lundi 9 septembre 2019



Notes de Belgique

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Visages sages, âgés, tristes, déboussolés, prisonniers, visages exténués, sombres ou lumineux,
visages laminés, visages d'errances, visages qui profitent, semblent profiter, visages qui se tuent, qui se taisent, visages gris, visages de craie, visages à crayonner, tant de visages qu'efface le temps,
visages qui défilent dans la ville, mangeuse d'hommes, mangeuse d'âmes, je suis comme vous un visage de passage

                                                    -2-

Beaux quartiers, costumes cravates. Fille aux chaussures dorées.
Quartiers d'affaires. Des hommes fument au pied d'immeubles,
forteresses sans fleurs. La cafetière ne parle pas français et sert
des cafés que l'on boit en une gorgée. Pour le prix, je le bois jusqu'à la dernière goutte. Dans les musées, les gardiens ne gardent plus rien. Ils re-gardent leur portable. Dans les tramways, idem, sauf une japonaise au sourire de joconde et un homme au crâne rasé, moine zen étrange qui cherche mon regard. Les frites sont joufflues, les chocolatiers belges millionnaires.

                                                 -3-

Encore des visages qui défilent. Derrière la gare, en attendant le bus, rue triste comme la mort. Est-ce le regard des hommes qui la rend triste. Des femmes se prostituent dans des vitrines. Papiers sales, friteries. Deux migrants glissent comme des ombres entre les voitures. Les visages défilent. Les nuages aussi. Seuls les immeubles sont immobiles. Des constructions d'hommes qui vieilliront, rouilleront, s'écrouleront, disparaîtront. Comme les rues de Bruxelles, les ponts et les canaux de Bruges.

                                                 -4-
Visages peints par Hans Memling. Il y a un sourire imperceptible si discret qu'on ne l'aperçoit pas, une sorte d'aura incompréhensible. C'est de l'intérieur que la lumière vient, et cela est rendu avec une telle douceur, une telle précision. Tout est éclairé par cette même lumière, cette même netteté, si bien que les paysages, ou un tapis, ou un drapé, un détail sont parfaitement à la place où ils doivent être. Visages de Memling, comme des visages d'ailleurs. Le monde comme rendu à ce qu'il aurait dû être.

                                                -5-
Eglise Saint Jacob de Bruges, musique de Mozart. Et près de la basilique du Saint-Sang, deux musiciens, un violoniste et un accordéoniste jouent l'aria de la suite n° 3 de Bach. Disparition instantanée du temps. Quelques passants figés instantanément. Dans l'enceinte du Béguinage, les arbres penchés, semblent avoir bénéficié d'une force étrange. La lumière aussi est étrange.
Dans une maison de béguine, un petit cloître blanc, un puits. L'eau, ton eau, mon eau à chercher profondément. Devise d'un patricien de Bruges, Louis van Gruuthuse, "Plus est en vous".











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