dimanche 30 juin 2024

 

                                                                                     

Les lieux qui ne sont pas des lieux
mais des portes,
vous les connaissez ?

Ô vous, fleurs de lisières
vous n'avez pas besoin d'oreilles.
Et déjà vous avez compris
ce chant.

Vous l'accueillez,
comme vous accueillez la lumière,
comme vous frémissez
sous le museau du faon.

C'est le chant insondable
où se mêlent la nuit
et sa crinière d'étoiles,
le chant qui prend le cœur
et le pose là, tout palpitant
à l'ombre des arbres.

Ô fleurs des lisières
vous accourrez,
vous le reconnaissez.

C'est un prince 
maintenant à nu
qui perd son sang.



samedi 29 juin 2024

 



                            Prière du poète

Mon Dieu qui donnes l’eau tous les jours à la source,
Et la source coule, et la source fuit ;
Des espaces au vent pour qu’il prenne sa course,
Et le vent galope à travers la nuit ;

Donne de quoi rêver à moi dont l’esprit erre
Du songe de l’aube au songe du soir
Et qui sans fin écoute en moi parler la terre
Avec le ciel rose, avec le ciel noir.

Donne de quoi chanter à moi pauvre poète
Pour les gens pressés qui vont, viennent, vont
Et qui n’ont pas le temps d’entendre dans leur tête
Les airs que la vie et la mort y font.

L’herbe qui croît, le son inquiet de la route,
L’oiseau, le vent m’apprennent mon métier,
Mais en vain je les suis, en vain je les écoute,
Je ne le sais pas encor tout entier.

J’ai vu quelqu’un passer, un fantôme, homme ou femme…
Mon cœur appelait sur la fin du jour…
Les rossignols des bois sont entrés dans mon âme.
Et j’ai su chanter des chansons d’amour.

J’ai vu quelqu’un passer, s’approcher, disparaître ;
Et les chiens plaintifs qui rôdent le soir
Ont hurlé dans mon cœur à la mort de leur maître.
J’ai su depuis chanter le désespoir.

J’ai vu les morts passer et s’en aller en terre,
Leur glas au cou, lamentable troupeau,
Et leurs yeux dans mes yeux ont fixé leur mystère.
J’ai su depuis la chanson du tombeau…

Mais si tu veux mon Dieu que pour d’autres je dise
La chanson du bonheur, la plus belle chanson,
Comment ferai-je moi qui ne l’ai pas apprise ?
Je n’en inventerai que la contrefaçon.

Donne-moi du bonheur, s’il faut que je le chante,
De quoi juste entrevoir ce que chacun en sait,
Juste de quoi rendre ma voix assez touchante,
Rien qu’un peu, presque rien, pour savoir ce que c’est.

Un peu – si peu – ce qui demeure d’or en poudre
Ou de fleur de farine au bout du petit doigt,
Rien, pas même de quoi remplir mon dé à coudre…
Pourtant de quoi remplir le monde par surcroît.

Car pour moi qui n’en ai jamais eu l’habitude,
Un semblant de bonheur au bonheur est pareil,
Sa trace au loin éclairera ma solitude
Et je prendrai son ombre en moi pour le soleil.

Donne-m’en ! Ce n’est pas, mon Dieu, pour être heureuse
Que je demande ainsi de la joie à goûter,
C’est que, pour bercer l’homme en la Cité nombreuse,
La nourrice qu’il faut doit savoir tout chanter.

Prête-m’en… Ne crains rien, à l’heure de le rendre,
Mes mains pour le garder ne le serreront pas,
Et je te laisserai, Seigneur, me le reprendre
Demain, ce soir, tout de suite, quand tu voudras…

Ô Toi qui donnes l’eau tous les jours à la source,
Et la source coule, et la source fuit ;
Des espaces au vent pour qu’il prenne sa course
Et le vent galope à travers la nuit,

Donne de quoi chanter à moi pauvre poète,
Ton petit oiseau plus fou que savant
Qui ne découvre rien de nouveau dans sa tête
Si dans son cœur tu ne l’as mis avant.

Vous qui passez par là, si vous voulez que j’ose
Vous rapporter du ciel la plus belle chanson,
Douce comme un duvet, rose comme la rose,
Gaie au soleil comme un jour de moisson,

Si vous voulez que je la trouve toute faite,
Vite aimez-moi, vous tous, aimez-moi bien
Avant que mon cœur las d’attendre un peu de fête
Ne soit un vieux cœur, un cœur bon à rien.

Aimez-moi, hâtez-vous… J’entends le temps qui passe…
Le temps passera… le temps est passé…
Bientôt fétu qui sèche et que nul ne ramasse
Mon cœur roulera par le vent poussé,

Sans voix, sans cœur, avec les feuilles dans l’espace.
(Les Chansons et les Heures)



 


Tiens-toi 
sur tes gardes.

Il y a quelque chose
à garder.

Un trésor sur lequel
il faut veiller.

Monte la garde.
Attends de pied ferme
ce qui vient
pour t'éloigner
de toi-même

Uni à des profondeurs
insoupçonnés,

où tu n'es plus
déchiré.

