vendredi 27 janvier 2023

 Le hêtre pourpre, partie 10


Au guet

Le jour à peine
et les rêves
qui s'éveillent,
il n'a rien
entre les mains.

Les arbres s'éteignent
avant le brasier
de l'automne.
L'immeuble d'en face
contient mille dormeurs.

Il est seul
à voir ses fenêtres
comme les hublots
d'un paquebot-fantôme
dans la brume !




Au parc

Un coq noir
dans un sapin
pousse un cri.

Des canards
endormis
lèvent la tête.

Cris d'enfants
dans le parc,
intensément,
cris vivants !

Quelques vieux
sur un banc
annoncent
l'automne
au passant.

La rivière
emmène
des plumes légères
la lumière
s'apaise.

Les pensées ?
Nuages
dans l'étang !




Coïncidence

C'est ici qu'il
ne quittera plus
ce qu'il a rejoint.

Tout correspond
point par point.

Il est ce qu'il est,

dans le jour nu,
au dédale de la nuit,
à l'aube qui respire !

C'est ici qu'il
a rencontré
son seul secret,

qu'il n'y a plus
que vivre où
toute pierre se brise !



Le temps abandonné

C'est l'autre temps
qui vient,
sable d'étoiles,
or qu'on ne saisit pas.

Le cœur est
sur les lèvres,
et la douceur
donne au regard
des fontaines de lumière.

Ici, l'on peut naître.
L'enfant a l'assurance
de porter son rêve.

Les arbres ont un chemin,
les nuages des crinières
qui s'évadent des miroirs.

C'est l'autre temps
abandonné du temps,
qui toujours aurait dû être,
et vient chaque matin,
vagabond sur le seuil
des maisons endormies !



Douce tornade

Il n'y a en ce présent
que la pauvreté
et son ferment.
Tout est ouvert.

Par les portes
passe et repasse un parfum,
des chants lointains,
oiseaux qui n'ont plus besoin
de l'abri d'un rocher.

Les rideaux de velours
gisent dans la poussière.
Par la fenêtre
vient un paysage,
avec les nuages
en cavalcade.

Tout est arraché
et la maison respire.

Les veines de l'univers
parcourent ses murs
où s'échangent des sourires !



En retrait

Lorsque tout s'échappe,

quelqu'un qui part
et ne se retourne pas,

quelques feuilles sèches
sur le trottoir,
un dahlia soleil
bien trop lourd
qui penche vers la terre,

lorsque tout s'évapore,
en un instant,
une vie pétale de rose
entre les herbes,
grappe de raisin
avant l'hiver,

lorsque se taire
contient tout
ce que l'on a à dire,
et que seul un éclair
pourrait montrer
la croix où se tient l'être,

alors soudain le ciel s'avance
et demande une danse
à celle qui s'est tue !



Manque

Murmures qui se tiennent là,
mots qui ne se formulent pas
Seuls, avec le soir,
les nuages gardent un peu
trace de la lumière.

Sous la lampe
un espace s'est ouvert.
Il n'y a plus d'attente.
Le vide s'offre
comme une page blanche.

S'y dépose la vérité
avec la patience d'un enfant
au bord du sommeil,
rosée ou étoile filante
ne demeurent jamais !

Accepter l'inachevé d'un poème,
se taire, ne plus avoir peur du noir,
est-ce cela grandir ?



La lune sait

Une ligne d'arbres
à l'horizon,
commence la prière !

Ce n'est pas assez !”
chantent leurs branches.

Des parents affolés
par le ciel qui va
plus haut que la cheminée,
courent mettent
à l'abri leurs enfants.

Mais une petite main
écarte le rideau
pour sourire à la lune
qui, certains soirs,
chuchote son secret :

Toi aussi, tu es immense,
n'écoute pas les morts
qui prétendent savoir
qui tu es !”









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire