jeudi 21 septembre 2017

  
Je m'en vais le long d'une ligne
de papier blanc
en équilibre sur un fil de lumière.
Il y a trop de souffrance.
Les nuages parlent entre eux
des hommes à la nuque raide
qui se déchirent.


Je m'en vais là-bas
mendiant troué
qui cherche une aiguille
pour tout raccommoder.

J'écris "cri" pour qu'il passe,
qu'il fasse lui aussi son chemin,
qu'il s'apaise à la gorge
vibrante d'un bouvreuil,
un cri qui s'étire
comme des mots sur le papier.

Je suis le cri qui se perd,
le cri qui s'éteint au fossé,
le cri qui voudrait tout recommencer,
la première heure, le premier regard,
la première aube où l'on se lève
tout ruisselant de sa naissance.

Je suis l'homme qui s'efface
à la gomme de son épuisement,
au bord de la dernière heure,
guettant le papillon qui
ignore le poids de ses ailes.

Je m'en vais avec une sacoche
de belles paroles incapables
de nourrir un homme.
Et pourtant elles brûlent à mon flanc,
elles me courbent vers les pierres
du chemin qui chuchotent leurs sarcasmes.

C'est le don qu'on ignore,
la fleur sèche oubliée
à l'arrière d'une voiture.
Paroles en l'air,
nuages dans le ciel,
il n'y a rien à en tirer.
C'est comme le fou.
Qu'il raconte sa folie aux arbres.
Ici, on est trop occupé.

Alors je m'en vais
m’enivrer de nuages,
me saouler de feuilles mortes.
Je déchiffre l'amitié des écorces.
Même les corbeaux sont délicats
à mon égard.

Je fais fuir les chats pervers
qui jouent avec leurs proies.
Je n'ai rien d'autre à dominer
que la nuit au rempart
qui cherche une trouée.

Je m'en vais loin

sur mon cahier ouvert
à la salutation du soir
avec un châle de douceur sur les épaules
et une voix de femme qui chuchote :
"ne te fais pas de mal !"

Je m'en vais.
C'est dangereux d'ouvrir une porte
que l'on a eu du mal à refermer.
J'épouse une pensée qui voit plus loin
que le bout de son nez.

Entre quatre murs
je découvre un continent
qui ne sent pas le renfermé.
Un océan se déverse par la fenêtre.
Mon stylo est la seule rame
d'une barque en papier.

Cela va mieux maintenant.
Le mal de mer vient quand on croit
qu'un bateau ne devrait pas bouger.

Je m'en vais par le flot emporté.
Un courant que j'ignore
décidera par lui-même
où cela doit mener.


 

2 commentaires: