"Qui voit vraiment ?
Fusain
Lorsqu'il n'est plus rien resté,
c'était un ciel plein d'étoiles,
libre de tout lien,
avec partout
des maisons écroulées,
et nulle trace de morts,
seulement des fleurs
qui poussent sans effort
parmi les ruines,
et des nomades
qui vont plus loin,
avec dans le regard
la lumière de l'enfant,
qui en son royaume
n'a besoin de rien !
Volontiers je m'approcherai de l'Amour,
si de l'intérieur je pouvais l'atteindre,
Mais nul ne saurait chanter ceci avec moi,
qui se mêle beaucoup aux créatures.
L'amour nu qui n'épargne rien
dans son trépas sauvage,
séparé de tout accident
retrouve sa pureté essentielle.
Dans le pur abandon de l'amour,
nul bien crée ne subsiste :
amour dépouille de toute forme
ceux qu'il accueille dans sa simplicité.
Libres de tout mode,
étrangers à toute image :
telle vie mènent ici-bas
les pauvres d'esprit.
Ce n'est point tout de s'exiler,
de mendier son pain et le reste :
les pauvres d'esprit doivent être sans idées
dans la vaste simplicité,
qui n'a ni fin ni commencement,
ni forme, ni mode, ni raison, ni sens,
ni opinion, ni pensée, ni intention, ni science :
qui est sans orbe et sans limite.
Cette simplicité déserte et sauvage
qu'habitent dans l'unité les pauvres d'esprit :
ils n'y trouvent rien, sinon le silence libre
qui répond toujours à l'Eternité.
Ceci est dit en un court poème,
mais le chemin est long, je le sais bien,
et mainte souffrance endure
qui le veut parcourir entièrement.
Hadewijch d'Anvers
Peinture, peintre inconnu
Dès que tu avances sur le chemin, le chemin apparaît.
Djalâl ad-Dîn Rûmi