appelle.

Donner sa vie,
reconnaître le bien véritable,
sur le seuil de cette maison,
je ne vois 
qu'un sourire.

Se réfugier
en ce qui jamais 
ne manquera.
L'eau était froide.
Je viens me réchauffer.
Même en été, il y a du feu.

Déjà sont oubliés
les cris de la traversée.
Rien d'autre à faire
que tendre les bras.
L'eau noire s'écarte.

A l'étage se trouve un lit.
Comme il sera bon
d'y dormir à poings ouverts.

Maison posée sur le roc,
comment vacillerait-elle ?
On voit encore sur l'eau
quelques plumes et feuillages
qui ne servent à rien.

Ô, j'y retournerai
encore et encore,
à chaque fois 
que l'eau noire me cernera
Et ce sera les yeux fermés,
le coeur brûlant.




mercredi 26 juin 2019


C'est le lent retour à l'humus.

Plus de singularité
pour les feuilles singulières.

C'est le pluriel informe
de la matière décomposée.

Je vais où ?

Et pourtant
en moi, il y a
une longue pensée sinueuse,
comme la corde d'une guitare
qui vibre sans arrêt.

Certains rient 
lorsqu'on parle d'âme.

Mais dès que l'on est vivant,
on est âme-moureux.

Tant qu'il y a un souffle de vie
il y a une âme
qui cherche un chemin
et qui crie.





mardi 25 juin 2019


Les vieux noyers se noient de lumière.
Aucun besoin d'être reconnu.
Aucun besoin d'être apprécié.

Ils ne crient pas :
"Eh ! Oh! Je suis le noyer !"

C'est pour cela qu'ils paraissent
être plus que des arbres,
plus que le nom qu'on leur donne.

Ils échappent à la définition.
Avec eux, ce n'est jamais fini,
comme avec un être humain.

Tu me définis, tu me juges,
tu m'enfermes.
C'est le mauvais œil.

Le bon, c'est :
J'attends de l'imprévisible,
de l'inédit, du jamais vu,

comme une allée de vieux noyers
qui tremblent dans la lumière
et fracturent le réel.




lundi 24 juin 2019



Je suis attendu depuis si longtemps.

Certains croient à leur vision.
Je n'ai pas de vision.

Je vois simplement.
Je vois l'amitié d'une prairie,
l'amitié calme, l'amitié ample.

Elle m'attend.
mais jamais je ne foulerai
ses herbes hautes.

On se parle notre langue.
On a des signes de reconnaissance.
C'est immédiat.

La prairie prend avec elle toutes les peurs.
Elle seule sait poser sa chevelure
sur la ride de l'angoisse.

Avec elle, je dors déjà
avant de dormir,

je m'engloutis,

j'ai l"assurance d'être bercé,
d'être défait du dernier refus,
refus de poussière et de nuit
qui fond avec son chant secret

qui est aussi un chemin.









dimanche 23 juin 2019


J'aimerais dire plus
que le verger abandonné,
l'herbe sauvage,
les lichens sur les branches,
l'absence des fruits,
les oiseaux disparus.

le verger s'est arrêté.
Je suis là par erreur.
Il ne devrait pas y avoir quelqu'un.

Le soleil descend.
Les troncs noircissent.

C'est la force du verger
de me faire taire

et aussi parler
pour ne rien dire

et aussi écrire pour décrire
cette étrangeté où je disparais.

Il n'y a personne.

Il n'y a qu'un verger
dans une forêt lointaine
et des herbes sauvages
qui accueillent la nuit durant
les pleurs des étoiles.



samedi 22 juin 2019



Je prête attention.

Sais-je où je marche ?

Mon pas est lourd,
encore trop lourd.

Si j'étais humain,
comme je l'affirme,

je devrais avancer
par effleurement,
par délicatesse,
par l'oiseaux vif
qui ne pèse pas
sur le rameau

ou le poisson brillant
qui glisse entre les pierres.

Je prête attention.

Je suis au monde
mais quel monde ?

Il me manque
une autre parole,
une parole qui créerait
des pas différents,
une marche sans pesanteur,
une avancée qui entraîne
et libère.






vendredi 21 juin 2019

Dehors,foule affairée,
vêtements de deuil,
l'avidité,
de la solitude,
aucune danse,
dedans, un espace blanc
où des mots se posent
comme des oiseaux,
tu te nourris
de ce qu'aucune main
n'a tracé,
le silence blanc
où parfois la paix s'invite,
tu ne demandes rien
parce que tu ne comprends rien,
la grêle fait son oeuvre,
elle laisse le seul désir,
celui où l'on chemine,
ayant passé une porte
sans savoir comment,
tu joues le jeu mais à distance,
le sourire protège aussi,
tu commences à sortir du cercle,
poids du papier,
poids des mots,
tout est englouti,
même un nom gravé sur une pierre,
reste l'enfant
avant qu'on le tourmente,
les merles qui prennent
un rayon de soleil pour l'été
et la douceur d'une femme qui persiste...



jeudi 20 juin 2019

L'aube mijote ses effluves de lumière
dans un océan d'encre.

Je ne bouge pas.

Le soleil roule
avec ses rayons
et cherche l'issue.

Je ne frappe plus à la porte.

Le soleil ne manque
aucun rendez-vous
même si personne n'est là.

L'aube m'épingle à la fenêtre.

Je suis un feu qui s'ignore
enlacé de fumées,
un papillon de nuit
perdu sur son étoile.

L'aube écarte les bords de l'abîme.
Un lait bleu s'écoule de la blessure.

Je bois du vaste et je respire.

Un silence d'oiseau
se pose sur la colline.
Trop de gens dorment encore.
Un nuage emporte
les rêves perdus un à un.

Encore une minute
et il n'y aura plus rien.

L'aube meurt près des fenêtres noires.


mercredi 19 juin 2019



Pas âme qui vive
aux fenêtres.

Pas de linge qui pend,
pas de fleurs,
pas de visage.

C'est comme si le soleil
implacable avait tout brûlé.
Une ruche vide.

Les gens se pressent.
Vite, prendre son bus
à la sortie de la gare.

Pas un regard
pour la tour née
de la volonté d'un seul homme
et sa démesure.

Toutes les tours finissent
par s'écrouler

et parfois dans les gravats
on trouve la seule chose qui compte

et qu'on n'a pas comptée.







Ne fais pas attention à moi....Je viens d'une autre planète
Je vois toujours des horizons ...où tu dessines des frontières

(Frida Kahlo)


mardi 18 juin 2019

Au matin les roses rouges
étaient plus que rouges.

La lumière était aussi plus douce.
Une lumière bienveillante.

Ce n'est sans doute pas français.
Mais j'aimerais bien
me "bienveiller";

La lumière douce
serait un regard.

Les lointaines figures du blâme
s'effriteraient.

Au matin les roses rouges
appelaient la consolation.

"Allez, c'est fini, c'est fini !"


lundi 17 juin 2019



La grille s’efface peu à peu.
C'est une mise à distance.

Elle traîne encore le soir,
elle apparaît soudain
au détour d'un trottoir.

Mais elle est presque évanescente.
Elle pose question.
Elle interpelle.

C'est une grille lointaine.
Elle revient en mémoire
quand je ne l'attends pas.

C'est une grille étrange.
Qui est derrière, qui est devant ?
Qui s'emprisonne, qui se libère ?
Et pourquoi ?

Je la fixe, je la regarde
de haut ou de loin.

Elle a ses charmes, 
des charmes d'acier et de boa.

La grille s'efface peu à peu.

Je m'habitue à l'espace.

Avec ailes et branchies
je plonge et je tournoie.





dimanche 16 juin 2019


Je n'arrive pas à quitter des yeux
l'ombre aux pieds des arbres.

Sans elle, le paysage serait banal.
Une prairie, des feuillages, des nuages.

Mais avec elle,
quelque chose résiste

Densité du réel.
Densité salvatrice.

L'arbre existe dans la lumière.
Il n'est pas transparent.
Ce n'est pas un ectoplasme.

Et moi de même.



samedi 15 juin 2019



A la pêche d'un seul instant,
dans la maison, seul,
j'attends un chant.

Il ne vient pas
mais il germe doucement.
Obscurité heureuse.

Si la vie est un instant,
pourquoi en faire
l'enfer ?

Légèrement, j'attends,
effleure une touche de piano.
Une note pour la journée.

J'apporterai entre les gouttes de pluie
quelques graines de soleil,
je ne sais pas comment.





vendredi 14 juin 2019


On dit que les arbres communiquent.
Peut-être que le plus fort,
s’intéresse au plus fragile ?

Tout se passe en silence.
On entend seulement le bruit du vent
dans les houppiers.

Le faible profite de la présence
de celui qui a trouvé
plus facilement un passage
dans les broussailles.

Comment cela se passe ?
Je ne sais pas.

Un peu sans doute
comme certains êtres
auprès de qui l'on se sent bien
et qui déversent en nous sans le savoir
une eau paisible qui vient d'ailleurs.

Et si l'on était tous des passeurs ?
Des passeurs sans le savoir ?





jeudi 13 juin 2019


-Lorsque tu viens-

Lorsque tu viens,
je ne dis rien.
les mots sont 
feuilles mortes inutiles.

Lorsque tu viens,
plus rien n'a d'importance.
Mes mains sont vides
et mes rêves aussi.

Lorsque tu viens,
tu n'amènes rien.
ton sourire coule de source.
Je comprends sans comprendre.

Lorsque tu viens,
je voudrais rester
pour toujours.
Je ne suis plus attaché à rien.

Lorsque tu viens,
le soleil traverse la fenêtre.
Je suis aussi une fenêtre amie
d'un ciel devenu clair.

Lorsque tu viens,
tout est bien.
L'horloge sonne joyeuse
le temps qui n'est plus rien.

Lorsque tu viens,
mes blessures ont des ailes
qui vont chercher un nid,
loin, très loin.

Et je m'endors les yeux ouverts.







mercredi 12 juin 2019




-Des signes-

Cernes et lignes
sur le bois
ou la pomme de pin
se sont tracées
d'elles-mêmes.

Il reste des traces
qui te parlent
une langue mystérieuse,

Il reste des signes
où tu ne peux intervenir
sans que cela 
tourne au désastre.