samedi 30 janvier 2016

Le Hêtre pourpre 
2010
Partie 3



 Tout un monde

Un fluide passe
dans le vide.
Un doigt met en branle
tout un monde.
Les étoiles scintillent,
s'appellent l'une l'autre :
«Parlez-vous, parlez-vous»
disent-elles
de leurs contrées lointaines.

Alors naît une voix,
puis une autre :
«Je suis, je suis !»
chantent-elles !

Des eaux sombres
remontent les baleines
avec sur leur dos
des fontaines d'or !


C'est là

Une fine poussière
de neige
que soulève le vent
ferme l'entrée
d'une grotte blanche
que deux sapins
amoureux
ont formé,
lieu pur
qu'aucun pas
n'a foulé,
c'est là !!

Signature

Le soir vient
comme une bougie
qui faiblit.

Et un oiseau surgit
dans le ciel pourpré.

Il signe pour celui
qui ne sait plus écrire
une page d'azur.

Qui pourra lire
dans ce vide immense
les mots imprononçables ?


Le corps limpide

Sous l'écorce noire
demeure
un reflet d'or.

Les montagnes
se penchent.
La chevelure blanche
des torrents
entoure un corps
limpide.

Sous les mélèzes
le vert est une lumière,

les yeux fermés
y voient douceur
de la terre !


Chercher encore

Ce que l'on cherche
on le trouve.
Passager,
le regard
est tourné
vers l'océan.

Il est des contrées amères
si l'on y revient.

On trouve,
mais on n'en sait rien.
Ici s'arrête le mot,
la main doit trembler.

Et on cherche encore,
ayant trouvé.

Le vide reste vide
jusqu'à la fin.



Dimanche matin

Grésil sur les feuilles mortes,
on dirait qu'elles se réveillent.

Pourtant tout dort encore
sauf le pic-vert et son tic-tac.

L'ombre d'une buse
glisse avec son cri.

Au fond du vallon
des branches craquent,

et en marchant
l'on rêve que
l'on marche !


                    La fenêtre

Tout ce qui a été dit
a été dit
au lever de l'enfant
dans une chambre claire.
Les mots prononcés
connaissaient
le secret des roses.
Il n'y avait qu'une route
qui se perdait,
fraîche d'un rêve
où l'on respire.
C'est dans les entrailles
qu'a été cherchée
la plus belle fenêtre
afin qu'on puisse s'accouder
et de là, amoureux
des nuages, chanter !


Pas de distance

Entre parole et silence,
un chant peut-être,
une voix chaude
ne dirait rien.

Alors le corps serait
de premier jour,
corps qui sort
de son lit d'herbes,
frais de belle étoile !

Et le regard garderait
la nouveauté de l'aube.
Il n'y aurait pas d'encre
sur les arbres,
pas de distance
entre l’œil et la fleur !

Ce serait un fleuve
qui prendrait la place
du cercle des pensées,
un mouvement ample
qui unirait le nuage
au vide du ciel,
le champ d'avoine
à la main du vent.

Au loin, on entendrait
tomber en mer la nuit morte.


Maison

Il désire vivre
là où le mot
n'a plus cours,

demeure singulière
où l'on reste
des heures à la fenêtre
à regarder un arbre
être dans sa force,

et où chacun
quand il y pénètre
trouve sa couleur,

et où l'amour,
l'amie et la sœur
ont même
battement de cœur !


Préparatifs

Palombes et geais,
brindilles au bec,
traversent la nappe du ciel.

Les arbres convives
qui chantent avec le vent
mettent le couvert des bourgeons.

Les primevères et muscaris
récitent leurs couleurs
aux quatre coins
de la table des jardins.

L'invité du soleil viendra,
même si au fonds des maisons,
on crie encore, on assassine !


Du pain

Prends la phrase
sans levain
pauvre et qui n'a rien.

Elle n'a de pouvoir
que celui du merle
en fin d'après-midi.

C'est la phrase
du chemin perdu
où les aubépines
ne sont là
pour personne.

Prends le mot
qui est un corps
à lui tout seul
qui se délivre
de sa douleur,

Et vis !


En forêt

De lui-même,
il est l'anémone
au pied des grands hêtres
qui se chargent de soleil,

il est la fourmi
qui monte aux branches
chercher le sucre des bourgeons.

Il est la grume moussue
au bord du fossé
qui espère les pas d'un enfant.

De lui-même,
il ne dira plus rien.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire