mardi 30 avril 2019

Tout le monde sait
que les fleurs fanent.

Enfin, presque tout le monde.

Pour savoir qu'une fleur fane,
il faut croire au temps,
il faut même le craindre.

Mais sans temps,
la fleur ne fane pas.

Ce qui disparaît
ce n'est pas vraiment
la fleur.

Peut-être de la matière
végétale ?

le temps efface
ce qui doit être effacé.

Chacun croit vieillir.

Mais suis-je si différent
qu'à l'époque où j'avais six ans
et mettais des grains de raisin
dans une boîte en plastique
pour constater leur pourrissement
quelques jours plus tard ?

Le temps, toujours le temps.

Si je sors de mes répétitions,
de mes ornières,
de mes plis, de mes rides
que j'accentue en y croyant,

j'ai six ans,
j'ai toujours six ans.



lundi 29 avril 2019


                   C'est le blues de l'ancolie.
                                  Mélancolie devant les murs
                                          où l'on s'emmure !

            Que peut un pétale,
                                  même si  c'est 
                                                 un pétale bleu ?

      Derrière le mur,
                        se trouvent 
                                              les bleus à l'âme

      Tiens, les voici.
                      On dirait 
                                       des papillons de nuit.

               Ce qui nous cherche
                                    c'est ce que l'on fuit.

                   Qui traversera le mur ?
                                le papillon de nuit
                                                 ou l'ancholie ?


                                                                
                                                                     




dimanche 28 avril 2019




Its my home, home, home, home home home home home x2



Au bon endroit,
la graine.

Et le vent aussi
qui l'emportera.

J'y suis aussi,
même déchiré
où bat encore
le pouls de la nuit.

Au bon endroit,
j'attends
d'être reprisé.

Retrouvé.
Accueilli.



samedi 27 avril 2019




Il y en a qui sont revenus de tout.

Je n'en reviens toujours pas
d'être au monde
d'être au ciel.

les nuages attestent
d'un incroyable miracle.

De la vapeur d'eau visible
dans un infini insondable
par un amas de cellules
organisées...

au point de rendre
cette vision possible.

l'œil, la main, le pied,
serviteurs que j'oublie,

je ne veux pas en revenir
de votre présence.

Je ne veux pas être blasé.
Je ne veux pas mettre
de la suie partout
et essuyer le monde
d'un coup de chiffon morne.

Je suis un miracle,
pas une machine.




vendredi 26 avril 2019


Donner de la place.

Qui ne quitterait le filet,
l'entortillement,
l'anxiété du miroir
qui renvoie un reflet
qu'une seule rayure d'ongle
sur le tain peut effacer ?

Je me dispose.
Je m'éloigne du flux,
comme pour mieux voir
une cascade de mots
qui se forme on ne sait où.

J'ai toujours en mémoire
le croassement sec du corbeau
sur sa branche qui m' a sorti
tout tremblant du manège fou
des pensées intérieures.

Quoi ? Quoi ? Quoi ?
a dit le corbeau

Mais tu es où ?
aurait pu répondre le hibou.

Je n'étais pas là.
j'étais ailleurs
où il n'y a rien
que des nœuds

Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des noeuds.
René Char




jeudi 25 avril 2019


"Les oiseaux libres ne souffrent pas 
qu'on les regarde.

Demeurons obscurs.

Renonçons à nous,
près d'eux"

René Char




mercredi 24 avril 2019




Un instant,
ne plus avoir de tête.

Voir loin sans rien saisir
de ce qui s'offre au regard,

je respire à fond
et au fond, c'est simple.

Je ne me raconte
plus d'histoires.






mardi 23 avril 2019

 
 
"Renoncer à ce qui est impossible
est plus difficile que renoncer
à ce qui est possible"
 
Cette phrase me trotte
dans la tête
comme un koan zen.
 
Elle trotte. Elle fait
son travail souterrain.
 
Avec elle, j'ai l'image
d'un homme qui se penche
vers la terre, l'humus.
 
Je vois aussi les derniers pétales
du cerisier qui s'y déposent.
 
Une descente. Un retour à soi-même.
Une acceptation sans résignation
 
Avec elle, je marche
le long de la rivière.
Après le penchement,
le relèvement.
 
Sur le chemin, la première brise de printemps
ne fait pas que caresser mon visage.
 
Elle pénètre plus loin,
en un lieu secret,
un enclos bien gardé
où peu à peu
les forces reviennent.
 
Pure gratuité et simplicité.
 
 
 

lundi 22 avril 2019



Tout se condense
en quelques brins d'herbe.
et un peu de soleil.

Poser sa tête,
s'y enfouir
avec sa névrose
sa nécrose,
s'y endormir,
s'y réveiller
avec le nez
qui chatouille
les étoiles,

que rêver d'autre ?

Oui, quelques brins d'herbe
valent bien tout l'or du monde.

Rien ne les effraye,
ni le sang, ni la mauvaise haleine,
ni les corps dans leur effondrement
ni les pensées de mouches noires.

Quelques brins d'herbe
et un peu de soleil.





dimanche 21 avril 2019

ll ne voit pas le bout,
le silence étant
derrière toutes les portes
et les fenêtres.

Qu'il ouvre seulement
et toute parole se perd.

Ce qui rayonne
maintenant de lui-même,
                               est la peau d'un arbre,                               
l'huile de la rivière
entre les herbes,


les yeux étranges
d'un bébé qui jamais
ne perdent de vue
l'immensité !

-2-

Ne rien retenir

Par l'étreinte
où tout est rassemblé

Il pressent cet incessant
tourbillon,
dans la densité du rocher
ou l'architecture des fleurs.

Lui-même,
s'il résiste encore,
est emporté.

Ne rien retenir,
jusqu'à oublier
cette fausseté du
visage que l'on forge,

être traversé
de tant d'étoiles
que plus rien n'est
à dénombrer
dans l'étonnement d'être !

-3-

Il n'y a
qu'un vide ouvert
où fusent
par surprise
des chants d'oiseaux
veilleurs,

comme si tout
recommençait toujours.

La nuit a pleuré
sur la pivoine native.

Neuve, elle invite
à laisser se perdre
l'obscurité.

Aucun tombeau
n'est assez grand
pour contenir
le cri de la lumière !

2011




samedi 20 avril 2019



Entre la mort et la vie,
samedi.

Prémices de lumière.

Rien n'est effacé.

Marque des clous.
Marque des coups.

Le corps est au pressoir,
le corps est oppressé.

Entre la mort et la vie
samedi.

Lorsque la mort,
la mer se retirent,

rien n'est effacé.

"La vraie vie est absente.
Nous ne sommes pas au monde"*

Et soudain.




                                                                              *Rimbaud

vendredi 19 avril 2019


La vie minuscule,
la vie qu'on ne voit pas,
tout ce qui n'aura pas d'histoire
ou si peu,
tout ce qui est 
réduit en poudre,
que disperse le vent,

et pourtant,
la vie obstinée,
la vie vaille que vaille
coûte que coûte
dans son manteau de silence
et de feu qui couve,



c'est à elle que je m'adresse,

c'est elle qui vient au bord du chemin,
me porte sur son épaule,
une aube où la fenêtre
reste ouverte.


Je viens avec deux mains vides,
une tête qui résonne
et perd ses mots,
un cœur grillagé
par l'angoisse.
Je viens avec mon paletot
aux manches usés,
et des taches, et des trous,
et de la nuit qui s'écoule
des poches.
Je viens goûter le souffle
et l'espace du vivant.


Car on n'est pas moins homme
d'être ce que l'on est,
sans tricher,
avec son vacillement
et ses questions en vrille.
Je viens à la vie incertaine,
celle qui chuchote,
celle qui pleure aussi.


Je viens à la vie.
J'avance jusqu'à sa robe
ou son alcôve,

tombe en tendresse,

ne me relève plus de force
mais d'oiseaux,

tourné vers ce qui est
dans l'oubli de ce qui n'est pas




jeudi 18 avril 2019


Je t'ai vue.
J'aurai pu ne pas te voir.

Chaque matin et chaque soir,
quelqu'un rentre,
quelqu'un sort
et ne te regarde pas.

Heureusement, finalement.
Certains t'auraient arrachée.

T'es comme le T
au dessus de toi.
T belle, tu sais.

Alors j'ai envie de dire
merci à ceux 
qui ont su voir

et qui un jour
m'ont regardé vraiment.

Chacun ne vit
que par un regard aimant.











mercredi 17 avril 2019

Tu comptes sur qui, toi ?

Moi, je ne peux plus compter
sur moi-même.

Trop troué, trop déchiré,
trop étrillé, trop trahi.

Je ne sais d'ailleurs
même plus compter.

Tu as un plan de carrière, toi ?

J'ai même pas de plan de vie.
Je la rejoins.

Ma vie, ô ma vie,
reçue et donnée.

"Mourir, cela ne fait pas mal
et cela fait du bien" *

je meurs et je vis
et mon coeur s'enflamme

Quand tu sors 
de l'enfer-mement
tu souhaites aussi

que les autres sortent de Là !


*Enric Benito

mardi 16 avril 2019


                                    

Peut-être ce jour viendra-t-il
où tu n'auras plus rien à écrire ?
Peut-être suffira-t-il de contempler le réel
dans ses infinies possibilités
comme cette lune au bout d'une branche,
ce corbeau sur un fil,
ou les reflets mystérieux de l'eau dans un lavoir ?
 
Peut-être avanceras-tu dans l'existence
soudainement devenu muet
comme une pierre que le soleil réchauffe ?
 
Ce qui est vraiment est tellement plus loin que les mots,
comme cette lueur dans le regard d'une biche
 surprise à l'orée de la forêt,
ou la branche d'un arbre
qui se met à grincer
quand se lève le vent
qui vient de la mer !
 
 Toujours quelque chose t'échappe.
Cela est sur le bout de tes lèvres,
mais jamais ne sera prononcé !
 
Tu as à être l'homme qui s'incline, se retire et s'efface.
 
Tu ne peux rien protéger,
tu ne peux rien défendre.
 
Il y a seulement la simple évidence
qui demeure au pied de pensées mortes,
 un étonnement, une stupeur.
 
Tu le trouves parfois
dans un regard d'enfant
qui ne calcule rien,
 joue des heures à passer la main
 sous l'eau du robinet,
prépare avec soin une soupe d'herbes
 et de fleurs au fond du jardin.
 
Tu l'aperçois quand la lune
vient se poster à la fenêtre
comme pour accompagner
d'un halo de blancheur
la respiration des dormeurs !
 
C'est ainsi que tu acceptes de n'y rien comprendre,
 même si tu aimerais nager
dans un océan de douceur !
 
Tu passerais sans peine
sous le bruit effarant des mots d'ordre et des slogans,
 échapperait à la fureur
de ceux qui utilisent le monde
et n'en laissent qu'une dépouille !
 
Tu veux être un homme qui a conscience
 qu'à tout moment des vies se brisent.
 
Tu accompagnes ainsi
ceux qui appellent à la tendresse.
 
Le jardin, l'hiver, n'est pas en deuil.
Sous le givre et la pourriture des feuilles,
 des graines sont un mystère à elles-mêmes.
 
Chacun est enfoui dans une terre.
Personne n'en sait rien.
Combien de temps avant que cela lève !

 

 
 
 
 

lundi 15 avril 2019



Un héron éloigné
s'éloigne encore plus.
Son univers est un instant
en lien avec le mien.

Si il y a bien un mystère
c'est la paix qui descend
à la vision d'un animal sauvage.

Chacun de ses pas
est un enseignement.
C'est comme s'il avait peur
de blesser l'herbe
sous ses pattes graciles.

J'aimerais retrouver
la terre ainsi.

Marcher comme
si je n'avais jamais marché.

Vivre comme si je 
n'avais jamais vécu.

Mais pourquoi
le conditionnel ?








dimanche 14 avril 2019


Vivre une parole,
revivre le temps,
le lieu, l'âme
de celui qui l'a prononcée,
est comme une plongée
en eau profonde.

Habiter une parole
qui invite chacun
à une parole singulière,
pas une parole uniforme,
une parole assénée
brutalement qui ne tient
nullement compte
des germinations lentes
et de la timidité de l'aurore,
est comme trembler
à chaque mot sorti vivant
du mûrissoir de la nuit.

Oh, parole parfois 
qui blesse si fort
et ne tient pas parole
mais secrète l'amertume,

je t'appelle muet
dans la flamme.