jeudi 26 janvier 2023

 Le hêtre pourpre, partie 9

Libre

Il n'y a pas
d'attente.

Un grand silence
bat à l'oreille.

Parmi les mots
en trop,
il y a l'espace,
le corps
en vie farouche,

une danse
sans verbe
et l'oubli
pour une page vierge !




Rien d'autre

Ecouter le chant
de l'eau du torrent,
voir cet écoulement
où se mêlent
l'ombre des arbres
et la lumière,
il n'a rien d'autre à faire,
touchant avec la main
les aiguilles de mélèze
qui recouvrent le sol.

Ne reste plus que
l'eau et le chant
qui ont pris
le place du temps !

Ne le réveillez pas !






Le maître de cérémonie

Danse l'hermine,
se cache, réapparaît,
dresse la tête
aux aguets,
éclair blanc et brun
difficile à saisir !

Le cri du chouca
est plus facile
à comprendre.
Près du ravin
où l'homme
n'est jamais monté,
il fait résonner le ciel,
appelle les étoiles !



Seulement

Seulement
l'océan
et sous les vagues
le nageur
est emporté
par le courant,

Seulement
le ciel
et près des étoiles
l'oiseau
se laisse saisir
par le vent,

Seulement
la terre,
et au pied de l'arbre
un enfant
accepte le chant
en son cœur !



L'imperméable

Noyade,
on ne s'accroche pas
à l'eau,
perte du souffle
pour un autre souffle !

Hors de l'eau,
soubresauts du poisson.
Il préfère couler
plutôt que de nager
entre deux eaux.

Il coule vers
un courant inconnu
qui va vers l'inconnu.

A la surface,
flotte encore
l'imperméable !




Un bout de rien

Un monde apparaît
sur un morceau
d'écorce de sapin,
taches, lichens,
lignes, traces,
morceau qui se casse
avec deux doigts,
cellules de l'écorce
qui se rassemblent,
forment cette peau
rêche, étrange,

et un étrange humain
après l'écorce
regarde sa main,
et les cellules
de sa peau
avec deux yeux
qui n'en forment qu'un !



Avant de fermer les yeux

Dire que par la fenêtre
ce petit nuage paresseux
va disparaître !

Il restera le sommet des arbres
encore dans la lumière,

et le bleu laiteux
à jamais muet !

Dire que la nuit viendra !
C'est aussi sûr que la mort,
un peu moins, peut-être,
et des milliers de corps
dans des lits étroits
ou trop larges
respireront plus lentement
vague après après vague
sur le rivage du sommeil.

Certains embrasseront
les paupières d'un enfant
et retourneront à la fenêtre
regarder le silence
qui prend corps
avec les lumières
des immeubles qui s'éteignent !



Bétail, vraiment ?

Premiers rayons de soleil
dans la prairie où
un cheval à robe claire
émerge d'un voile
de brume éphémère !

Un promeneur
caresse ses naseaux,
croise son regard
empli de ciel
et de sapins noirs.

Au loin les sonnailles
sont agitées par
des cous puissants
qui se penchent
vers l'herbe aux diamants,

des poitrails innocents
chantant la jeunesse
d'un monde qui s'offre
sans l'ombre d'un repli !



Renversement

Soleil de la nuit,
étoiles du jour
viennent écrire
l'envers du monde.

La mort chérit
tous les dehors,
mais à l'intérieur
étrangle l'enfant .

Crime du regard
des honnêtes gens !
Douceur blessée
du voleur au pilori !

Un monde à l'endroit,
Clarté du vagabond
dans ses haillons
le révèle à jamais !



Sans fils

Au dessus de chaque tête
tournoie un chant.
On dirait un tourbillon
de notes en flamme.

Mais chaque tête
est tirée à hue et à dia!

Un fil agrippe le nez,
un autre les oreilles,
une corde les cheveux,
une pince le menton
et deux ventouses,
les yeux exorbités.

Le chant appelle ses enfants.
Le ciseau d'un trou noir
coupera tous ses fils,

et chacun chantera
enfin au large !



Le trou d'aiguille

Au plus simple,
par un trou d'aiguille,
le ciel, l'eau
et le sommet de la montagne
viennent sourire.

Par le maillage
des paroles et des pages,
la nuit perd ses étoiles,
les manteaux sont des fardeaux
pour l'étincelle.

L'univers est la vraie potrine
pour les deux ailes des poumons.

Pas moins que tout “
dit le vieil homme
à la fenêtre de sa maison perdue !




Pleine mer

La colline est tranquille,
les arbres sont des mâts,
les voiles des feuillages,

et le vent gonfle ce vert.
L'écume du soleil apparait
sur les vagues des branchages.

Il est midi, la ville s'est tue.
Cela ondoie, cela respire !
Le voyage est paisible.
Les arbres sur la colline
viennent le dire en secret
jusqu'à la fin de l'été !




A la fin

Par sa bouche
passe un fil.
Il veut dire
ce qu'il veut dire,

Oh ! Le dire encore
sans jamais le dire.
Il sent bien
que cela le dévore.

Or ou charbon,
son fil
de mots fragiles
apparaît.
Ne tirez pas trop fort !

Il est possible
qu'un jour un oiseau
apparaisse au bout du fil,

et s'envole !




Soudaine perfection

A l'arrêt de bus,
un pigeon blanc
avec un poitrail
moucheté cherche
quelques miettes.

Il est parfait.
Pas de plume
terne ou abîmée,
aussi parfait
que le cumulo-nimbus
qui vogue en cet instant
dans son océan,

et le voyageur
qui attend dit
en son for intérieur :
Tout est bien !”




Reine d'un matin

Au bord d'un mur,
la feuille sèche
d'un platane
tombée là,
a gardé les perles
d'eau de la nuit.

Ce sont des perles rondes
les unes à côté des autres
en rang parfait.

Le soleil viendra ou le vent,
et elles disparaîtront.

La feuille, reine d'un matin,
avec son diadème,
s'envolera

et on oubliera !

1 commentaire:

  1. Fabuleuse richesse du regard qui capte le vivant, le retranscrit, donne au lecteur le plaisir d'imaginer toutes ces atmosphères différentes.
    Quel beau voyage ! Merci François !

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