jeudi 26 juin 2025

 


                                      

Une herbe en forêt
touchée par
 un rayon de soleil.

Une herbe inconnue 
qui passera
avec la chaleur de l'été

Une herbe,
tu passeras
toi aussi.

tu as été là,
à pas lents
attaché à rien,
détaché de tout

tourné maintenant
vers ce fond en toi
un même soupir
une même vision.




mercredi 25 juin 2025

 

Dans l'obscurité de la sapinière
cette lumière à l'orée
jamais ne décline.

Même la nuit
la clarté de la lune suffit.
ou celle des étoiles,
des lueurs de la ville.

Horizon désiré
où rien n'oppresserait.

Les sapins des pensées
ne forment pas
une barrière infranchissable

Laisser les sapins
à leur place

Laisser agir 
la lumière

Accepter
l'obscure clarté

Avoir la vigilance
d'une biche
qui reconnait
le pas lourd
de la mort en chasse


mardi 24 juin 2025

 

Papillon blanc
sur fleurs blanches,

Il disparaît.

Un instant si léger.

Emerveillé
Disparaître aussi.

Plus de pensées,
Les ailes fines
du papillon,
des pétales blancs.

Les fleurs bougent
sous le vent.

Le papillon 
s'est envolé.








lundi 23 juin 2025

 

Toujours jeune
la lumière du matin.
Que manque-t-il ?

Présence, absence,
un même couple.
Se tenir droit
tout simplement.

Et tenir.

Qu'y-a-t-il
encore à déposer
à laisser aller ?

Deux pies
qui jacassent
ont fait fuir 
les mésanges.

Ne pas fuir.
Tout remettre,
tout abandonner.

Le croissant de lune
disparait peu à peu.
Peines et souffrances
s'effacent aussi

Embrasser
 la lumière
du matin











dimanche 22 juin 2025

 



Ce penseur-squelette
simple rappel
de la réalité ?

Où va l'homme ?
Pense-t-il encore,
aveuglé d'illusions ?

Tout y est.
Un trou en 
pleine poitrine,
d'où une source
s'écoule en vain.

Croissent  les armes
avec les larmes
alors que devrait croître
le poème de vivre
et l'étonnement des enfants
plus ou moins grands.

Jour après jour
déposer une graine
qui fleurira
sur la terre humaine

et oublier celles
qui apportent la mort



samedi 21 juin 2025


Tu rejoindras ce lieu
tout apaisé,
ni à l'intérieur,
ni à l'extérieur,
ni entre les deux.

Paix qui descend,
paix qui monte,
personne ne sait
mais c'est
le bien le plus précieux

L'arbre peut être toi,
sa gloire aussi.
La prairie est tienne.
Elle est ton âme
que rien n'agite

Tellement de luttes,
tellement de cris
à s'en arracher le cœur.
Grâce d'accueillir
une greffe
que personne
ne se donne.






 

vendredi 20 juin 2025

 



Si brève la vie d'une fleur
Si brève aussi la vie.

Un goût de mort
si souvent
sur les lèvres
et dans les œuvres
de l'homme.

Jamais une fleur
ne sera triste.
Elle meurt
sans regret,
pétales au vent,
parce qu' elle est
vie intégrale.

Et toi tu as encore
de la mort-poison
en toi-même
et cela pèse.

Souliers de plomb.

Mais si tu chantes
et cries suffisamment fort
une porte s'ouvre.

La mort a fait le vide
pour laisser place au vent.
Oh, vie légère où tu es emporté
sans plus rien savoir

Reste habité
par ce chant
qui emplit
ta maison






jeudi 19 juin 2025

 



Avancer dans la futaie
comme dans un temple
à pas doux, à pas légers.
Ecouter le sage murmure
des feuillages sous la brise
comme on écoute un bhajan
chanté avec le cœur
les yeux fermés
 entre deux colonnes

Et puis pleurer
peut-être de s'être
si peu aimé
alors que là-haut
bergeronnette, sitelle
et mésanges louent
avec gratitude
le bonheur d'exister.

Accueillir la consolation
des arbres et de ceux
que l'on aime
si proche, si loin
guerriers de la paix
qui attendent le soleil se lever.






mercredi 18 juin 2025

 


La lumière est révélation.
Et pourtant la lumière aveugle.

Elle coule, elle se déverse.
Des formes se révèlent
jusqu'à la moindre finesse
la plus petite étamine.

