samedi 23 décembre 2023

 



 Moi : O sage, qu’est-ce donc que la cotte de mailles de David [7] ?

Le Sage : Cette cotte de mailles, ce sont les liens divers que l’on a serrés autour de toi. […]

- Moi : Mais y a-t-il un moyen par lequel on puisse être débarrassé de cette cotte de maille ?

Le Sage : Par l’Epée [8].

Moi : Et où peut-on s’emparer de cette Epée ?

Le Sage : Dans notre pays il y a un exécuteur ; cette Epée est dans sa main. On a fixé comme règle que lorsqu’une cotte de maille a rendu les services qu’elle avait à rendre pendant un certain temps, et que ce temps est arrivé à expiration, cet exécuteur la frappe de son Epée, et le coup est tel que tous les anneaux se brisent et s’éparpillent.

Moi : Pour celui qui a revêtu cette cotte, y a-t-il des différences dans la manière de recevoir le coup ?

Le Sage : Certes, il y a des différences. Pour les uns, le choc est tel qu’eussent-ils vécu un siècle, et eussent-ils passé toute leur vie à méditer la nature de cette souffrance qui peut être la plus intolérable, et quelle que soit la souffrance que leur imagination ait pu se représenter, jamais leur pensée ne serait arrivée à concevoir la violence du coup que fait subir cette Epée. Pour d’autres en revanche, le coup est supporté plus aisément.

Moi : O Sage, Je t’en prie, que dois-je faire pour que cette souffrance me soit rendue aisée ?

Le Sage : Trouve la Source de la Vie. De cette Source fais couler l’eau à flots sur ta tête, jusqu’à ce que cette cotte de mailles (au lieu de t’enserrer à l’étroit) devienne un simple vêtement qui flotte avec souplesse autour de ta personne. Alors tu seras invulnérable au coup porté par cette Epée. C’est qu’en effet cette Eau assouplit cette cotte de mailles [9] et lorsque celle-ci a été parfaitement assouplie, le choc de l’Epée ne fait plus souffrir.

Moi : O Sage, cette Source de la Vie, où est-elle ?

Le Sage : Dans les Ténèbres. Si tu veux partir à la Quête de cette source, chausse les mêmes sandales que Khezr (Khadir) le prophète [10] , et progresse sur la route de l’abandon confiant, jusqu’à ce que tu arrives à la région des Ténèbres.

Moi : De quel côté est le chemin ?

Le Sage : De quelque côté que tu ailles, si tu es un vrai pèlerin, tu accompliras le voyage.

Moi : Qu’est-ce que signale la région des Ténèbres ?

- Le Sage : L’obscurité dont on prend conscience. Car toi-même, tu es dans les Ténèbres. Mais tu n’en as pas conscience. Lorsque celui qui prend ce chemin se voit soi-même comme étant dans les Ténèbres, c’est qu’il a compris qu’il était auparavant d’ores et déjà dans la Nuit, et que jamais la clarté du jour n’a encore atteint son regard. Le premier pas des vrais pèlerins, le voilà. C’est à partir de là seulement qu’il devient possible de s’élever. Si donc quelqu’un parvient à cette station, à partir de là, oui, il peut se faire qu’il progresse. Le chercheur de la source de la Vie dans les Ténèbres passe par toutes sortes de stupeur et de détresse. Mais s’il est digne de trouver cette Source, finalement après les Ténèbres il contemplera la Lumière. Alors il ne faut pas qu’il prenne la fuite devant cette Lumière, car cette Lumière est une splendeur qui du haut du Ciel descend sur la Source de la Vie. S’il a accompli le voyage et s’il se baigne dans cette Source, il est désormais invulnérable au coup de l’Epée. Ces vers (de Sanâ’î) :

Laisse-toi meurtrir par l’Epée de l’amour

Pour trouver la vie de l’éternité,

Car de l’Epée de l’ange de la mort,

Nul ne fait signe que l’on ressuscite.

Celui qui se baigne en cette Source, jamais plus ne sera souillé. Celui qui a trouvé le sens de la Vraie Réalité, celui-là est arrivé à cette Source. Lorsqu’il émerge de la Source, il a atteint l’Aptitude qui le rend pareil au baume dont tu distilles une goutte dans le creux de ta main en la tenant face au soleil, et qui alors transpasse au revers de ta main. Si tu es Khezr, à travers la montagne du Qâf, sans peine, toi aussi, tu peux passer [11].

… Lorsque j’eus raconté ces événements au cher ami qui m’en avait prié, il s’écria : " Tu es bien cela, un faucon qui a été pris dans le filet et qui maintenant donne la chasse au gibier. Et bien attrape-moi ; aux cordes de la selle du chasseur, je ne serai pas une mauvaise proie. "

" Oui, c’est moi ce faucon dont les chasseurs du monde

Ont besoin à tout instant.

Mon gibier, ce sont les gazelles aux yeux noirs,

Car la Sagesse est pareille aux larmes qui filtrent entre les paupières.

Devant moi est mise en fuite la lettre des mots

Près de moi, on glane le sens caché."


l 'Archange Empourpré de Sohrawardî (extrait)












Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire