jeudi 29 mai 2025

 


Etre écriture

Il est lui-même écriture

pour tenir accroché

à son arbre, non

comme un naufragé,

mais tel un danseur

qui par son corps

écrit le jour,

ou la confiance de l'enfant

et son regard de voyageur.


Il est lui-même une histoire

à la fin heureuse

où se dépose un baiser :

"Tu le vois bien, ce n'était rien !"

Ce n'était qu'un cœur qui chante,

une tendresse sans fin,

des bras ouverts derrière une porte,

une rose comme seule lampe

où disparaissent

les poussières de la maison.


Ce n'était qu'un papillon

dans son cocon qui cherche

couleurs pour ses ailes,

ou l'hirondelle qui cherche

à quitter le bleu du ciel

au passage d'une étoile !


Peut-être ne lui reste-t-il maintenant

que le oh d'étonnement,

oh qu'il chante et qu'il aime,

oh à travers sa vie

toujours proche d'un visage

qui va plus loin

et porte au sein de l'abîme

son nom d'homme !


Peut-être est-il là,

brisé d'indicible

et que tous cherchent à dire,

ce qui brûle et éprouve,

ce que personne ne saura,

même les plus sages

et les plus savants,

mère avec enfant,

amoureuse et son amant ?


Peut-être est-il là

jusqu'à l'oubli

et l'impuissance des mots ?







La vieille femme à la fenêtre

Ce matin, tu marches dans la rue
 un peu enivré par l'air frais. 
Soudain, une caresse, une douceur, une présence ! 

Tu lèves les yeux. 
Au deuxième étage d'une maison, 
une vieille femme a ouvert sa fenêtre en grand 
et se tient là debout et te sourie.

 Tu lui rends son sourire 
et tu poursuis ton chemin.
 Tu gardes longtemps en mémoire
 cette silhouette fragile, ce sourire paisible,
 ce visage usé, presque effacé 
mais sur lequel on ne lisait aucune tristesse. 

Ce matin, elle avait ouvert la fenêtre
 pour respirer, heureuse de vivre.
 Oui, c'est ce que tu lisais dans son sourire !
 Aucune peur à l'approche de la mort !.
 On lisait en elle ce goût de vivre, 
malgré le poids des années,
 ce goût inextinguible ! 

Et derrière ses lunettes,
 son regard semblait dire : 
"Je suis déjà un peu au-delà,
 j'approche de la Grande Vie ! 
J'ai traversé bien des épreuves, 
mais je suis vivante
 et personne ne peut plus m'arracher 
à cette présence en moi, 
personne ne peut éteindre 
ce chant qui coule en moi 
et me soutient !






mercredi 28 mai 2025


Bien semblable

Là où tu te retires,
ce peu de silence,
l'arbre dans la brise,
la trace blanche d'un avion
qui semble vouloir échapper au ciel,
il n'y a rien, même plus un cri.

Ton cerveau bout. L'herbe jaunit. la cloche sonne.
Le rugissement des moteurs
sont des vagues lointaines.

Tes pensées ne sont même pas jolies.
Juste des oiseaux déplumés
dans un volière trop étroite.

Tu es à une frontière en plein désert,
à une ligne de faille,
au bord du sommeil
quand le corps devient de l'argile.

Ton retour est inéluctable.
Ta place est prête parmi les étoiles
qui n'ont besoin d'aucun regard pour briller.

Il en faut des rochers pour un peu de poussière
qui s'envole avec le vent.

Tu endosses la colline, passe la main
dans les feuillages pour trouver de l'espace.

Tu ne crois plus à tes chaînes, tu ne les secoues plus.

Tu n'en parles plus,
car la parole leur donne du poids
auquel on tient même si on le nie.

Tu as des larmes au goût de pain,
au goût de terre brune.

Tu es à toi-même ton refuge
dans l'alcôve d'une humanité
toujours prête de se perdre.

Tu es bien semblable à ton semblable.
Pas besoin de chapeau orange et de turlututu!

Tu deviens l'homme des demi-mots
qui devine un secret
sous l'écorce du langage.

Dans la ville en ruines de tes rêves,
le réel seul brille
comme les feuilles du bouleau
battent des ailes dans le soleil du soir.
Il n' y a rien à craindre.
Tout peut s'apaiser.
Ce n'est plus le dormeur qui respire.

Autre chose, peut-être ?












mardi 27 mai 2025

 



Statue

A quoi penses-tu, statue ?
As-tu encore toute ta tête ?
Ce que tu regardes est plus que le ciel.
Ce que tu désires ne peut se nommer,
puisque tout est enfermé dans la pierre !

A quoi penses-tu, statue ?
Statuera-t-on sur ton sort ?

De toute manière,
Un jour ou l'autre, tu seras brisée !

Aucun baiser ne se posera sur tes lèvres
sinon ceux du givre et de la neige !

Et pourtant peut-être
une main sur ta joue rèche
t' aurait redonné la vie,
une vie douce et puissante
toute contenue dans tes larmes
qui ne viendront jamais !

A quoi penses-tu statue ?

Peut-être à celui qui écrit
perdu dans un rêve
dont il ne reviendra pas,
dans ce trou béant
qu'a laissé une étoile
à la lumière éteinte !









lundi 26 mai 2025

 



Pour l'écroulement du monde

On a des mots pour écarter l'hiver qui vient.

L'écho du chant de deux femmes
l'accompagne.
Les arbres doivent retrouver
leurs feuillages frémissants
d'oiseaux et de vent.

On a des mots pour le ciel
qui se chargent de lanières
et de feu sans lumière.

On a des mots cailloux blancs
dans une forêt de rues
qui ont perdu leurs noms.
On y croise des visages
qui ont prêté serment
à leurs chaussures.
Le regard qui ouvre
la porte du sourire
s'écoule au caniveau.

On a des mots émiettés
qui nourrissent les nuages,
ceux qui ont la blancheur
des neiges éternelles
et qui gardent l'or du levant.
On les jette sur le papier
sans espoir de les revoir.

On espère rester vivant
en criant son vocabulaire.
La nuit monte par la fenêtre,
soulève le bureau de chêne
qui n'a plus rien pour s'accrocher.

On a des mots qui fuient
pour une plaie mal fermée.
Impossible de faire bonne figure.
Les miradors sont de retour.
On donnera à manger des poèmes
aux chiens loups qui font la ronde
au pied des murs en barbelés.

On a des mots qui pleurent
avec les enfants de hall de gare
qui regardent passer
des voitures noires
aux vitres fumées.

On a des mots doux
comme le chant de deux femmes
qui apaisent le cauchemar
sans fin de la violence.

On a des mots qui brûlent aussi,
des mots acides
pour la peau froide des lézards
qui profitent de la chaleur
et s'enfuient au moindre danger.

On a de mots de guerre
car il faut parfois l'épée
pour trancher à vif
les têtes de l'hydre
qui aime le secret.

On a des mots qui éclatent à peine nés,
des mots bulles, pour rien,
qu'on ne doit pas toucher,
des mots à foison
dont on peut faire moisson,
des mots à pleines brassées
qui débordent et se donnent,
des mots d'embrassades
et de cavalcades,
des mots sans queue ni tête.

On arrache les pages du dictionnaire.
On ouvre sa chemise pour qu'on y voie
ce poitrail de mots prêt à se déverser.

Mais on n'a pas de mots rentables.

Tout cela n'est rien,
à peine de la salive
et de l'encre mélangés.

Ce sont des mots offerts,
des mots plumes
sur la branche pourrie d'un monde
qui finira par s'écrouler.








dimanche 25 mai 2025

 



Pourquoi se séparer

L'arbre se révèle
aussi ardent qu'il peut l'être
au regard des abîmes.

Chaque cellule de son bois
ou de ses feuilles
est en accord avec la caresse d'or
du jour qui bascule.

Pourquoi maintenant
se séparer de l'arbre
qui accueille aussi bien
le soleil que la grêle ?










vendredi 23 mai 2025

 



L'aube humaine

Les aubes ne sont pas le fait du seul soleil.
On émerge aussi du lit,
s'arrache des draps,
pose les pieds à terre bien à plat.

C'est l'aube humaine
dans une rosée de rêves.

Un coup d’œil par la fenêtre.
Attention au coup de soleil levant.
Lorsqu'il est absent,
il y a la plainte
de la corneille
qui annonce la pluie.

Un bol de thé ou de café.
C'est une autre lumière
qui descend aux entrailles.

Rien n'est jamais pareil
puisque on le pense.

Ouvrir la porte comme on ouvre l'horizon.
Reprendre le même chemin depuis des années,
c'est explorer un continent.

Une fleur de pissenlit à son aube à elle au bord du trottoir :
on y jette un regard.

Le parc de Montbois désormais grillagé
est parsemé de clartés matinales.
Le cèdre devenu intouchable tend
ses bras d'écorce noire vers le ciel.
Le ginkgo agite mille petits soleils.
Et sur le mur, on croise un chat noir qui minaude
attendant une main de lumière.

Les aubes sont-elles perpétuelles ?

on hume l'air comme on hume
un bon vin trop longtemps resté en bouteille.

On vit, on respire à l'autre bout
d'un crépuscule qui ne concerne
que la poussière.

Il y a des bonjours qui résonnent
comme une sonnerie aux morts.
D'autres qui sont bons
comme du pain qui croustille.

Bonne aube, mon ami,
qu'elle ne finisse jamais !

On croit bien n'avoir jamais admiré
la couleur de tes yeux,la grâce de ta main
qui gratte le papier.

L'aube est un visage qui sort
de la suie des jours endormis.

Et quand le soir vient,
qu'il enflamme les érables
sur la colline encore verte,
On le confond avec le matin ébloui.

La nuit peut venir.
Elle n'est rien qu'une paupière
qui se ferme sur une aube assoupie
dans un grand manteaux d'ombres !







jeudi 22 mai 2025

 



Uniquement pour rien

Si rien ne fait signe,
perdu entre chien et loup,
si rien n'advient dans ta vie
si insignifiante à l'échelle du cosmos,

s'il te reste un coeur sur la main,
un souffle au matin,
pour accueillir ce qui ne prend rien :
l'aube rouge qui tremble
au bord des nuages,

si ce mur demeure et ne frémit
jamais sous tes caresses,
si ta crinière n'a plus rien
de celle d'un fauve,

et si ton cri tombe en poussière
sans avoir rencontré l'autre cri
par delà la frontière,

ce n'est pas grave,

offre un mot
l'un après l'autre,
comme des pas dans la neige,
uniquement pour rien !







mercredi 21 mai 2025

 



La dormeuse

Le sommeil vient avec cette légèreté de la graine
qui monte au moindre souffle.

Soudain, il n'y a plus conscience.

Les colombes disparaissent, les feuillages sont seuls.
Sans un regard, ils ne sont même pas un rêve.

La dormeuse respire sans le savoir.
Elle s'est glissé dans un lit
comme une main dans son gant.

La mort n'a jamais été aussi proche
et pourtant reste à distance
comme un ange au plafond
regarde un corps sans défense.

La dormeuse se réveille toujours
quand il est temps.
Elle rassemble son esprit
à travers les odeurs du pain,
le drap rêche, le petit miroir
qui reflète un bout du toit.

La dormeuse sent que ses ailes
repoussent pendant la nuit.
Elle s'envole un instant
lorsqu'elle ouvre ses persiennes.

Puis, comme les autres,
elle les cache sous sa veste grise.
Le trottoir vers l'école n'est pas un aérodrome.

Dormeuse, le sommeil est comme l'oubli.
Y-a-t-il encore la frénésie du jour
quand on ferme les yeux ?

Non, il n'y a plus rien.
Le marchand de sable ramasse le passé
réduit en poudre.

Le sommeil vient et défait les liens.
La veste tombe comme un épouvantail
qui ne sert plus à rien.

Ici, le seul rôle est
d'être.

C'est pourquoi le visage de la dormeuse
a une beauté qui se dérobe au temps.

Ce n'est pas un masque qui apparaît.
C'est une splendeur que l'on retrouve
sur un pétale de fleur,
une aile de papillon.

C'est un signe nu comme une onde
que rien ne brouille.

L'amour du sommeil s'apprend-il encore ?
La dormeuse n'a rien appris.
Elle a seulement vécu la douceur
de ceux que rien ne déchire.

Dormir, dormir, dormir comme elle.


"La dormeuse", tableau Nicole Dureux


lundi 19 mai 2025

 


Tous ces jours

Ce qui advient en ce pays d'absence,
ce qui n'est ni grain, ni semence,
est là pourtant.

Avec cette lumière ardente,
le volet est baissé.
Fenêtre aveugle.
Pas d'échappatoire.

La voix est comme une étoile.
Elle vient de loin, très loin.


Elle prend avec elle
l'angoisse du nourrisson
quand le jour décline.

Elle est aussi le râle du mourant.

Pourquoi, pourquoi,
et s'il y a de l'infini,
où cela finit-il ?

Elle offre un visage
comme une flamme
sur un fleuve noir.

Elle ne ment pas, n'emberlificote pas.

Elle ose à peine reconnaître
qu'elle est une voix qui cherche ses mots,
une voix adossée à un mur.

Tous ces jours pour enfin reconnaître
qu'il n'y a rien ici que l'on veuille vraiment,

toute cette lumière falote.

la voix supplie à la porte ouverte.
la porte ne s'ouvre pas plus grande.

la voix a aussi des yeux.
Elle regarde de loin.
Elle est à sa naissance et aussi à sa mort.

Elle ne trompe plus personne.

Toutes ces années comme une lézarde
qui s'agrandit et nul ne sait
ce qui va apparaître.

Toutes ces nuits de dialogue avec le silence
pour se préserver de la simplicité d'un pas

et qui l'a fait ?

La voix n'est plus qu'une aile de papillon.
Elle est toute dans son mouvement,
dans son passage de fleurs en nuages.

La voix vient de loin, très loin,
plus loin que la fenêtre privée de ciel.

Elle rassemble ses petits
et ce sont des mots

qui ne forme pas une armée,

juste un peu de poussière d'or
que le vent disperse dans un grand soupir !


Quelques lueurs sur le chemin, hier et aujourd'hui










dimanche 18 mai 2025





Un arbre, un nuage

Voici peut-être
ce que tu as vu
la première fois
en ouvrant les yeux
quand tu as quitté
la maternité !

Un arbre, un nuage !

Et cela prenait
toute la place.
Il n'y avait rien d'autre
qu'un arbre
et un nuage
mais tu frissonnais
comme l'arbre
et tu étais aussi
immense que le nuage
Vous n'étiez pas séparés !
Vous étiez tous les trois
dans la splendeur !

Tu continues
à ouvrir les yeux
même si cela fait
longtemps que tu es né !

Tu veux retrouver
ce premier nuage
qui te saisissait
tout entier !
Tu veux retrouver
la caresse de l'arbre
qui te comprenait
mieux qu'une mère
ne le faisait !

Et tu ne sais pas
toujours comment faire
pour les retrouver !

Mais aujourd'hui
Ayant parcouru
allées et contre-allées
de la vie,
ayant bu poisons
et contre-poisons,
ayant aimé,
ayant haï
surtout ce que tu étais,
dans ta prison
ou à l'air libre,
à Noël ou
tous les jours,
avec ton masque
ou dans ta nudité,
tu veux continuer
à ouvrir les yeux
à laisser vivre
ce nuage natal
et cet arbre béni,
pour qu'ils prennent leur place
et que tu retrouves la tienne,

infinie liberté !








samedi 17 mai 2025

 



Ton sourire

Que dit un sourire lorsqu'il est sans défense ?
Il s'avance. C'est un vol d'oiseau,
 une fenêtre qui s'ouvre dans la pénombre,
 un espace par delà la noirceur,
et la rage qui n'a pas trouvé de chemin.

Sourire, tout lâche.

Tu peux sourire avec tes larmes
tu peux sourire avec ton rire.
le cœur ne s'effondre jamais
et un sourire forcé est démasqué
pris à son propre piège
dans un visage de cire.

C'est comme cela.
Laisse être ce qui doit être.
Tu as été sans défense, tremblant
à la moindre chiquenaude.
Tu t'es même noyé
pour surgir au grand jour
tout rouge et fripé.

Alors dis-toi bien
que ta maison est en carton.
Ton coffre-fort en gruyère.
Tes alarmes hérissent tes nerfs.
Tes assurances sentent le beurre rance.
Tu seras escroqué
pillé, vandalisé, brisé, abusé
et à la fin croqué
comme les autres.

Sans pluie pas de germination.
Sans sourire, la gangue se resserre.
Ton corset de haine t'oppresse.

Un sourire va plus loin, beaucoup plus loin !
Tu te souris et le monde te sourit
inexplicablement.
Tu vois les mailles se défaire
Ta peau en attrape des lueurs.
Tes yeux esquissent une lumière.
Tes mains dessinent ton retour.
Tu souris et tu t'en fous des raisons.
Il n'y a pas de raison de sourire
ni d'ordre possible !

Ton cœur est une porte battante
et tu danses avec qui veut !

le sourire de Grand-mère Mathilde