Toi
enfin 
au large.

Toi
enfin
vrai.



vendredi 28 juin 2024

 


Des branches de begonias "maculata"
plongées dans l'eau
donnent racines.

Cela m'émerveille.
La science explique-t-elle
ce phénomène ?

Les cellules au niveau
de la brisure,
en contact avec l'eau
soudain se multiplient
pour former des racines.

Je cherche aussi
les éléments déclencheurs
dans ma vie

Est-ce que l'on n' est pas tous
des branches cassées
qui cherchons
la vraie vie *?

*"Quelle vie ! La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde"
Arthur Rimbaud





jeudi 27 juin 2024

 



A l'abri de la chaleur
marcher en forêt.

Etre étonné par le silence.
Même les mésanges
et un pic-vert aperçu
ne font pas de bruit.
Ils frôlent les feuillages.
Ils sont sans cesse en mouvement.

C'est comme si les arbres
veillaient sur le silence,
des poches de silence
qui peut-être
pourront servir un jour

On transfuse bien le sang.
Un jour peut-être
transfusera-t-on le silence,
sous ordonnance.

"Vous êtes trop bruyant 
en vous-même, monsieur.
Je vous prescris
une poche de silence
à transfuser
de préférence le matin,
pendant une semaine."



mercredi 26 juin 2024

 




"Pousse-moi fort,
jusqu'au ciel,
jusqu'au ciel !"

L'enfant rit
ferme les yeux
ivre de vent,
ivre d'espace.

On l'entend
chanter doucement :

"Jusqu'au ciel,
jusqu'au ciel,
puisque c'est
ma maison !"

Et l'on comprend
soudain
que c'est main-tenant
et pas demain.




mardi 25 juin 2024

 



A Burthecourt-aux-Chênes
inutile d'actionner
la roue,
le puits ne donne 
plus d'eau

En pleine chaleur,
personne ne viendra
désaltérer le voyageur
en puisant
avec un seau.

Avec les années
s'est perdu
le chemin
de la source.

L'eau courante
est arrivée
prisonnière
dans des tuyaux,

une eau souvent javellisée

Plus de rencontre
au bord du puits,
plus d'histoires
et de rires
dans le lavoir.

C'est le progrès.

Et voilà
qu'est venu
le temps
où le progrès
apporte
la mort.

Aveuglement
jusque quand.






lundi 24 juin 2024

 

A la source de Bonnefontaine
un moment pour écouter
le chant de l'eau.

Ce chant pénètre
à l'intérieur
de l'être

coule plus 
profondément
qu'on ne le croit,

là, à l'instant même

et sur le chemin
qui mène
au carrefour
du bouquets d'arbres

tout chante aussi,

la vieille souche

les sous-bois
qui vibrent,

les taches de soleil
qui dansent

et les herbes
enivrées de rosée

Même la laie
qui éternue,
grogne bruyamment
pour appeler
ses marcassins,
chante.

Tout chante.

Se laisser chanter
aussi,
se laisser rejoindre

simplement
en écoutant
un  filet d'eau.









dimanche 23 juin 2024

 


Quelques fleurs du jour.
avant que les yeux se ferment.
Simple abandon.

Pour une petite pépite d'or, que de boue à remuer.

Mais quand on l'a trouvé.
C'est comme un grain de cassis
dans la paume d'une main.

On voit tout de suite que c'est précieux.

Cette robe luisante du grain,
cet éclat de l'or.

Tout oublier
et ne plus jamais
perdre de vue
le grain d'or,
la pépite noire
du cassis.








 


Pratiquez la méditation sincèrement et vous réaliserez Sa grâce infinie. Dieu demande de la sincérité, de la véracité et de l’amour. Les épanchements verbaux à l’extérieur, ne le touchent pas ». 

Swami Vijayananda




samedi 22 juin 2024



Tenir sans tenir,
Monter sans monter,
Aimer détacher, évider
sans être vide,

Brûler sans brûlure,
Vivre vrai,

Se relever et sourire,
Revenir sans retour,
Implorer toujours,

Avancer sans devancer,
Comprendre sans un mot,
Avoir cœur ouvert 
à toutes les aubes,

Attendre sans attendre,
se reposer enfin.











 

 


"Un vieillard doué d'une grande connaissance spirituelle reprit un frère orgueilleux; mais celui-ci dans son aveuglement, lui répondit : "Pardonne-moi, Père, je ne suis pas orgueilleux". Le très sage vieillard lui dit : "Quel meilleur indice de cette passion pouvais-tu nous donner, mon enfant, que de répondre : "Je ne suis pas orgueilleux." "

Jean Climaque, Echelle sainte, 22e degré, 14



Un père copte, Peinture acrylique



vendredi 21 juin 2024

 

"Laisse toi silencieusement attirer

par la force de ce que tu aimes réellement."

Rûmi



L'aube était 
comme un appel
malgré la touffeur.

Et cet appel
était clair,
sans appel.

C'était comme 
celui de l'enfance
où par la grâce d'un refrain
était révélé
que la seule issue
était intérieure

et que jamais ce monde
ne comble un cœur
assoiffé d'infini