mercredi 31 mai 2023

 


Quelques fleurs du jardin
à la lumière fragile du matin
ne racontent rien.

Elles sont seulement
dans l'air vibrant
attentives au chant
du vent qui danse
lui aussi pour rien.

Et c'est pourtant
une simple louange
qu'accompagnent
bourdons et abeilles
ivres de nectar.

Et tout cela
n'est qu'un instant,
l'instant de rendre grâce
d'être vivant pour rien

Et cela n'a pas de fin.











mardi 30 mai 2023

 


Portrait de Léon-Paul Fargue, poète


"Discerner le murmure des mémoires, le murmure de l'herbe, le murmure des gonds. Il s'agit de devenir silencieux pour que le silence nous livre ses mélodies. Écrire, c'est savoir dérober des secrets. L.P. Fargue




 


Il s'avança vers le sous-bois
et là il comprît
le silence de la forêt,
un silence qui fourmille
de chants d'oiseaux
et de feuilles frémissantes.

Toute la souffrance,
et la violence du monde
restèrent à l'orée.

Il disparut
dans la lumière verte
avec l'homme verdoyant
qui doucement
commença à enlever
pendant sa marche
les plaies si nombreuses
des années écoulées.

C'est en ce jour
qu'il choisit
de ne plus jamais
se faire du mal.





lundi 29 mai 2023

 

Portrait du Poète Ilarie Voronca


Pastel sec


Nous sommes tous à attendre que l’on coupe nos liens.
Le travail doit bientôt être achevé. La souffrance
a été l’acide qui a brulé tout ce qui n’a pas été nous-mêmes
et nos traits se dessinent sur le cuivre de l’amertume,
les larmes ont dissous les frontières de nos yeux,
et nos faces qu’un souffle se tient prêt à disperser,
s’unissent aux forêts, aux plaines, aux nuages,
dans ce halo qui entoure les villes au bord de la mer.

Si nous avons été la citadelle assiégée, le monde
a été l’armée qui envahit déjà nos ruelles,
nous avons vite connu les limites de notre vie
comme la chèvre attachée qui n’a plus rien à brouter,
tout autour il y a le pré abondant de la mort,
notre corps était le compas dont les branches
s’écartent de plus en plus jusqu’à que le cercle
se confonde avec l’âme et devienne visible.

Il faudra qu’on coupe les liens pour comprendre
que nous n’avons pas à nous en aller et qu’ici même
où nous sommes à nous débattre est le miracle

nous verrons tout à coup les lumineux contours
qui étaient là depuis toujours à nous solliciter
nous serons comme la barque heureuse qui découvre
qu’autour d’elle est le lac serein, non pas la terre.

Il a fallu peiner et souffrir et pleurer
implorer la délivrance pour être enfin dignes
d’apprendre qu’ici même est l’endroit incomparable
où notre âme rayonne et se mêle au tout harmonieux. I. Voronca




dimanche 28 mai 2023

 



Un rayon de lumière
et tout s'illumine.

Cela frappe l'œil.
Cela touche l'âme.

L'œil voit plus
que voir.

Et c'es tout.







samedi 27 mai 2023

 



Portrait du poète Antonio Machado

Pastel sec


Jamais je n’ai cherché la gloire
Ni voulu dans la mémoire des hommes
Laisser mes chansons
Mais j’aime les mondes subtils
Aériens et délicats
Comme des bulles de savon.

J’aime les voir s’envoler,
Se colorer de soleil et de pourpre,
Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,
Puis éclater.

À demander ce que tu sais
Tu ne dois pas perdre ton temps
Et à des questions sans réponse
Qui donc pourrait te répondre ?

Chantez en cœur avec moi :
Savoir ? Nous ne savons rien
Venus d’une mer de mystère
Vers une mer inconnue nous allons
Et entre les deux mystères
Règne la grave énigme
Une clef inconnue ferme les trois coffres
Le savant n’enseigne rien, lumière n’éclaire pas
Que disent les mots ?
Et que dit l’eau du rocher ?

Voyageur, le chemin
C’est les traces de tes pas
C’est tout ; voyageur,
il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler

Voyageur ! Il n’y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer.
Tout passe et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer

Antonio Machado





 


Le pèlerin a pris son bâton.
Il ne s'est pas retourné
pour dire
une dernière fois
au revoir.

Une fois suffit.

A chaque pas
devant lui
la terre ferme
apparaissait,
tandis que derrière
tout était effacé.

Le pèlerin est parti,
n'ayant que sa confiance
et son regard fixé
sur l'horizon jamais atteint
mais toujours désiré.

C'est un pèlerin boiteux.
Mieux vaut boîter
que courir à deux jambes
en arrière pour s'enfoncer
dans la nuit.

Son bâton sonnait
comme un gong
sur le chemin
pour que plus jamais
il ne s'endorme.

Même dans son sommeil,
son bâton résonne
jusqu'à l'aube.

Il va ainsi, clopin-clopant
d'aube en aube
et c'est son paradis
qu'il n'a pas mérité.












vendredi 26 mai 2023

 



Ici, c'est presque comme avant. Avant l'homme néfaste qui a fermé ses portes méthodiquement. Le mur approche. Dans un coin perdu Rien ne trouble le chant du ruisseau. Le vent passe sa main invisible sur les graminées. Le mur approche. Pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Des arbres vivants comme effarés regardent les arbres morts. Le mur approche et son cortège d'inhumanité. Il est si tard maintenant. Dans les coins perdus vivront les survivants.








jeudi 25 mai 2023







Chanter à la douceur de l'aube,
celle qui descend
et déchire la nuit sèche,
brise les cercles de fer.

Chanter à la douceur
tout court,
celle qui rend humain,
celle qui lève les voiles
pour qu'apparaisse un peu de vérité.

Chanter à la douceur,
celle qui laisse désemparée,
celle qui n'a rien d'autre à offrir
que le sel des larmes
qui renflamme la vie.

Chanter à la douceur
qui donne aux corps
sa transparence
pour qu'il n'y ait
plus rien à prendre à personne

mais seulement s'unir
avec la douceur de l'aube
et celle des étoiles
qui ne brillent pas seulement au ciel.

Chanter à la douceur,

et à la fenêtre
un rouge-queue approuve
et signe d'un mouvement d'aile
la fin du poème.






 

mercredi 24 mai 2023

 


Portrait de Rainer Maria Rilke

Pastel sec



"Et s'il me faut vous dire encore une chose, que ce soit celle-ci : celui qui s'efforce de vous réconforter, ne croyez pas, sous ses mots simples et calmes qui parfois vous apaisent, qu'il vit lui-même sans difficulté. Sa vie n'est pas exempte de peines et de tristesses, qui le laissent bien en deçà d'elles. S'il en eût été autrement, il n'aurait pas pu trouver ces mots-là."





 



Un petit étourneau gris
est tombé du nid.

Le ruisseau glougloute
à ses côtés.

Et la haute prairie
a gardé la trace
des biches de la nuit

La scabieuse ignore tout
et jusqu'à la fin
des vilénies de l'homme

Les ombellifères forment
un nuage blanc
aux pied des arbres fleuris.

Dans la forêt
un géant moussu
un jour est tombé.

Qui ne tombe pas ?
Qui ne se relève pas,

jusqu'au jour
où l'on ne se relève plus.

L'ombre des feuillages
sur les troncs de charme
chante la vie qui
toujours continue.
















mardi 23 mai 2023



Une chenille sur un brin d'herbe,
un brin d'herbe dans l'univers,
l'univers tel un cocon
qui enfante ses enfants,
et les enfants étonnés
devant la chenille qui se tortille,

tout se lie et se délie.

La chenille rejoindra
sa maison de salive
pour s'envoler papillon
entre les brins d'herbe,

et l'univers chantera
avec les étoiles
pour accompagner sa danse.

Les enfant émerveillés
ne comprendront jamais
comment une chenille poilue
se transforme en arc-en-ciel
qui joue avec le soleil.



 

lundi 22 mai 2023

 

Lumière du matin.
Le pavot rouge
est un mystère
à lui tout seul.

Son rouge serait-il
plus rouge
que tous les rouges,

Un rouge vivant,
un rouge qui vibre
et réchauffe ?

Lumière du matin.
Il y a au moins
une personne qui voit
ce rouge et le célèbre.

Une personne qui vit encore,
qui échappe à la mort,
à la nuit des couteaux tirés,
des pensées folles,
des yeux cousus au fil noir
de la rancœur.

Pour combien de temps encore ?











Portrait de Philippe Jaccottet

Pastel sec

"Tel est le monde
Nous ne le voyons pas très longtemps : juste assez
Pour en garder ce qui scintille et va s’éteindre,
Pour appeler encore et encore, et trembler
De ne plus voir. Ainsi s’applique l’appauvri,
Comme un homme à genoux qu’on verrait s’efforcer
Contre le vent de rassembler son maigre feu…"

Ph. Jaccottet




 

dimanche 21 mai 2023

 




Que tu fermes les yeux
ou que tu les ouvres
cela n'a pas d'importance.

Tu te tiens déjà
derrière la fenêtre.

Alors tu peux vivre
avec cet espace
toujours présent.

Il n'y a plus de jugement.

C'est une histoire
entre toi et toi.

uniquement.

Ton histoire
que toi seul connais.

Tu n'es plus
prisonnier
de rien

ni de personne.



samedi 20 mai 2023

 




Au bout de la prairie sauvagese trouve un chemin sinueux qui s'enfonce dans les bois. Prenez-le, prenez aussi votre temps. Les rayons du soleil s'accrochent parfois aux branches et dansent. Peu importe que vous soyez seul(e) ou pas, dansez sur le chemin. Admirez l'ancolie timide, la tête baissée dans l'herbe des fossés. Baissez aussi la tête pour contempler la transparence de ses pétales. Perdez-vous en route comme si vous n'aviez plus de mémoire, plus de nom. Rejoignez l'errance. Dites vous qu'un jour tout vous échappera, le ciel, la lisière des bois, les ancolies et les prairies qu'aucun pas n'a foulé. Vous serez nu et sans rien comme enfant dont la mère prend soin.





















 


Julienne de Norwich (1342 env.-1416).

Pastel sec

"Je pourrais créer toutes choses pour le mieux,
je devrais créer toutes choses pour le mieux
et je dois créer toutes choses pour le mieux,
et tu devras veiller toi-même à ce que toutes choses soient pour le mieux..."

Julienne de N.





vendredi 19 mai 2023

 


Dialoguer avec les fleurs,
avec l'iris des marais,
la morelle douce-amère,
le trèfle blanc.

Les contempler longuement.

Trouver des mots
qui n'en sont pas.
Un langage silencieux
pour danser avec elles

Etre un peu
de la même famille,
,
juste un peu,
dans l'oubli de soi-même.

Et se dire que l'on est
pareils puisque
la source est la même,

que les mains sont des pétales
les jambes des tiges frêles
la tête un pistil
qui se tourne vers les étoiles.