Et pourtant l'éblouissement
ramène à la nuit.

Clarté en soi
n'est plus visible.

Ombres et poids 
sur le cœur.

Tout est vain.
La nuit envahit

Elle triomphe
parade.
Grimaces nocturnes.

Où la lumière
maintenant?

Rester droit, immobile
dans la clarté obscure.
Tenir cette attitude
jusqu'au bout






mardi 17 juin 2025

 

Qui es-tu ?

Qui es-tu dans ce printemps qui partout exhale ses senteurs dont celle si douce du seringua ? Les arbres de la colline accrochent à nouveau la lumière par la tendresse verte de leurs jeunes feuilles. La blancheur des cerisiers repousse au loin le poitrail noir des merles !

Et toi, qui es-tu avec ta respiration incertaine, ton corps qui prend racine sur ta chaise d'osier, ton regard qui sonde au loin le paysage immobile ? Qui es-tu quand les mots deviennent des bulles et éclatent sans laisser de traces pendant que le livre se referme et retourne dormir près de ses frères ? Qui es-tu ?

N'y aurait-il donc plus qu'à recevoir puisque tu ne peux répondre, entouré de toutes parts par la densité d'un silence qui accroît le mystère. Qui es-tu, toi qui pose cette question au chat qui, sur la terrasse se prélasse au soleil ? Et pourquoi cette question qui te hante et à laquelle répondent ceux qui pensent se connaître ?

Qui es-tu ? Tu n'as plus qu'à fermer les yeux, à ne pas tricher, à laisser résonner ces trois mots, à te laisser étreindre par eux, comme s'ils pouvaient t'aider à rejoindre une respiration, qui ne serait pas la tienne. N'y a-t-il pas quelque chose en toi qui vacille ?

Quelle est cette noblesse que tu ne soupçonnais pas ? Qui es-tu quand tout en toi s'est tu ? Es-tu devenu simple capacité à recevoir l'inconnu qui te donne d'être en vérité ce que tu es ? As-tu renoncé à toutes les images de toi-même qui s'accrochent à ta mémoire ?

Va, vis, quitte cette terre trop familière de miroirs qui ne reflètent qu'un visage prêt à tomber en poussière ! Tu n'es pas cela ! Passe par la gloire de l'arbre qui est devenu fontaine de fleurs ! Passe par la royauté du nuage sans passeport ! Passe par la grâce du myosotis dont les pétales turquoise valent les plus belles paroles !

Va, lève-toi ! Embrasse la terre de ton jardin, égrène-la entre tes mains, comme si elle était ton seul trésor ! Passe par le cri de la buse qui attend un souffle pour déployer ses ailes semblables aux tiennes, et cette question "Qui es-tu ? " saura ouvrir ton ciel !






lundi 16 juin 2025

 



Le frisson vert

Dans ce silence, je n'ai plus de mots. A peine suis-je un oiseau qui lisse ses ailes et contemple le déclin du soleil ! Qu'est-ce qui s'ouvre, qu'est-ce qui apparaît ? Oh ! Lueur qui ne se comprend pas, qui empoigne les profondeurs de l'être, là où plus rien ne le protège, entièrement démuni, entièrement vulnérable, là où l'on voit l'enfance véritable, celle qui est sans plis et sans détours, qui ne dissimule plus rien, celle qui frémit le couteau sous la gorge, celle qui demeure muette devant les boursouflures du savoir ! C'est de vie qu'il s'agit, là où deux mains espèrent se rejoindre, là ou deux êtres comprennent que seule la douceur engendre et qu'elle relie chacun à son visage véritable ! Monde défiguré par la violence et le bruit, terre étourdie, qui oeuvre pour la mort dans le refus du don et du partage, suivrez-vous encore longtemps l'araignée qui tisse sa toile d'illusions ! Blanche primevères qui ne retiennent rien, naissent et disparaissent sans autre raison que leur splendeur, témoignez de l'unité paisible qui vient quand la faille atroce s'expose enfin à ce qui peut la guérir ! Un frisson vert parcourt les arbres de la colline, les jardins frémissent aux avances du printemps, les bourdons sortent de leur cachette. Les aubépines terminent l'hiver trop doux sous une neige délicate de pétales ! Toute la nature appelle à une amitié secrète, à une connivence de chaque instant, la seule qui vaille, la même que celle qui parfois permet de reconnaître un humain délivré de lui-même, libre, entièrement libre !






mercredi 11 juin 2025

 

Le blog reprendra lundi 16 juin

Merci de votre fidélité





 


Venir au monde


Rendre compte, être avec soi comme un arbre qui tremble sous la brise du soir, tu es attentif à ce qui se tait derrière les mots. Autre présence, autre langage !

Qu'est-ce qui te permet d'être debout ? Les roses croisées sur ton chemin de tous les jours ? Et si tout était de l'ordre du miracle . Plus grandit ta fragilité, plus il te semble disparaître, plus le monde s'offre comme une caresse ! Il y a les feuilles du noisetier qui se déplient comme un éventail, l'ombellifère qui se repose en elle-même dans l'équilibre de sa forme ! Il y a le réveil sur ton bureau qui n'est plus là pour marquer le temps mais pour introduire à la profondeur !

Tu plonges ! De quoi aurais-tu encore peur ? Tu croises des visages si beaux. On dirait des océans. Une telle douceur dans les regards comme l'avoine qui ondule dans les champs !

Ondulation des cheveux noir et argent de ta grand-mère qui est venue te voir, comme cela, un matin, par l'étrange chemin de ta mémoire, douceur d'une femme qui comprenait sans dire mot, cœur cloué par une souffrance qu'elle taisait pour préserver l'amour ! Mon petit, mon petit ! murmurait-elle et on ne sentait ni reproche, ni colère, seule l'infinie douceur qui venait de plus loin qu'elle !

Ce soir, le hêtre pourpre a retrouvé sa flamme. Il domine fièrement la colline et tu le regardes d'une manière neuve, ou plutôt, il vient à toi sans s'imposer. Il est encore là pour longtemps! Mais si personne ne le contemple, existera-t-il vraiment ?

Les oiseaux s'agitent un peu plus avec l'arrivée du soir, comme les humains qui font une dernière course avant de rentrer. Toi, tu écris, tu sens la fumée qui monte d'un jardin voisin. On y brûle des branches mortes avant la pluie. Est-ce ainsi la paix ? Le soir, avec ses odeurs, ses arbres qui n'écriront jamais ?

Venir au monde, tu le sais bien, personne ne le demande. Et pourtant tu aimerais qu'il advienne quelque chose ! Tu attends sans attendre, comme s'il fallait ouvrir les yeux encore plus grands !

La fumée s'éloigne, les fleurs du marronnier, chandelles roses et blanches, s'allument dans la nuit qui vient !







mardi 10 juin 2025


Reviens, reviens !

Fleuve dont nul ne sait rien, toute image emportée, gravité des feuillages qui invitent à respirer, tu te tiens là ! La folie ne viendra pas. Parole, or qui s'envole, ne va pas trop loin ! Es-tu là ? Tu appelles et c'est seulement un regard, un voile à écarter, liberté de l'eau, enfant emporté par les reflets ! Tu le sais, tu le pressens, affleurement du dénuement. Rien, l'ombre du corbeau reste en ta mémoire, pendant qu'il continue son vol, toute douleur ignorée !

Parle au jour ! la nuit est aux aguets ! On ne lit pas la cruauté dans les yeux verts du chat. Un homme prépare son rêve tout en roulant sa cigarette. Personne ne saura ce qu'il a sur le cœur !

Personne ne saura tes mots de sable ! Personne ne t'accompagnera dans le passage solitaire de la buse qui tremble à couvert ! Des étoiles blanches brûlent encore sous les ronces !

Qui te rendra ton trésor ? Quel arbre se déracinera pour que ton corps devienne vert de printemps ? "Reviens, reviens !" dit un nuage en pleurant. Tu es aveugle à son cri. Des murs viennent à ta rencontre, alors que tu cherches l'espace entre les grillages des jardins perdus.

Tu portes une pierre à la place d'un enfant. Peut-on enfanter la neige et la glace ? Quand il sera temps, laisseras-tu passer un papillon diaphane ? Verra-t-on ton visage qui revient de plus loin encore ? La paix aura-t-elle la fraîcheur des lèvres véritables ?








lundi 9 juin 2025


La parole sur le papier

Cette trace que tu laisses comme les cernes dans l'eau du caillou que l'on jette, cette trace incertaine, cette écume, ce coquelicot d'encre qu'un souffle emporte, cette trace sans traces d'un oiseau en plein ciel, pourquoi la continuer ? Sera-t-elle ce que tu es ? Sera-t-elle le murmure qui te rassure, t'exhorte à exister ? Tu ne sais pas ! Elle cherche passage, afflux de vie nouvelle comme entre les feuilles pourries de l'automne, un bulbe de rhubarbe étonne par sa fraîcheur. Cette trace démunie, qui par l'écrit tente d'être un cri, cette trace à peine plus marquée qu'une empreinte de pas sur le sable mouillée, que désire-t-elle montrer ? Une étreinte où la mort ne pourrait pénétrer ? Un baiser qui aurait pouvoir d'effacer la nuit ? Oui, elle est tout ce que tu souhaites, retrouvaille de l'être, noblesse d'une lumière qui teinte certains visages, infiniment plus visages, toujours autres, toujours tournés vers l'ouvert ! Ta trace, ton langage, qui est toi-même, ne cherche en rien à être conforme. Ta parole sur le papier, comme l'eau ignorée qui suinte dans la prairie à la recherche d'un rivage où se perdre, est ton bien le plus précieux. Elle ne peut t'être arrachée. Elle est le roseau que ne peuvent briser les rouleaux de l'obscur. Elle est timidité du verbe qui est caresse pour que s'ouvrent d'autres chants, délicatesse qui se pose en silence sur la plus haute branche de l'attente, ta trace qui ressemble à la pluie mêlée de soleil qui jamais ne donne d'ordres ni ne pervertit ! Elle est à la jointure de ta vie, là où le temps s'abolit. Elle signe l'envol que personne n'attend sur le territoire des défaites. Elle est le feu follet qu'aucune promesse n'amadoue, flamme qui danse parmi les éteignoirs de la brutalité, panache qui disparaît pour laisser place à la splendeur de l'espace où tu respires le vrai !






dimanche 8 juin 2025


 Sur la terre nue


Sur la terre nue,
je regarde les arbres
qui dansent.
les feuilles chantent
sans reprendre souffle.
Les feuilles sont le relais du vent
prêt à briser les murs.
Les barbelés grincent
incapables de chanter.

Je sais des coagulations,
des trompe-l’œil
qui ne tromperont plus longtemps.
Je connais des veines
où coule le béton,
des bouteilles de bière
en forme de massue,
des crimes proprets
juste le temps de se frotter
les mains.
Mais la bénédiction
est pareil au vent.

Rien n'arrête le gémissement
des gens qui se relèvent des enfers.
Le verre d'eau que l'on boit
en sortant de prison
irradie les entrailles
de clarté sereine.

J'ai vu cela à l'aube
quand la lumière pousse un cri.
Rien à défendre sur la terre nue.
J'ai des poumons nuages
qui sortent de leur cage.
J'ai le chant des feuillages
qui traversent les âges,
va rejoindre la blessure
d'où s'écoule enfin l'oubli.

Rien à défendre.
Je n'ai pas de réputation
à tenir à bout de masque
en tremblant dans une maison de glace.
Kabir, le fou errant le chante :
"Celui qui croyait être au sec
sera emporté par les flots"

Sur la terre nue
j'ai assez du corbeau
qui croasse sa philosophie.

Tout m'inonde
sans que je le demande.
Le "cousin", ce grand moustique
qui fait peur aux enfants,
cette lueur sur une fenêtre
apparue sans que l'on sache comment,
l'eau de la fontaine
avec ses lunes d'argent,
sont des mondes à eux tout seuls.

Qui attaquerai-je puisqu'en chacun
il y a le souvenir ancien
de l'enfant à la recherche du sein .
Jusqu'où peut-on se leurrer soi-même
de se croire si important ?

Sur la terre nue,
le soleil me cloue
mais c'est de douceur !


samedi 7 juin 2025

 



Le fantôme paisible


Tu ne perdras pas le fil ! Que tout s'en aille, que tous s'enfuient, tu continueras vaille que vaille, et si un nuage t'étonne, peut-être ce sourire que tu attends encore viendra comme un cri de corbeau par surprise ! Ce sera le plus beau des sourires. Il emportera au loin toutes les paroles. Il fera pâlir toutes les grammaires, tous les traités de style. Il sera là et tu n'en reviendras pas, comme une caresse que tu n'as pas demandé. La porte que tu croyais si bien fermée s'ouvrira enfin, une attention, une présence, un peu de lumière soudain dans ce désert, tu n'en reviendra pas ! D'ailleurs il s'agira de ne pas en revenir, une avancée soudaine. Tu ne seras plus le même !
Le ciel est à nouveau gris. L'opéra de nuages est bien fini. L'après-midi se termine. Sur ton mur, le soleil dessine une porte. Tu passeras par là ! Tu n'auras pas peur d'aller lui dire :"Regarde, en moi vit une musique, une parole qui joue à la mésange qui s'enfuit ! C'est comme si je regardais s'en aller un navire sur l'océan, comme si je lâchais la main d'un enfant qui marche en équilibre sur une grume moussue !"
Tu es comme habité par un fantôme paisible qui ouvre ses main et son cœur pour rien. Puisque tu es là et que d'autres peuvent vivre à ton ombre, sans emprise et sans attente, qu'ils s'y reposent, qu'ils s'y apaisent ! La vie te parle ! La vie suinte de partout, comme ce mur si bien repeint (oh vanité de la perfection !), déjà tâché par une traînée verte d'humidité de la racine d'un arbre qu'on avait oublié, ou comme ce chardon qu'on arrache à la fin de l'hiver et qui finit toujours par repousser !
Peut-être alors que tout cela n'aura pas été vain ? Oui, tu iras lui dire et tu n'auras pas besoin de parler. Ce sera un simple croisement d'oiseaux. Personne ne se rendra compte, personne ne verra qu'un miracle est en train de s'accomplir ! Personne ne verra que cette étincelle a donné une vie entièrement nouvelle ! D'ailleurs ce sera le printemps avant l'heure. Tu y pensais ce matin en épluchant les légumes. Comme elle était belle cette chair orange de carotte ou de patate douce, comme elle allait donner un peu de vie aux hôtes du jour ! Et toi, tu n'étais rien, un simple instrument, un couteau bien aiguisé, qui œuvre dans cette conscience qui peut franchir les murs et déposer un baiser sur le front d'une enfant qui pleure et aimerait que les cris de ses parents s'arrêtent ! Et la paix revient et l'enfant regarde les branches de l'arbre qui dansent et ne pense plus à rien !



vendredi 6 juin 2025

 


Conscience de rien


Tu ne peux plus, tu n'y arrive pas ! Et pourtant, tu as encore la force de lever la tête. Presque à chaque instant le ciel est neuf. Tout s'y déroule sans frontières, et toi, tu aimerais dire, tu aimerais vivre. Pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi vois-tu cette attente chez tout le monde, et rien ne se réalise, comme s'il y avait un obstacle invisible, un mur impossible à franchir ! Tu vois bien qu'on ne peut se satisfaire d'un bonjour de façade, de la pluie qui se prolonge. Tu vois bien qu'on aimerait être plus au cœur de l'être, connaître tout ce qui anime un sourire, parfois une larme. Mais chacun reprends son rôle, même s'il y a une flamme derrière le regard, ou une émotion qu'on ne peut dissimuler tout à fait ! Rideau de pluie soudain, avec des rafales de vent qui se mêlent au soleil ! Tout s'éclaire. Tu es seul et tu aimerais entendre un rire ou une voix, mais tu entends seulement l'horloge qui mesure le temps, l'absence, le silence.
Dans cette conscience de rien, là où rien ne subsiste, là où rien ne se présente, tout n'est-il pas possible ? Qu'est-ce qui empêche un autre avenir de se dessiner ? Tu revois les centaines de corbeaux au crépuscule qui parcouraient le ciel en tout sens ! Aucun chemin, aucun projet ! Une sorte d'ivresse à se perdre dans l'espace, à ne pas choisir une direction, à se poser sur le houppier d'un arbre choisi au hasard, puis à repartir aussitôt, sans raison, pour rien , pour l'amour de rien !
Tu sais qu'il y a de la souffrance, des enfermements, des effondrements, parfois sans retour ! La marque n'est plus au fer rouge ! Elle est scientifique, imparable, issue d'un diagnostic ! Tu sais qu'il y a une volonté de se détruire et de tout détruire autour de soi ! Et puis il y a un calme, une paix qui n'est pas forcée, comme le bruit d'une goutte d'eau, ou une seule note d'un oiseau craintif ! Tu sais sans savoir, parce que cela ne s'apprend pas. C'est plutôt dans ce qui se défait, dans ce qui arrive au bout, quand il n'y a plus d'issue, quand les mots deviennent de trop, toutes les déclarations d'intention, surtout les belles phrases, les discours qui tentent de masquer la faille, comme celui qui parle de douceur, le corps raide comme un soldat de plomb ! Tu sais que la violence vient sans crier gare, la nuit brutale, le désir que tout se termine, et là... incompréhensible, sans rien avoir demandé, tu es ramené à une simple humanité, une fragilité d'accueil, toutes les fibres de ton être ! Il n'y a plus de mérite. Chaque seconde, tu perçois que se continue ce désir qui est au cœur de tout être, malgré les blessures..et tu es cette conscience. Tu n'as plus d'idées, tout vient à toi maintenant et tout est devenu simple. Tu aimerais que la terre s'ouvre et engloutisse ce flot de mots qui sont des poignards et font leur œuvre de mort ! "Qu'est-ce que la vérité ?" dit Pilate. Il la met à distance. Il ne vient pas à la vérité. Il pressent mais il cherche encore à tricher. Il ne veut pas voir cette vérité qui est devant lui. Il garde sa couronne, il ne veut pas être détrôné : Il a peur de cette nudité, de ce vide qui s'avance en un visage d'homme. Il ne veut pas que l'eau coule pour rien, il ne veut pas de la gratuité ...et toi, tu vois le ciel qui se recouvre. Il n'est déjà plus le même ! Tu n'est déjà plus le même ! Tout se recouvre de silence !





