jeudi 19 octobre 2017

Un texte de 2013


Col relevé, silhouette un peu voûtée, cheveux en bataille, jambes frêles, corps un peu brisé, tu le vois disparaître dans l'impasse, un homme seul, mains dans les poches, un homme hagard que rien ne retient !
Quelques secondes, une silhouette fragile !. Mais tu as lu mystérieusement son histoire, ce qu'il a tant cherché, ce qu'il a tant désiré, ce qu'il a cru parfois trouver et qui maintenant est déjà loin. Et tu le vois marcher. Tu sais qu'il avance, qu'il ira au bout de ses forces. Tu sais aussi qu'il n'a pas peur de la mort. Il l'a traversé tant de fois ! Dans cette chute qui n'en finit pas, il a tellement embrassé la terre qu'elle est devenue sa compagne, sa sœur. Tu sais sans le connaître qu'il a du cœur, que peut-être il a nourri une souris qui lui tenait compagnie dans un appartement désert, qu'il a osé défendre un frère chassé avec brutalité de devant la vitrine d'un magasin de luxe! Tu sais qu'il a un trésor qu'il garde au fond de lui, qu'il continue les soirs clairs à regarder les étoiles, et qu'il aperçoit toujours celle qui brille le plus, qu'il se chuchote à lui-même :"Tu vois cette étoile, c'est la mienne !" Alors ce que les autres pensent de lui, vous pensez bien madame ! Il en a vraiment plus rien à faire. Et les chuchotis, les chuchotas, toutes ces médisances vipérines, il s'en contrebalance. Oui, ce matin, tu as croisé une ombre étrange, une ombre vagabonde un peu déglinguée, mais cette ombre irradiait un tel soleil ! Parce que vraiment, oui, tu en es sûr, il a choisi d'aimer sa vie, malgré sa peine. Dans cette impasse, il avançait un peu voûté, un peu tremblant, mais tu voyais bien que c'était comme le vol d'un goéland (hein ! Jonathan !) que plus rien ne retient, qu'il avançait avec toute sa vie, qu'il emportait avec lui tous ceux qu'il aimait, qu'il s'offrait tout simplement, dans ce mouvement en avant. Oui, ce matin c'était peut-être plus qu'une ombre, un homme vu de dos qui s'enfonce dans une ruelle glaciale. C'était peut-être un messager qui te lançait un appel. Peut-être t'invitait-il à prendre la fuite, tant qu'il est encore temps, dans la montagne avant que n'arrive les pillards hors d'eux-mêmes . Cette silhouette de rescapé est là devant toi. Tu pourrais la dessiner dans tous ces contours, avec chaque pli de ses vêtements, la silhouette qu'on retrouve à beaucoup de carrefours, la silhouette des affamés d'amour qui vont lentement rejoindre le soleil de leur royaume !


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