dimanche 31 mars 2019

Quand l'intérieur
est comme l'extérieur,

ce n'est plus déchiré.

On est pris
dans le frémissement
des bourgeons.

On pressent
le mystère des écorces.

Heureuse la douceur
qui est le pont
entre deux mondes.

Heureuse la clarté
et la paix 
qu'on ne conquiert pas
soi-même.

La terre se chauffe
au soleil.
On ne s'enfuit plus.
Les fleurs du cerisier
sont belles
d'être éphémères.

Les enfants dans les jardins
cherchent peut-être
des coccinelles.

leurs cris joyeux
dans le lointain
montrent que la vie
simplement vécue
est bonne.





samedi 30 mars 2019


La morsure de la nuit,
où mord-t-elle ?

Regarde ses dents
intensément !

A qui font-elles mal ?

Tu es plus loin,

les cisailles mordent
du vide,

et toi, tu marches
paisible et accepte
d'être creusé
par les mâchoires
de la nuit,

là, droit et libre,

alors que tu devrais
être englouti
d'insupportable,

là, avec un regard doux
pour cette plainte
qui gît dans
son sang d'amertume,

tu vois un pays
qui s'offre et
se déroule
dans la tranquillité
d'un espace
où tu es
ce que tu dois être !



vendredi 29 mars 2019



Je me mets à l'abri
sans protection.
"Mon péril est ma paix"*

Je reviens,
je retourne.
Il y a des élixirs
qui n'ont pas de nom.

C'est le giron du vent,
le ventre ouvert
d'un ciel étoilé.

C'est la crinière des branches
qui éloigne 
les mouches des nuées.

Je prends refuge
toute porte ouverte
dans le secret 
des fenêtres ensoleillées.

Je revis, je recommence.
Je murmure la source
pour que son murmure
se perdure.

je regarde la mort en face,
sa charogne dévastée.


                                                                                        *Jean Mambrino




"Je sais bien que c’est Lui, Lui dont le nom secret est : le Séparé-de-Lui-même qui souffre en nous : et que lorsque sera enfin passée la nuit sans fleurs et sans miroirs et sans harpes de cette vie, un chant vengeur, un chant de toutes les aurores de l’enfance se brisera en nous ainsi que le cristal immense du matin au cri des ailés, dans la vallée de rosée. "

Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz 1877 – 1939 




encre de chine

jeudi 28 mars 2019


Celle qu'on n'aperçoit pas,
celle qu'on oublie,
celle qui rêve
qu'elle est duvet au vent,
celle qu'on piétine
et qui renaît chaque matin,
celle qui ne sait pas
qu'elle est belle,
celle minuscule
qui contient l'univers,
celle qu'on ne cueille pas,
celle toute donnée au soleil,
celle qu'on regarde des heures
sans savoir pourquoi,
celle à qui on ne dit rien
parce qu'elle parle toute seule,
celle à qui le silence répond,
celle qui ne peut faner
parce qu'elle fleurit invisible,

celle qui me guide
aux eaux apaisées,

celle qui m'ouvre les yeux
au cœur de la nuit,

celle que je protège
de ma fragilité,

celle que je chante
et qui chante parce qu'elle est,

je te salue.






mercredi 27 mars 2019


Le rose du magnolia
est à l'envers
du noir qui hante
l'homme.

Pourquoi ?

Repose-toi
avant que je te
repose cette question.



mardi 26 mars 2019

L'espace entre les oiseaux ne saurait disparaître. Sont-ils vraiment ensemble ? Ils baignent dans la lumière d'un soleil pâle. Ils volent sans se regarder, tout entier dans leur vol !

Tu as donné une pierre à celle dont tu ne sais rien. Rien d'autre qu'un sourire bouleversant où apparaissait en une flamme tout le drame du monde. Tu t'es incliné devant cette majesté, comme on s'incline devant des pieds nus qui ont arpenté des chemins de poussière.

Tu as vu ce cri comme la larme qui pointe à peine.
"Suis-je aimé vraiment ?"

Toute vie est donnée. Chacun revêt son costume, répète son rôle.
"Suis-je important ?"
Le monde glisse aussi comme les nuages. Tout t'échappe des mains. Tu ne rattraperas rien !

Même l'ami qui t'a sauvé la vie prononce ces mots terribles : "A quoi bon ?"

