mercredi 3 juillet 2024

 


Un coin perdu


C'est un coin perdu où il n'y a rien,

à part quelques herbes sauvages

qui se dessèchent,

un coin où l'on se perd

pour la beauté des étoiles,

une trouée de silence

où même un oiseau n'ose s'aventurer.


On ne sait plus bien où il se trouve.

Peut-être même que l'on ne saurait y retourner.

C'est un coin qui parle sans rien dire.

Rester devant bouche bée.


Il est impénétrable.

D'ailleurs personne n'ose le fouler.

La ville gronde à ses côtés,

la ville océan qui voudrait

envahir cette île étrange

et n'y arrive jamais.


Sentir que là, en son centre

vibre un espace

où il ferait bon disparaître.

Si on avance

encore de quelques pas,

tout s'effacera, et il n'y aura plus rien.


Si l'on est retrouvé,

On aura perdu la parole.

Ne resteront que le souffle et le regard



pour traverser des murailles de mots

qui pensent savoir

et ne savent rien.


Alors atendre là

qu'un être vivant s'avance,

oiseau ou papillon,

cela n'a pas d'importance,

et invite à rentrer

en cette clairière sans porte.


Si personne ne vient,

garder sa distance,

offrir à ceux que l'on rencontre

quelques gouttes de silence

de ce coin perdu où il n'y a rien,

à part quelques herbes blanches

que la neige pliera.











 



Le grand espace


Le grand espace est comme l'éclair.

Le cèdre du Liban en est tout décoiffé.

Volet qui s'ouvre, poussière révélée,

Respirer au bord de l'ordinaire

des brins de soleil.


Le hêtre pourpre est une éruption

au sommet de la colline qui se déplie.

On entendrait presque

le gémissement des feuilles.

On se déplie et l'on s'étire

histoire de perdre

quelques rides stériles.


Big-bang d'un enfant qui vient de naître.

Les yeux à peine ouverts,

il explore la forêt vierge de son monde.

Avancer aussi,

immobile,

en territoire inconnu.


Ne pas enlever les yeux de sa naissance.

Inventer des caresses et des frissons.

Chercher d'autres langues

où chacun peut reconnaître

le grand espace, le large horizon

qui l'attend.


Nul orgueil dans cette grandeur

puisqu'elle sort de prison !

Chercher les jonctions,

la chaîne qui se brise,

le fluide qui sait glisser

sous les portes obscures.

Chercher d'autres visions

où le monde se défroisse,

comme ce rêve de quatre cavaliers

dans la toundra.

Ils ne sont plus ni hommes, ni chevaux,

mais sous leurs cheveux noirs,

le sourire du large espace.


Et l'on court à leur suite

sans demander son reste.


Etre comme eux

le fils d'un nuage qui disparaît,

ou le frère de la graminée

qui s'enflamme avec le soir.







mardi 2 juillet 2024

 


Un chiffon rouge

abandonné à la fenêtre

appelle au secours.

Aucun visage 

ne sort de l'ombre

derrière la vitre.


Ne pas sonner

à la porte,

ne pas gravir

les marches du perron.



Ne même pas savoir

s'il y a quelqu'un.



Ou bien la porte

s'ouvrirait et l'on dirait

de passer son chemin.



Mais le chiffon rouge 

s'agite dans le vent.


Faire semblant de ne rien voir ?


mais il est encore

dans la conscience

comme une tache de sang.



Croiser des fleurs innocentes,

des nuages qui changent

si vite de formes.

Ils sont mariés à la lumière.


Entendre un cri

derrière cette fenêtre.


Ce chiffon rouge

n'est pas là par hasard.



Une main l'a déposé

sur ce rebord pour

qu'il soit vu de très loin,

une main reliée à une âme

qui avait besoin

de consolation.



Ne pas savoir 

ce que l'on peut donner ?


Partager de la fragilité,

comprendre qu'on

ne puisse plus parler,

rire et respirer,

qu'on soit enfermé à mille tours

et qu'on attend simplement

la goutte d'eau d'un regard,


On veut bien.

Mais parfois les lézardes

ne se referment jamais


Combien de fois un visage

s'est enfoui dans le chiffon rouge.

Il faudrait bercer et bercer encore,

retrouver le rythme lancinant

de la berceuse qui emmène

au bout du ciel.

On ne saura pas.


Le chiffon rouge restera peut-être

toute la nuit à la fenêtre.

Des chants lointains

viendront comme un murmure

près du rebord.


Et dans un rêve,

la fenêtre s'ouvrira.

Un oiseau tremblant

vacillera dans la nuit.





lundi 1 juillet 2024

 


S'éloigner,

à pas feutrés,

tout doucement,


s'éloigner

avec son rêve

le plus profond,


celui de toujours.


Noblesse du silence

et du vide.


S'éloigner

des mots qui mordent,

de l'avalanche des mots

qui ne sont

que souffrance,

sel sur une plaie infinie.


Avoir cet hauteur d'âme

aussi haute

que l'étincelant

nuage blanc

comme un sabre


Humble hauteur

du détachement

pour créer son monde

et sa réponse


S'éloigner pour

être paix reçue,

paix donnée.