lundi 12 juin 2017

Un texte de 2011

-Ce jour peut vivre-

-1-

Tout continue dans un pépiement d'oiseaux invisibles. Les fenêtres s'entrouvrent, des pensées partent plus loin au dessus des arbres en gloire. Il regarde son cahier qui recule, la table qui s'éloigne, la blancheur de la lampe qui n'éclaire plus rien. Veille-t-il seulement sur sa chaise boiteuse ? Il lève plutôt la tête, ferme les yeux pour entrouvrir son espace.

-2-

C'est comme un arrachement. Nudité d'un cœur que plus rien ne saisit, à l'écoute d'une lumière qui vole librement au-dessus d'un monde assourdissant. Il suit ce qu'il ne voit pas, dans la splendeur de chaque instant, reconnaissance du parfum du cèdre après l'averse. Il n'arrive pas à dire ce qu'il veut dire, comme un enfant n'arrive pas à sortir de son déguisement, crie, appelle sa mère, et voit une eau claire dans le regard qui le délivre !

-3-

C'est lui qu'il rencontre, comme une splendeur oubliée, un grand parc silencieux où des arbres centenaires préservent un espace de feu. C'est lui en sa noblesse de rosée, le corps léger qui touche à peine l'herbe de ses pieds, qui trouve vérité à avancer toujours, alors que le soir transforme en labyrinthe de pénombres la forêt du monde. C'est lui qui ignore toutes les voix perdues qui errent dans la maison silencieuse où bientôt ne vivra plus que la poussière.

-4-

Il y a plus en lui qu'il ne pourra jamais le reconnaître. Ce n'est plus deux yeux, mais une cascade dans son ivresse blanche, ni deux poumons, mais un vent subtil qui repousse l'horizon pour y loger un immortel cri. Ce n'est plus deux mains, mais la terre et son âpre parfum, ni deux jambes mais une danse qui emporte avec elle toutes les galaxies.

-5-

Voilà la seule réalité, l'inouï à venir, corps qui se prolonge, suit la courbe des vagues ou la rivière sinueuse, se penche au dessus de l'enfant qui dort pour éclairer son rêve, corps sans pesanteur qui donne sa caresse au mélèze duveteux, à l'aile luisante du corbeau méprisée, rejoint d'un même élan la douceur d'une dune, la courbe d'une épaule, corps que la peur et le nombril ne nourrissent plus, mais passe les miradors et se glisse par les serrures noires des prisons jusqu'à la larme perdue !

-6-

Et c'est  maintenant que tout arrive, par le front épuisé qui laisse son empreinte sur le sol, par la coupe de détresse bue avec celle du refus, par le désir abrupt qui retrouve sa lumière, et un autre cœur qui ne veut plus être une mort pour lui-même, mais trouve un peu de sa conscience près de la rose et son parfum.


-7-

Ce jour tout autre peut vivre, puisqu'il se contente d'un rien, un éclat de soleil au bord de la colline, une lueur dans une chevelure, la langue inconnue d'un enfant qui se croit seul, ou le rire d'eau fraîche d'une femme qui ne sait pas qu'elle entrouvre le ciel. Ce jour est là, loin de l'immense mensonge de la mort qu'on organise !



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