On dirait du sable emporté par un torrent. La belle au bois dormant ne veut plus se réveiller. L'ami ne voit plus son rêve. Il a peur d'un éclat.

"A quoi bon ?" Dans les remous du fleuve, des corps se glissent comme dans des draps.

Tu ne veux plus être englouti. Tu crées ton monde. Tu ne t'enrouleras pas dans des bandelettes. Tu ne rejoindras pas la tombe, la place qu'ils t'ont préparée !

Peut-être y-a-t-il quelqu'un à la fenêtre de l'immeuble d'en face qui croise ton regard sans le savoir, qui trace quelques lignes sur le ciel de papier blanc, en même temps que toi, quelqu'un que tu n'as pas besoin de rencontrer puisqu'il est avec toi dans cet espace. Tu n'as pas besoin de lui tenir la main.
Vous avez le même cœur qui continue de battre.




lundi 25 mars 2019


Simple comme bonjour,
je veux du simple.

Pas du tordu
ou du tortueux
ou du tord-boyaux,
ou de la torture
quand je suis
mon propre bourreau.

Non du simple,
comme s'il n'y avait plus
de rides, de replis ou de recoins.

Je veux le regard du matin,
enfant, quand le rayon
de lumière jouait
à me réveiller.

Je veux apporter là,
à l'instant même
le blanc et la rugosité
du drap frais
et l'odeur du pain grillé
et la forêt qui s'éveille
avec les cils des sapins
qui pleurent encore un peu.

Simple, je veux du simple
avec le nuage qui m'apprend
à marcher et à ne rien crisper.




dimanche 24 mars 2019


Quelques primevères
entre les branches,
inaccessibles mais présentes
sont le réel,
l'intégralité du réel.

L'humain, où est-il ?
Il se débat encore.
Il cherche le chemin
de la primevère,
de la pervenche,
de l'anémone
qui n'ont pas besoin
de tourments.

l'humain anémone
est-ce pour demain ?
Peut-être cette reconnaissance
vient-elle ?

L'humain marche
dans cet espace lustral,
il ouvre avec peine les yeux
éléphant perdu
dans de la porcelaine.






samedi 23 mars 2019

Portrait de Suzanne à la plage

encre de chine diluée






Le soleil peut rester immobile.
Le soleil peut ne pas disparaître.

Lentement le paysage s'infuse
en l'espace de mes yeux ouverts
qui n'en font plus qu'un

C'est l’œil qui reste immobile,
l’œil qui ne peut disparaître.

Quand tout a été arraché,
quand tout a été effacé,

Quand on n'attend plus rien
pour rester ouvert
à ce qui advient,

Quand on ne demande plus rien
Quand on se fait capacité
silencieuse,

un chant monte
un chant montera

torrent qui emporte tout.

Tout.


vendredi 22 mars 2019


Si ténu soit le fil
je le suis,
fil d'Ariane
singulier.

Je saute de pierres 
en pierres
posées au hasard
à la surface
d'une eau noire.

Je ne lis plus guère.
les lignes semblent
de l'écume que
le sable du rivage
absorbe.

D'autres pages
s'ouvrent
pour une lecture
sans méthode

Rien à savoir
et peu à dire

Peu à écrire
pour un essentiel
qui ne peut être là
où on le pense.








Je pense qu’en ce moment
personne peut-être ne pense à moi dans l’univers,
que moi seul je me pense,
et si maintenant je mourais,
personne ni moi ne me penserait.

Et ici commence l’abîme,
comme lorsque je m’endors.
Je suis mon propre soutien et me l’ôte.

Je contribue à tapisser d’absence toute chose.
C’est pour cela peut-être
que penser à un homme
revient à le sauver.

Roberto Juarroz (1925-1995) – Poésie verticale (Poesía vertical, 1958) – Traduction de Roger Munier


le "penseur"
encre de chine diluée

jeudi 21 mars 2019



Tout 'est pas écrasé,
réduit en cendres
ou en bouillie.

Tant de regards
qui ne portent
que leurs pensées
comme un essaim
qui aveugle.

Partout des interstices.

Pourquoi les enfants
aiment tant porter
des lunettes de soleil ?

Parfois cela vibre,
cela se déchire.

On se frotte les yeux.
Ai-je bien vu
ce que j'ai vu ?

Tout un univers attend
que je me détourne
de mon opacité.

Je suis l'obstacle.

Je suis ici
"l'erreur qui s'apaise"*






*Pierre-Albert Jourdan
 n


"L'agonie c'est l'art de rester sur sa fin"

Louise Bourgeois



Portrait de Louise Bourgeois


mercredi 20 mars 2019



Au bout
de chaque brin d'herbe
une petite perle
de glace.

La vois-tu ?

Elle est là
pour rien,
n'est-ce pas ?

Elle n'a pas
de rôle à jouer.

Tout à l'heure,
sous les premiers
rayons du soleil
elle va disparaître.

Une minuscule 
goutte d'eau
 a trouvé sa place
un bref instant
dans l'univers.

Ma vie d'homme,
un bref instant aussi !



"Le juste reconnaît son moi en autrui"

Arthur Schopenhauer

encre de chine diluée

mardi 19 mars 2019

Finalement pour être
vraiment soi-même
il y a comme
une vieille peau
à jeter par dessus bord.

Un jour j'ai rencontré
un chauffeur routier
hanté par la phrase
assassine que lui répétait
son père :
"Toi, tu n'es même pas
capable d'être bon à rien !"

Même pas capable
d'être le néant !

Chacun a sa valise
de petite phrases,
valise avalanche
où l'on s'engloutit !

Mieux vaut la laisser
 à la consigne du néant
justement.

Et à coups de non,
à coups de canon,
assourdir les voix
antédiluviennes
qui poussent
comme du chiendent.

J'écoute qui
maintenant ?





"Nous ne sommes pas notre peau de crasse, nous ne sommes pas notre locomotive effrayante et lugubre sans image, nous sommes tous au-dedans de beaux tournesols" Allen Ginsberg , Howl 


Portrait de Ginsberg
encre de chine






lundi 18 mars 2019


Telle est ta pensée, telle est ta vie.
Le voyage ne doit jamais finir.
Combien de temps faudra-t-il
encore heurter une vitre
qui n'existe pas ?


Prends-moi dans tes bras,
enlève d'un simple baiser
tout ce qui s'est déposé dans mon cœur
et qui dans la nuit
était le cri de l'effroi et de la cendre.


Le suaire se laisse glisser
dans une eau qui chante.
La peur d'être nu est enlevée
par le battement d'ailes
des colombes

J'ai cédé à la mort mille fois
et reprenais vie
sur une plage
où quelqu'un 
que je ne voyais pas
murmurait mon nom.


Cela suffisait.



dimanche 17 mars 2019


Cinq pétales et un cœur,
cela suffit.

Loin, très loin
de la violence.

Je deviens petit,
petit, petit.
Tout petit.

Voilà qu'entre
cinq pétales
je suis.

Il n'y a plus que la fleur.

Et dans d'autres recoins
de la galaxie,

même si l'homme
se détruit,

cinq pétales
et un coeur,
cela suffit.





"Les hommes modernes s'ennuient parce qu'ils n'éprouvent rien. Et 

ils n'éprouvent rien parce que l'émerveillement les a quittés. Et 

quand l'émerveillement quitte un homme, cet homme est mort. Il 

n'est plus alors qu'un insecte"

D.H. Lawrence

encre de chine

samedi 16 mars 2019



Est-ce que c'est possible
d'être au cœur ?

Au cœur simplement,
simplement là.

Il y a longtemps
j'ai écrit un texte
sur "là"

Là,
bien posé là.

Là devant l'arbre
en fleurs
qui sont plus
que des fleurs

et que j'effleure
d'un regard
au coeur,

un regard où
l'on y est enfin,

là au coeur
qu'on ne peut plus
quitter.

Plus jamais.




vendredi 15 mars 2019


L'homme à l'envers
de la vie ?

Je ne veux pas
me chiffonner.

Vieillir,
ce n'est pas
se ratatiner.

Mais ployé
sous le fardeau
où vais-je
me déployer ?

Il y a d'autres espaces
plus subtils,
des territoires
où le fiel de la mémoire
défaille.

Je vais jouer
de mes branches
qui sont aussi des racines.

Et doucement
le vent prendra soin
des premiers bourgeons
qui cherchent les étoiles.