mercredi 4 juin 2025

 



Une parole d'un autre ordre


A qui écris-tu ? Où tes mots te conduisent-ils ? Tu te mets simplement en route pour donner plus de poids à quelques instants. Tu ne veux pas qu'ils retournent au néant. Splendeur ou stupeur, tu ne sais pas très bien, mais c'est le même surgissement, une trouée où, sans l'avoir désiré, tu accèdes à la vie telle qu'elle devrait être, comme illuminée de l'intérieur. Cette parole qui vient à toi ne t'appartient pas. Elle est d'un autre ordre. Elle est avec ces deux merles siffleurs que balance le vent, qui se méprennent sur l'arrivée du soleil. Elle est avec le regard d'un enfant dans le bus qui semble te demander :"Dans quel monde habites-tu ? Serai-je moi aussi obligé d'avoir un visage gris et des plis d'amertume au bord des lèvres ?". Tu es venu au monde sans l'avoir demandé. Cela fait déjà quelques années. Venir au monde ? Tu n'arrêtes pas d'y venir, d'y revenir pour mieux voir, compagnon des méandres du temps. Et cette parole vient aussi sans que tu le demandes. Elle te devance, elle chante en toi. Elle t'offre des ailes que tu ne peux te donner. Elle est plus vivante que tu ne le sera jamais. Il te revient en mémoire ces quelques vers d'un chant ancien : "Obstiné, par ta cruelle impatience, par ton insistance sans pitié, veux-tu vraiment, par le feu, forcer les boutons à s'ouvrir et les fleurs à fleurir pour remplir d'air leur parfum ?"
Tu ne peux que consentir, aller toujours plus loin dans ce consentement. Un soleil d'argent a trouvé une fenêtre pour illuminer ce moment qui te semblait noyé de grisaille. Coïncidence ? Tu goûtes cet instant, tu es proche de ce chant dont personne ne s'empare et qui a la même patience que les nuages qui ne finissent jamais de parcourir la terre. Le hêtre pourpre sur la colline te restera fidèle. Jamais il ne te trompera. Il n'a qu'une place et il la tient. Il connaît le silence où viennent se briser les mensonges des hommes ! Tu n'arrives pas à décrire ce qui se passe en toi. Tu restes à l'écoute, suit du regard les volutes de fumée blanche qui sortent des cheminées des immeubles. Il y a un courant plus profond, tu le pressens, une rivière qui s'accorde au rythme des saisons et coule en toi avec une douceur invincible ! Comme cette eau semble maintenant emporter au loin l'offrande de quelques pétales, signes de la main ouverte. Tu n'as rien pu retenir. Derrière tous ces mots, il y a une autre langue que tu acceptes de ne pas rejoindre. C'est elle qui est à l'exacte mesure de la merveille d'être. C'est elle qui te fait souffrir de ton opacité. Mais il n'y a pas d'amoindrissement. C'est comme une graine qui lève, une enfantement !